En ce qui me concerne, j’ai l’impression que comme le confirme le sondage ici, la population française est profondément divisée entre des sensibilités qui ne cessent d’approfondir leurs différences. Je suis plus qu’inquiet pour le futur à moyen terme. J’ai certes tendance à être pessimiste, mais pour le moment le chemin parcouru ne m’a pas donné tort. Si on m’avait dit il y a 30 ans qu’on en arriverait en France à des situations telles pour toute une partie de la société, je n’y aurais pas cru. Même si les 30 glorieuses étaient terminées il y a longtemps, on rêvait encore que le sens de l’histoire soit à la réduction des inégalités, l’amélioration du confort pour l’ensemble du corps social, l’utilisation des gains en productivité pour sans cesse donner de meilleures conditions de travail, et que tout aille vers plus de stabilité et moins de pression sur le petit peuple.
Maintenant il y a du souci à se faire car une tranche très importante de la population a appris que seul le recours à la violence permet d’obtenir quelque chose. On préfère habituellement que ce genre de considérations reste cantonné aux minorités. Dorénavant, c’est une opinion qui a largement diffusé et le niveau de violence de notre corps social risque d’augmenter insidieusement.
Dans le même temps on peut constater que les intellos progressistes, dans leur immense majorité convertis au confort bourgeois, ont presque tous déserté la rue et le travail de fond car leur pensée est mantenant gouvernée par la peur. Les pauvres c’est laid, ça sent mauvais et ça parle mal ; affreux, sales et méchants ils doivent désormais rester livrés aux idéologies fascisantes (dont les chantres sont eux à la manœuvre pour cultiver ce terreau) et laisser libre cours à leur désarroi sans aucune perspective à long terme ni idéal construit.
Troisième élément très inquiétant : tout un pan des petites classes moyennes a basculé dans la précarité et parfois la misère et fait face à des difficultés incroyables, pour lesquelles ils n’ont jamais été préparés et qu’ils ne sont pas en mesure d’affronter sans catastrophe. Bien au contraire, ce sont des gens auxquels on retire brutalement la promesse d’une amélioration de leur sort d’une génération sur l’autre, pour les reléguer au rang de moins que rien.
L’amertume est énorme et la réponse qui consiste à refermer le couvercle à coups de matraque prépare des affrontements futurs d’une intensité dont même les riches auront à pâtir. Continuons comme ça et le monde qui se dessine ne sera agréable pour personne.