Le front froid est un sacré phénomène qui dans sa course ne respecte pas toujours ce que l’on en dit dans les livres. Par sa nature lourde, s’imissant sous une masse d’air chaude, il pousse devant lui les bizareries aérologiques, plus qu’il ne les tire (comme le ferait un front chaud). De ce fait il est rarement linéaire, que ce soit géographiquement ou temporellement.
En plaine, cette anarchie de forme tente les plus fous d’entre nous, mais c’est souvent un jeu dangeureux ou nous nous mesurons à des phénomènes qui parfois dépassent notre entendement et qui toujours dépassent notre force, foetus de paille pris dans le courant d’un torrent. Pour moi qui m’émerveille le plus souvent en vol, c’est le souvenir d’un univers grandiose, mais dangeureux, voir hostile.
Voici un récit de vol écrit en 2013. Ne vous y méprennez pas, ce vol n’est pas banal, pas recommandable et certainement à la limite du raisonable, voir au-delà.
[i]Les cadors se mettent en l’air vers 11H30 alors qu’un cumulus forme devant Martouzin. J’attends qu’il soit bien actif pour décoller et les voir se barrer au plaf.
Après une heure de jeu dans les thermiques, loin devant la crête, j’enroule LE satellisator avec le p’tit Dan R. (ou AiR Dan c’est selon) : j’aime voler avec Air Dan, à chaque fois qu’on enroule à deux ça fini toujours aux barbulles. Au plaf à Tanville j’entre dans l’illégalité la plus opaque, de laquelle je n’en resorts qu’au prix des grandes oreilles avec un cap plein nord bien involontaire et complètement désorienté. Demi-tour et toujours aux oreilles (pour ne pas me refaire piéger) au raz des barbulles je fonce vers Malvoisin, mais un congestus qui déverse sa peine sur Gedine me barre la route. Je prends alors un cap plein Est vers Haut-Fays puis Graide et je finis par enrouler dans du presque rien au-dessus de l’ISJ de Carlsbourg reconnaissable de loin à ses murs bien verticaux et ses toits pentus. Le déluge de Gedine avance avec peine et le voilà dépassé : première difficulté vaincue.
La route vers Arlon semble bien noire, chargée d’eau qu’un peu partout le ciel vomit. Je reprends mon parcours visant chaque nuage isolé, garantie de ne pas jouer sur le paillasson du diable. Menuchenet, Noirefontaine, le saut-de-mouton vers la France continue, un dernier plein à Baubru et je me lance par bois et par vaux, repère du peuple des arbres cher à Natha. Encore un petit bon vers le plaf à Francheval pour me rendre compte que les nuages se soudent tout autour, certains bien noir déversent un flot bien dense, d’autres plus sournois ont des contours filandreux qui masquent leur vraie nature, tout cela ne me parait pas trop sympa.
Après Mouzon ça commence même à ressembler à l’idée que j’ai de l’enfer, bien moins chaud et beaucoup plus humide que dans la croyance populaire. Je reviens sur mes pas, vers une trouée de ciel bleu qui me semble encore garantir un havre bien éphémère, mais j’avance à grand peine et je continue à monter même sans enrouler. Je vois au loin, sur Sedan, Momo et son U Sport. A toute berzingue, lui va dans l’autre sens, tant horizontalement que verticalement, je me précipite sur lui et ensemble nous perdons sur la ZI de Bazeilles, sans regrets, ce gaz parfois si dur à conquérir. Posé sans trop de problème mais le trou du cul bien contracté quand même.
Ensuite c’est le sempiternel retour en stop, comme à l’habitude égal au temps en vol (2H30), Momo vers Charleville (il habite Fumay) et moi vers Bouillon. D’abord deux jeunes blondes fans de ABBA qui me déposent à Bouillon, ensuite un routier roumain un rien allumé jusqu’à la E411, un voisin de Berfont, désormais incollable en aérologie et en méca-vol me mène jusqu’au resto-route de Wanlin et enfin un Buxellois paumé sans GPS me dépose à la bagnole à l’aterro, autant de personnes qui savent ce soir qu’en Belgique on zigzague sous les congestus … enfin … peut-être pas le roumain, j’me demande même s’il ne m’a pas pris pour un barré intégral grand fan d’OVNIS qui explique des truc dénués de sens tout en montrant le ciel sans relâche.
J’devrais parfois me modérer quand je rentre en stop[/i]

> ce qu’il va se passer… depuis le sol

C’est dans ce sens que pour moi et dans l’esprit des Bonnes Pratiques Sécuritaires que j’essaie de m’appliquer que la préparation d’une journée de vol commence à J-3 par le suivi de l’évolution des fronts. Il n’y a pas que cela. mais pour éviter d’être dans l’improvisation rien de mieux qe d’anticiper et anticiper le parcours des fronts et de leurs influences sur nos terrains de jeu est primordial en ça.