Il y a une énorme nuance entre être fauché et être pauvre.
Les vrais pauvres n’ont pas la possibilité de s’en sortir. Ils habitent où ils peuvent, parfois chez des marchands de sommeil, et ils travaillent quand ils peuvent, pour des salaires de famine et dans des conditions souvent épouvantables. Il faut lire “Tête de Turc” de Gunther Wallraf et “le quai de Ouistreham” de Florence Aubenas, deux journalistes de talent qui ont plongé dans l’enfer de la pauvreté et qui en font des récits effrayants mais qui savaient pouvoir en sortir.
Les vrais pauvres ne peuvent pas.
Cela nous éloigne du parapente mais pas tant que ça, je maintiens qu’on peut voler quand on est fauché comme on pouvait grimper à une époque où la condition des petites gens n’avait pas encore été améliorée par les 30 glorieuses.
Dans son bouquin sur la face N de l’Eiger, Heinrich Harrer raconte sa rencontre avec Fritz Kasparek en 1937. Jeune étudiant en médecine, archi-fauché, il rentrait à pied des Dolomites vers son Autriche natale et il était sale, affamé, fatigué. Kasparek avait une poire bien mûre et il la lui avait donnée, prétendant avoir déjà mangé… mais c’était faux et il n’avait rien d’autre, simplement Harrer avait encore plus faim que lui.
J’aurais fait comme Kasparek.
Être vraiment pauvre, c’est bien pire que ça, ils étaient seulement fauchés.
L’année suivante, ils participèrent à la 1ère de la face N de l’Eiger, avec Andreas Heckmair et Ludwig Vörg.
Il faut lire “les Raisins de la Colère”, “les Misérables”, “Germinal” etc pour savoir ce que c’était que la pauvreté en Occident, ce que c’est toujours et ne pas perdre de vue que c’est pire en Russie avec le froid ou en Afrique avec l’eau polluée.

[i]La pauvreté (transitoire) j’ai connu dans ma jeunesse, survivant avec presque rien, au point que parfois je “faisais les jardins” pour piquer quelques pommes, radis ou carottes, voire même un chou qui me permettait de manger 3 jours et qui n’aurait sans doute pas été mangé par son légitime propriétaire.
Ce n’était quand même pas très convenable.
L’avantage de faire des trous dans la ceinture, c’est qu’on est plus léger pour grimper. L’inconvénient se situe au niveau des carences alimentaires et mes dents ont gardé un souvenir de cette époque. J’avais 20ans, c’était l’été 1968 et j’étais en rupture avec ma famille, des braves gens de droite pas très cultivés qui n’admettaient pas plus mon engagement “révolutionnaire” que je ne supportais leur conservatisme étriqué.
A cette époque, on trouvait facilement du travail et de Chamonix on passait facilement à Martigny puis à Sion pour travailler comme ouvrier agricole. Les années suivantes, j’avais travaillé aux Arcs à l’époque de la construction de la station quand il n’y avait encore que l’hôtel des 3 Arcs, travaux pénibles et salaires de famine mais j’étais nourrie à la cantine du personnel, bref cela me permettait de tenir le coup.
J’ai fait plein de petits boulots pendant mes études et à 24ans j’ai eu un poste de maître auxiliaire. Salaire inférieur à ce que je gagnais aux Arcs mais sécurité d’un emploi pour un an, renouvelable… et qui fut renouvelé chaque année parce que ma discipline (les maths) était très déficitaire.
J’ai été titularisée à 36ans et d’un coup de baguette magique j’ai cessé de devoir compter mes maigres picaillons.
J’avais aussi cessé l’alpinisme pour cause d’un enfant à élever.
On fait des choix dans la vie et celui-là ne fut pas le plus facile mais il fallait le faire.
Je n’ai jamais adhéré à un parti ni encore moins à un syndicat, j’ai envoyé chier des cons qui m’emmerdaient (des chefs d’établissements et un inspecteur) et ce n’est pas comme ça qu’on monte en grade et qu’on améliore son salaire. A l’armée ils me mettaient au trou, à l’Education Nationale il oubliaient de me promouvoir, même à l’ancienneté.
Je m’en foutais.
Ma soeur n’a pas bossé pendant 20ans, pour élever ses 4 enfants (deux divorces), elle a réussi à devenir instit’ à 40ans et sa retraite est meilleure que la mienne, tant mieux pour elle. Le fric, je n’en ai jamais eu et je m’en fous.
Quand j’ai un truc qui plait à quelqu’un, je le lui donne. Cela lui fait plaisir et cela ne me manquera pas.
J’ai une immense admiration pour François d’Assise et pour Louise Michel.[/i]
C’était mon quart d’heure de philosophie.
, quelque version que ce soit, original ou poche)
Hassen si tu me lis.
