TL;DR: Débutant, conditions inconnues, trop proche du relief, fermeture, choc frontal, PGHM, fracture ouverte du tibia + cheville cassée.
Bonjour tout le monde !
Ce qui suit est le copier-coller d’un post sur le forum de l’Envol Sud Isère que j’ai posté suite à mon accident en Février 2014.
[…] Je pense qu’il est important d’en parler, pour pouvoir analyser les causes et aussi sensibiliser sur des risques qu’on appréhende pas toujours bien, dont on n’ose pas forcément imaginer les conséquences, etc.
[…]
L’hiver et le boulot a fait que je n’ai pas pu voler en sud Isère lors des sorties du club. Mais j’ai pu faire quelques ploufs sur les sites à côté de chez moi : Chorges, Charance, Pierre Arnoux. J’ai pu aussi faire un petit vol à Laffrey. J’ai découvert mon aile, une AirDesign Rise M. J’ai travaillé mes approches, fait du gonflage, expérimenté des situations qui bougent un peu plus en fin de matinée / début d’après midi en hiver.
Fin février, je souhaite découvrir un nouveau site, celui de la Bâtie-Neuve. J’ai pas mal lu dessus. J’ai repéré l’atterrissage (qui n’est pas officiel), le décollage, la finesse, etc. Je fais un premier vol le matin à Chorges, très calme. Il y a d’autres personnes, dont certains de Différen’ciel. Je leur demande ce qu’il pense de la Bâtie Neuve dans les conditions d’aujourd’hui : comme prévu, par un très léger flux de sud, pas de problème. Je décide d’y aller. Seul. Première erreur (que j’avais déjà commise avant).
Je le savais, mais le chemin d’accès est encore enneigé. Je dois marcher un peu, j’ai prévu de quoi prendre le casse-croute en chemin et je bois l’eau des petits ruisseaux. J’arrive là-haut, bien, après 45 minutes de marche. Il fait beau, pas de nuage, pas de voile, pas de vent. Je reste là quelques minutes, 10-15. J’observe les cycles, régulier, toutes les 2 minutes environ, assez fort mais rien de spécial. Il est 12h30. Fin février. Je décide de ne pas trop attendre pour décoller, sachant que si ça devient trop fort je ne pourrais pas décoller.
Je fais ma prévol, j’adore ça, je m’applique, je démêle tout correctement, je m’attache, me refait ma checklist avant de me mettre en l’air. Impéccable, dans le cycle, je prends tout de suite quelques mètres au décollage. J’essaye d’analyser l’écoulement de l’air et de me placer correctement. Parfois ça marche, parfois moins. Mais je suis dans des conditions que je ne connais pas. Des conditions thermiques. Deuxième erreur.
Une fois au-dessus du déco, une fois en dessous. Ça ne secoue pas vraiment. Je monte gentillement, je descends gentillement, pas de grosse dégueulante ni quoi que ce soit. Mais inexorablement je descends et mon envie de rester un peu plus en l’air me fait chercher plus proche de la pente (qui, pour ceux qui connaissent pas, est assez abrupte, par fois “falaise”). Troisième erreur.
Soudain, c’est la fermeture, je ne saurais dire si grande, petite, frontale, asymétrique. J’imagine asymétrique (côté gauche, côté du relief) et pas très grande. Assez pour secouer un bon coup. La voile se rouvre rapidement, mais j’ai fait un quart de tour, je suis face au relief, très pentu. J’improvise de me “poser” dans cette espèce de pierrier très pentu (j’exclue de tenter un quart de tour à droite ou à gauche, j’imagine un peu pétrifié par la fermeture et le relief), mais j’arrive plus rapide que je ne l’imaginais, dans une phase de ressource, plus à droite du pierrier, dans une pente plus abrupte et plus rocheuse que le pierrier.
Le choc est frontal. J’ai mis les pieds bien en avant pour absorber le choc et m’imaginant pouvoir tenir sur cette minuscule marche sur la quelle je suis. Je rebondis, chute en arrière sur quelques mètres (de quoi faire deux-trois roulades arrières), pour finir dans le pierrier. De la fermeture à cet instant, moins de 10 sec se sont passés. Je pense 5 secondes.
Je fais le point de ce qui marche et de ce qui ne marche pas. Mais aucune grosse douleurs. Je “check” membre un par un. Bingo, tibia gauche, un deuxième genoux. C’est à ce moment que je me dis : replier la voile et descendre à pied, ça ne va pas être possible. Très sereinement, j’appelle le 112, je connais mon état (je sais que je n’ai pas tapé le dos, la tête, etc.), que je ne perds pas de sang, que je ne risque pas de tomber inconscient. Je sais qu’à cet endroit, c’est l’hélico qui va devoir venir, pas un champ un proximité, je connais déjà le scénario par cœur. Et il ne se dément pas.
Je donne donc l’alerte. On fait une première conférence (c’est comme ça qu’ils appellent ça) avec le secours en montagne (le PGHM de Briançon) qui m’annoncent qu’ils sont en intervention dans le Dévoluy (c’est la saison de ski, ce jour là le PGHM va faire 8 interventions). Je vais devoir patienter 30 minutes. Puis on fait une deuxième conférence avec un médecin du SAMU, questions habituelles (perte de conscience, choc à la tête, au dos, etc.). Je raccroche et je sais maintenant que le coup de fil le plus difficile sera le suivant, annoncer à ma mère qu’elle pourra me retrouver aux urgences dans une heure.
Je patiente, lance des petits cailloux, profite du paysage. Je souffre pas du tout malgré ma jambe que je sais cassé, peut-être ouverte (j’ai un collant, je peux pas voir). Juste des fourmis. Je sens aussi mon autre cheville douloureuse, le signe d’une bonne entorse.
Un hélitreuillage et quelques drogues dans le corps plus tard (c’est la partie amusante de l’accident), le résultat tombe : fracture ouverte du tibia gauche + les deux malléoles de la cheville gauche + entorse à la cheville droite. 4 nuits à l’hopital, 6 semaines de plâtre, 2-3 mois de rééducation, je m’en sors très bien.
Beaucoup de chance. Beaucoup d’erreur très simple à éviter. Pourtant je ne suis pas un casse-cou. La sur-confiance et c’est le drame.
Je pense revoler, enfin j’en suis sûr. Pas une journée passe sans que je regarde les prévis, vos messages, les vols sur la CFD, etc. Mais il y a des erreurs et des risques que je suis certain que je ne prendrais plus. Pour pas grand chose en plus de cela.
J’attends vos retours, vos critiques sur mon comportement, les gestes qui m’ont fait défaut, etc.
J’accepte parfaitement toutes les erreurs que j’ai pu faire, et peut-être en ais-je manqué d’autres.
Je pars au Canada bientôt et pour un an Je suis au Canada, j’ai trouvé deux jobs à mi-temps, 6 mois après l’accident je n’ai pas encore tout retrouvé mais la progression se fait sentir jour après jour. Je suis même serveur, pour dire comment ça va bien !



Nan si je dis que j’aimais voler seul, c’est aussi une question de contexte : j’ai pas d’ami ! 
