Suite à votre dernier post Piwaille, j’ai élaboré ce document pour répondre aux questions que vous avez posées sur le forum, en espérant que ça vous satisfera … je le mets ici et en pièce jointe version pdf, ça peut toujours servir à d’autres qui se posaient les mêmes questions. Bonne lecture !
« je ne connais rien aux oiseaux, mais je sais que certains s’accommodent très bien de notre présence ! »
Tout d’abord, commençons par vous faire connaître cet oiseau de presque 3 mètres d’envergure. Le Gypaète barbu reste l’une des espèces les plus menacée d’extinction en Europe. Il a été complètement éradiqué des Alpes au début du XXème siècle du fait des persécutions humaines, c’est la raison pour laquelle nous avons dû procéder à sa réintroduction dès 1986 sur tout l’arc alpin. Le Gypaète barbu est l’une des quatre espèces de vautour vivant en France et l’une des espèces les plus menacées en Europe. Seuls 10 couples se reproduisent sur tout l’arc alpin français (surtout en Savoie et Haute-Savoie avec 8 couples). C’est un charognard, le dernier maillon de la chaîne alimentaire car il se nourrit à plus de 80% d’os d’animaux sauvages ou domestiques de taille moyenne (chamois, bouquetin, chèvre, mouton). En faisant disparaître les carcasses il empêche le développement d’épidémies, casse le cycle de certains parasites et limite le risque de pollution de l’eau. Il Se sédentarise et se met en couple vers l’âge de 5 ans puis vit toute l’année sur ce territoire et rayonne autour de son site de reproduction, ce site est cartographié et nommé zone de sensibilité majeure pour la reproduction (ZSM). Ce site est donc propre à chaque couple. Il ne se reproduit pas avant l’âge de 7 ans et produit en moyenne 1 jeune tous les 3 ans, cette faible capacité de reproduction contribue largement à sa fragilité.
Il est vrai que certains oiseaux s’accommodent très bien de la présence d’autres voiliers, parapentistes, planeurs ou encore d’autres grands rapaces. Mais avant tout, il faut savoir que le gypaète, comme d’autres grands rapaces sont territoriaux et la pénétration dans leur territoire de reproduction peut être dérangeante ou perturbante pour eux. Tout dépend donc de où se font les vols de cohabitation. C’est une question également d’interprétation : parapentistes et grands rapaces font partager les mêmes pompes, les bonnes conditions aérologiques sont les mêmes pour tout le monde, mais cela ne veut pas forcément dire que les grands rapaces s’accommodent de la présence des parapentistes. Quand un rapace s’approche d’un parapentiste, cela peut traduire une curiosité (et donc l’oiseau n’est pas dérangé) ou une défense de son territoire. Le plus simple pour le parapentiste est de respecter la présence des zones sensibles et aussi d’essayer de ne pas suivre les oiseaux en vol.
« il y a 4 couples en Haute-Savoie alors pourquoi y a t il 5 zones de sensibilité maximale ? »
Chaque couple de gypaète peut avoir de 1 à 10 nids différents , d’où le fait qu’on peut avoir plus de zone de sensibilité ! La zone de sensibilité est définie en fonction de la topographie du terrain et des habitudes des couples. Elle comprend le territoire de reproduction qui se limite souvent à 1 ou 2 falaises comprenant le ou les nids, des perchoirs et à des pierriers de cassage des os. Les zones de sensibilité qui sont communiquées sont dites actives, c’est-à-dire qu’on vous communique celles où le gypaète s’est reproduit l’année en cours. Donc un gros travail de mise à jour pour communiquer ces informations. Pour 2015, un nouveau couple de gypaètes s’est installé sur la commune de Passy (le 4ème dans le département)semble avoir deux sites potentiels de reproduction situés à une distance éloignée l’un de l’autre, d’où 5 zones de sensibilité pour 4 couples.
« Pourquoi ne pas survoler cet oiseau ? »
Le Gypaète barbu se reproduit à l’âge de 8 ans, ce qui est tard, et produit en moyenne un petit tous les 3 ans. Cette capacité de reproduction très lente explique un développement des populations très lent également. Un échec d’une reproduction due à l’homme, comme cela a été le cas en 2014 sur le site de reproduction du couple de gypaètes de Peisey-Nancroix avec le survol de 3 speedriders (les parents ont quitté le nid et le poussin a été alors prédaté par un grand corbeau) ou une mort non naturelle, peuvent donc porter un sérieux coup de frein au développement de la population. C’est pourquoi nous devons apporter un maximum de protection pour que la population de Gypaètes dans les Alpes continue son développement. Encore une fois, c’est surtout la tranquillité autour des territoires de reproduction qui nous intéresse ! Nous agissons sur tous les plans en travaillant à réduire les causes de dérangement par les survols motorisés, ou autres activités de plein air, et à réduire les causes de mortalité due aux percussions contre les câbles aériens de lignes électriques ou de remontées mécaniques, l’intoxication au plomb…
« Comment ont été établies les zones de survol sachant que certains gypaète semblent supporter la visite des gros truc colorés alors que d’autres seraient plus timides. »:
Une étude très intéressante a été faite dans les Pyrénées (ARROYO, RAZIN. Effect of human activities on bearded vulture and breeding success in the French Pyrenees. 2006) sur la thématique de l’effet des activités humaines sur la reproduction du Gypaète barbu, en fonction des activités, la distance de pratique, la durée et la fréquentation. Ils ont relevé chaque passage humain dans un périmètre de 2km autour du nid, sa durée, sa date et sa distance au nid. A chaque passage, le comportement du Gypaète était noté (présence, absence, surveillance, fuite, vol autour du nid). Il est apparu que la probabilité que le Gypaète ait une réaction était augmentée dès lors que l’activité s’effectuait proche de son nid, qu’elle était longue et fréquente. Tout d’abord, les auteurs ont montré que la reproduction dans un territoire où aucune activité humaine n’était reportée était en moyenne 5 fois plus fructueuse que là où des activités humaines étaient reportées. Ensuite, ils ont montré que « le seuil » de tolérance des activités peu bruyantes (parapente, escalade, randonneur, photographe) se situait à une distance de 500 à 700m du nid et à 2km pour les activités bruyantes (hélicoptères, avions, chasse). Plus les activités étaient effectuées proches du nid plus le risque que le Gypaète barbu soit soumis à un état de stress et quitte son nid pour une durée indéterminée augmentait, laissant son œuf ou son petit victimes de la prédation, du froid ou d’une chute (l’incubation et l’éclosion ont lieu entre fin décembre et fin mars, l’élevage d’avril à juin). Par ailleurs, les Gypaètes exposés à de fortes fréquentations d’activités bruyantes à moins de 2 km de leurs nids ont quasiment tous échoué leur reproduction.
Un autre facteur difficile à appréhender est le stress subi par l’oiseau. L’étude que je viens de citer est basée sur l’étude comportementale mais tout ne se voit pas. L’oiseau peut être stressé suite à un dérangement sans qu’il ne quitte le nid, et cela peut conduire à un affaiblissement physiologique de l’oiseau, et une capacité de survie plus faible. Ce phénomène a été montré chez d’autres espèces (le tétras-lyre par exemple en lien avec le dérangement hivernal). Des chercheurs espagnols vont lancer une étude sur le stress du Gypaète par la mesure d’une hormone dans les plumes. A suivre donc !
« Existe t il une corrélation démontrée entre les survol et la gène ? »
Les auteurs ont alors conclu que le succès reproducteur des gypaètes barbus pyrénéens était corrélé à la fréquence des activités humaines pratiquées à proximité de leur territoire et qu’une réduction des activités humaines dans les aires de reproduction pouvait potentiellement améliorer la productivité de 50%. Ils ont grandement conseillé d’éviter le dérangement pendant l’incubation, l’éclosion et l’élevage (décembre à mai) et recommandent qu’une zone de « tranquillité » soit conservée toute l’année. Dans laquelle les activités bruyantes soient évitées à 2km du nid et les autres activités à 500-700m du nid dans le but d’augmenter la productivité et la stabilité des Gypaètes.
C’est sur cette base que le Plan national d’Action pour la conservation du Gypaète barbu, piloté par le Ministère de l’Ecologie, a demandé la mise en œuvre de ZSM (zone de sensibilité majeure) pour chaque site de nidification et des mesures de protection réglementaires et/ou de gestion sur les plus vulnérables. Mais également le développement d’accords avec des représentants de socioprofessionnels ou d’usagers visant à anticiper et réduire les risques de perturbations de la reproduction par des activités se déroulant au sein des ZSM entre novembre et mi-août. C’est ainsi qu’ont été établies les zones de survol.
La finalité n’est pas d’interdire mais bien de concilier activités humaines et tranquillité de l’espèce.
« Comment ont été établies les limites des zones de survol (300m, 1000m / motorisé,non motorisé)… ? »
Les zones de survol (300m, 1000m) ont été définies pour les réserves naturelles. Les réserves naturelles sont des espaces naturels remarquables et protégées avec une réglementation propre, dans le but de concilier protection et activités humaines ! Beaucoup d’activités s’y pratiquent (élevage, randonnée, chasse pour certaines d’entre elles). Mais pour la tranquillité de la faune, le survol des réserves naturelles, en engin motorisé ou non, est parfois interdit à moins de 200, 300 ou 1000 mètres du sol ou non. Ces valeurs dépendent de la sensibilité des espèces faunistiques qu’abritent les réserves naturelles.
« je suis daltonien du coup j’ai du mal à voir les nuances surtout sur la petite carte »
Sachant cela, nous en tiendrons compte pour les prochaines cartes. D’ailleurs, si vous avez des conseils pour faire de la carto, nous sommes preneurs. Nous pouvons envisager site par site de faire des documents 3D avec les pompes, qu’en pensez-vous ?
« nous volons et ils nichent en 4D … certains coins posent zéro intérêt tant pour les gypaetes que pour nous à certaines saison … est-ce que cela a été pris en compte ? »
Si les gypaètes choisissent de construire leur nid dans un site c’est qu’ils y voient un intérêt… Je ne saisis pas vraiment la question, de quels sites parlez-vous ?