1ère partie
Nous voila bientôt à la fin de l’année, c’est donc l’heure des bilans et des bonnes résolutions, comme tous les ans… Et comme tous les ans elles ne tiendront même pas jusqu’à la fin de l’hiver : la plupart auront été oubliées d’ici le mois de Mai.
L’an passé déjà, je m’étais promis de ne plus regarder à la télé les habituels films et autres téléfilms à deux balles qu’ils nous ressortent tous les ans à l’approche des fêtes de fin d’année. Ces histoires improbables et ringardes tournées à la chaîne. Avec des gentils méchants font des misères à des malheureux gentils, mais qui heureusement finissent toujours par remettre tout le monde dans le droit chemin de la gentillesse et du partage de l’esprit de Noël !..
Mais que c’est niais et infantile tout ça ! C’est à croire qu’il existe vraiment “un Esprit de Noël”, mais comme il n’y en a qu’un, d’esprit, et qu’il doit bien y avoir quelques milliards d’imbéciles sur la planète à vouloir se le partager… et bien il ne doit plus rester grand chose par personne à la fin.
Cette année encore ça n’a pas loupé, tellement on s’emmerdait ferme à ne pas pouvoir voler avec se p… de vent du Nord, que malgré mes promesses, je n’ai pas pus m’empêcher de mater pour la cinquantième fois, au moins, la sempiternelle redif du réveillon de la St Sylvestre sur la chaine historique : “Intouchables”. C’est toujours aussi nul ces vieux films en 2D, leurs trucages sont méga nuls : Voler avec des voiles en toile ! Il n’auraient même pas pu décoller, c’est évident : le vent du Nord les auraient déchirées de suite. Et puis on les voit partir sur une pente plein sud, face au soleil … C’est impossible de gonfler ces vieux chiffons face au Sud, vent de cul et le soleil dans les yeux ! C’est ce qu’on apprend en premier à l’école de pilotage.
L’histoire aussi c’est n’importe quoi : un black employé par un blanc riche !.. Comme si c’était possible alors que depuis des décennies tous les blancs de l’hémisphères Nord qui en ont encore les moyens émigrent vers le Sud, là ou il y a du travail et de l’argent. Les autres partent tenter leur chance en Patagonie ou les conditions climatiques permettent encore de cultiver un peu en extérieur. Portnawak !
Ah si, il y a tout de même une résolution de l’an passé que j’ai réussi à tenir cette année : j’ai fait mon premier vol rando. Une vraie aventure ! Un truc de fou, il faut absolument que je vous raconte :
Je dois tout d’abord bien reconnaitre qu’avec Mike “The Mic”, le soir ou on à décidé ce truc là, on avait sacrément forcé sur le Coca Diet ! En fouillant dans ma cave, on en avait retrouvé par hasard trois bouteilles millésimées datant des années 10 et oubliées là sous la glace. On se les ai enfilées à nous deux le soir même, dés quelles ont été dégelées ! Inutile de vous dire à quel point on avait plus les idées claires après le diner.
Mike Ailtrez de son vrai nom, c’est un type sympa, pas très causant, même plutôt taciturne dans son genre, mais bien cool quand même. Il était un format tueur, ou informateur avant dans sa jeunesse, je n’ai jamais trop bien su. Après la grande crise de l’euro des années 10-15, il a du se reconvertir comme animateur radio sur MyZen radio, une filiale de la chaine TV pour dépressifs qui marche bien depuis la grande dépression de 12. C’est là qu’il a été surnommé Mike “The Mic”. Il émet le plus souvent depuis des grottes, des cavernes ou des mines désaffectées. Comme il ne cause pas des masses, et surtout pas pour ne rien dire, il a même un certain succès : Le taux de suicides dans son auditoire se maintien à un très bon niveau.
Mais revenons-en à cette soirée bien arrosée.
D’un seul coup le Mike, ouvre la bouche et me dit tout de go : "Quand j’étais jeune, une fois,… j’ai fait un vol rando au Maroc, c’était encore possible à l’époque… suffisait de marcher ". Sur le coup, submergé par un tel flot de paroles inhabituel chez lui, j’ai bien cru qu’enivré par la saccharose, il racontait n’importe quoi. Mais voyant mon œil incrédule, Pierrot et sa mouette qui le connaissaient depuis bien plus longtemps que moi, eux aussi imbibé, mais à la Volvic dégazéïfiée eux, lui ont aussitôt intimé l’ordre de me montrer sa cicatrice pour me prouver que c’était vrai ! Mike s’est alors exécuté, il a baissé son pantalon et exhibé son… enfin, les restes d’une vieille blessure. Ce n’était pas bien beau à voir, mais de toute évidence, Il l’avait donc bien fait !
Racontes lui dis-je aussitôt ! Mais trop tard… il venait de sombrer dans les vapeurs de sucre.
Je me promis donc à moi tout seul, qu’avec mes camarades, enfin, dés qu’ils auraient recouvrés leurs esprits, dans les douze mois à venir, nous monterions une expédition légère pour pouvoir tenter un vol rando à la Ste Victoire en partant de Salon de Provence,… sitôt que le vent du Nord nous le permettrait.
L’idée complètement folle était de faire une approche de jour en véhicule tout-terrain solaires à chenilles jusqu’aux ruines d’Aix, si on pouvait encore y parvenir. Il s’agissait de l’ancienne capitale régionale, aujourd’hui totalement désertée par ses habitants et envahie par la neige. De là, nous devrions poursuivre par nos propres moyens au milieu des congères vers St Ser, ou nous pourrions installer un camps de base avant l’ascension finale.
Il s’agit d’un lieu dit niché au pied de la face Sud de la Sainte, et donc relativement bien protégé du vent, mais uniquement accessible à pied après 2 ou 3 jours de marche. Des archéologues y ont découvert récemment un plaque sculptée datant du début du XXIème à la mémoire de “Bernie Min2rien”. Selon les gravures, il s’agirait d’un “bridé light” : une ethnie de grimpeurs volants d’origine vaguement asiatique réputés pour leur grande mobilité et leur résistance en milieu chaotique. Ils étaient capable de courir des heures et des heures durant sans moufles ni ampoules au pieds. Ils vivaient en parfaite communion avec la famille des parents Pentaix, une ancienne dynastie originaire du pays. Mais tout cela c’était avant le réchauffement climatique, et le Bernie avait sans doute du réaliser quelques exploits mémorables en ces lieux pour mériter la plaque de granit à son effigie.
Il nous a fallut trois mois pour regrouper le matériel et les hommes… enfin juste Mike et moi, mais je vous confirme : on est bien des hommes. Donc je n’ai pas dit trop de conneries pour le coup.
Il ne nous restait donc plus qu’à attendre la venue d’une fenêtre météo favorable : 3 ou 4 jours où le vent du Nord se maintiendrait sous les 90 km/h pour l’approche au camp de base et l’équipement en cordes et pitons de la cascade de glace de la face Sud qui surplombe St Ser. Puis, dans la semaine suivante une nouvelle fenêtre de 48h avec des vents dans le secteur N à NNO de l’ordre des 50 à 80 km/h seulement, pour pouvoir monter jusqu’à l’arrête, décoller sur la face au vent du Pic des Mouches, et faire le gain nécessaire avant de basculer en toute sécurité sur le versant Sud. On devrait enchaîner aussitôt la procédure d’approche sur l’aéroport désaffecté du Castellet. De là on devrait pouvoir être récupérés par Pierrot et son inséparable mouette.
Ils sont toujours en quête du spot ultime dans ce secteur pour faire voler leurs Speedflyers rigides. Il y a bien longtemps, ces deux là avaient pratiqué une forme de Wild Urban-Freefly. Mais c’était avant. Avant que tous les immeubles ne soient orientés Nord-Sud pour offrir moins de résistance au vent.
C’est marrant ce nom de Pic des Mouches ! On se demande d’ou cela peu bien venir, sachant qu’on trouve les derniers spécimens de ces insectes que dans les régions les plus chaudes de l’hémisphère sud : en Tasmanie et aux Iles Sandwich du Sud.
Le 17 juin, une alerte météo nous annonce la fenêtre tant espérée pour le lendemain. Les étuis de nos voiles sont chargés, ainsi que nos sellettes réversibles en couchage et dont les poches sont remplies de pilules alimentaires variées : Sauté de veau, escargots aux coquillettes, pingouin braisé, spiruline à la vinaigrette, kagoo roti, zunzun frit, salade de ginseng… On a de quoi tenir, on peut y aller peinard !
Le chemin jusqu’aux ruines d’Aix se passe bien : on arrive à retrouver la trace de ce qui fut l’antique A7 et à la suivre sans trop de difficultés, grâce à notre van à chenilles processionnaires. Nous préférons passer la nuit dans le van et profiter de la chaleur accumulée par les batteries solaires. Du coup, on reste stationnés au pied de l’un des plus beaux monuments de la cité antique. Sur le fronton immaculé toujours debout on peut encore lire en lettres rouge sang “CARREF…R MARK.T”. La vue est grandiose, ça en jette un max. Cela devait avoir une sacrée gueule à l’époque ! C’était, selon les ethnologues, LE centre culturel et politique de la cité. Un vieil ermite de la dynastie des Malrasé, GuyF, 13ème du nom, gardien du temple et des clefs du camping-car, y serait resté jusqu’à son dernier souffle. La légende prétend qu’il y aurait cherché toute sa vie durant, de rayon en rayon, un trésor qu’il ne trouva jamais : la dernière voile polaire jamais fabriquée, une Artik 13 en taille 12, bonnet D !Un fantasme sans doute.
Au petit matin, nous quittons le van et partons à pieds vers St Ser, sans notre habituelle camarade d’aventure, la joyeuse Annie*.
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- Cette dernière phrase à elle seule mérite sans doute un éclaircissement et que l’on s’y attarde un peu : Si cette amie avait été des notre dans cette aventure, on aurait sans doute pus écrire d’elle à ce moment précis de l’histoire, que nous nous préparions à une “joyeuse Annie vers St Ser”. Toutefois, dans la mesure ou ce n’est pas le cas, revenons en au fil de cette aventure entre hommes.[/i]
Mike “The Mic” est devant, et je peine à le suivre : sa jambe de bois exotique fend bien mieux la neige que mes babouches en fourrure doublées en peau de phoque synthétique. Le diable d’homme tient encore la forme ! La preuve , en grand pro de l’animation radio qu’il est, il lâchera même deux phrases historiques en fin de journée, et qui résument parfaitement à elles seules le déroulement des évènements dans leur chronologie, la tension et l’attention ambiante, ainsi que la situation générale dans sa globalité : “Fichtre !” et “Eh ben, si j’avais su…” . Tout est dit ! Respects.
Je transpire maintenant à grosses gouttes, le vent à presque disparu : l’anémomètre est tombé sous les 50 et le thermomètre indique un -3° caniculaire en plein soleil. La météo avait vu juste, comme toujours : la température est toujours donnée au soleil puisque l’ombre du dernier nuage sur la région date d’il y a un peu plus de trois ans.
La nuit va bientôt tomber, nous bivouaquons donc un peu en contrebas du Pas du Dinosaure, pour nous abriter du vent qui risque de forcir cette nuit. On s’empiffre d’un festin de Spiruline bien mérité: des pilules de 18, 16 et 14 grammes copieusement arrosé d’un beau jus de myrtilles. Mike, très en appétit s’envoi même une pilule de Spiruline XL ! Nous nous endormons bien vite, gavés et repus, confortablement roulés en boule dans nos sellettes.
Au petit matin, nous reprenons notre marche vers St Ser que nous apercevons bientôt. Mike toujours intarissable sur le sujet déclare cette fin de matinée " C’est par là". Je ne peux que me rendre à l’évidence et le suivre en m’inclinant. Il est des discours auxquels on ne peut que souscrire, et c’est bien là le propre de tous les grands leaders charismatiques qui les prononcent.
Là bas, au loin vers le Sud, l’horizon est barré par la chaine de l’Etoile, j’entre-aperçois les ailes de quelques jeunes téméraires qui profite de l’exceptionnelle journée et s’adonnent aux joies du soaring sous la férule expérimentée du Professeur Frigo et le regard inquiet du directeur de vol. Je les encourage par radio, malgré les interférences qui brouillent nos échanges, et leur dévoile le but de notre expédition en cours. Les djeunz restent incrédules, tandis que le Professeur s’épanche sur son grand âge et ses douleurs qui ne lui permettent plus de se joindre à nous, alors que quand il était jeune et vaillant “cette rando et son vol d’anthologie, il les a fait pas moins d’une demi douzaine de fois !..” Il faut toujours qu’il en rajoute l’ancien, mais on l’aime bien pour ça aussi.
A environ deux kilomètres devant nous, et presque 150 mètres plus bas, on distingue clairement St Ser. Je pense alors à haute voix que : “Dans trois heures, on devrait y être si tout va bien : la neige n’est pas trop profonde et il y a même quelques plaques de glace et carrément plus du tout de vent à l’abri de la montagne, ça ne peut pas durer…” A mesure que je m’entend prononcer ces mots, mon esprit fait aussitôt le lien, tout comme celui de Mike. Nous réalisons aussitôt l’opportunité extraordinaire qui s’offre à nous : à notre gauche, une plaque de glace de 4m x 4m en pente à 15° vers St Ser, et qui surplombe de 2 à 3 mètres le relief environnant par comble de chance. C’est largement plus qu’il ne nous en faudrait pour étaler nos voiles, les gonfler et décoller. Ce vol balistique de moins de 2 minutes nous ferait gagner plus de deux heures de marche. Je croise le regard de Mike, qui emporté par l’enthousiasme se lâche et dit “Banco”.
Les voiles sont rapidement sorties des étuis et déroulées. Une cartouche d’hélium est sacrifiée pour les besoins du gonflage, une brève prévol avec test des commandes électromagnétiques, les sellettes sont solidarisées. s’en suit une extraordinaire poussée de plusieurs fractions de secondes suivie d’une abattée et nous voila déjà en l’air.
Je suis Mike de près, il est largement plus expérimenté que moi et sa présence sur la trajectoire me rassure. Après une minute vingt de vol à vitesse planché, nous devons entamer la prise de terrain.
L’aterro dans 1.50 à 2 mètres de poudreuse sans vent et sans ski promet, espérons qu’elle ne cache aucun bloc de glace. Mais nous n’avons pas trop le temps d’y réfléchir : 8 secondes plus tard, le piton inox de la jambe en Wenge de Mike se plante dans la neige et y reste figé. Mike poursuit son vol sur l’élan… et sur quelques mètres encore avant de plonger totalement le nez en premier dans la neige.
Un peu surpris, je n’ai pas le temps de manœuvrer et je tape violemment dans sa prothèse resté figée dans la neige avec mes dents de devant… les deux dernières qu’il me restait passent instantanément de vie à trépas et de l’intérieur de ma mâchoire supérieure à la blancheur immaculée du monde extérieur qui sera leur dernier linceul. De ma lèvre en sang, s’étire un long filet de bave rougeâtre sur quelques dizaines de mètres à la surface de la neige, avant de disparaitre tout comme moi sous l’épaisse couche de poudreuse.
[i]... la suite et fin en milieu de semaine prochaine[/i].


une vivitarte au poiral…ça ne s’invente pas :bu:
tu aurais une photo de cette vivitarte car je vais peut-être me mettre à la cuisine grâce à toi…j’ai fait des promesses en 2011 que je n’ai pas tenues… :oops: bise à +