Mieux comprendre et interpréter la porosité…
Un tissu parapente comprend deux groupes essentiels de composants : le fil qui constitue le tissu lui-même et l’enduction qui est rajoutée sur le tissu.
A la base, selon les fournisseurs le fil peut être de pus ou moins bonne qualité. Un fil de bonne qualité sera celui qui présente les meilleures caractéristiques de souplesse, de résistance à l’effort, de résistance à l’abrasion, de stabilité dimensionnelle (résistance à la déformation, très important) et de conservation de ces qualités dans le temps sous contraintes variées (résistance au vieillissement, très important).
Une marque comme Porcher affirme être particulièrement satisfaite de son fil ET de sa mise en œuvre. Elle garantit une constance et une fiabilité dans les caractéristiques de son tissu (par exemple, arriver à présenter en permanence le même état de surface sur des milliers de mètres de tissu n’est pas chose aisée, faire en sorte qu’un 38 gr soit un 38 gr rouleau après rouleau et pèse véritablement 38 gr sur n’importe quel m2 est un véritable défi !).
Un tissage de fils, aussi bien réalisé soit-il, est en lui-même aisément déformable lorsqu’il est sollicité dans tous les sens. On y ajoute alors une sorte de résine à la fois souple et très résistante, qui forme une couche collante qui imprègne la trame, maintient les fils entre eux dans leur position respective et participe de manière déterminante et cruciale à la cohésion d’ensemble. Ces produits peuvent être siliconés ou pas, à base de solvants chimiques ou de dilutions aqueuses, chaque fabricant de tissu se “cuisinant” ses enductions. Cette enduction fait aussi les qualités de plus ou moins grande “raideur” du tissu, recherchées par les fabricants de parapente.
En fonction des fils utilisés, des tissages, des grammages, des différentes enductions, de très nombreuses références de tissu peuvent être proposées avec des qualités et des vieillissements multiples. Surtout que la chimie des couleurs joue aussi son rôle dans la tenue du produit final. Depuis quelques années, Porcher a choisi de rationnaliser sa gamme qui était trop diversifiée et se concentre avec bonheur semble-t-il sur des références qui ont atteint dorénavant un optimum de qualité et de fiabilité.
Finalement, on peut dire que le caractère “étanche” à l’air d’un tissu n’est qu’une conséquence de son enduction (sans laquelle nos tissus seraient aussi “mous” que ceux de nos vêtements) et pas une finalité en soi.
Et la porosité exprimée en secondes est un indicateur très pratique pour caractériser l’état d’un tissu à un moment donné. Les chiffres bruts sont ensuite soumis à interprétation qui prend en compte les préconisations et procédures (lorsqu’elles existent) du fabricant de parapentes et les connaissances et l’expérience du contrôleur…
Je peux donner au public une idée plus précise des choses en fournissant des chiffres issus de mon expérience personnelle. Lorsque vous prenez les porosités d’un parapente neuf sortie d’usine (il faut bien comprendre que le tissu lui-même n’est déjà plus neuf car il a subi de nombreuses manipulations qui incluent parfois un gonflage ou un vol test), construit en tissus Porcher 38 gr et mesurées au porosimètre JDC qui est devenu le standard dans notre milieu, vous obtenez des valeurs entre 800 et 1300 secondes. Valeurs qui peuvent monter entre 1600 et 2600 secondes, voire plus (!) pour les nouvelles références Porcher double enduction. Il n’est pas impossible que sur ce genre de valeurs, on soit plus en train de mesurer les fuites de l’appareil lui-même que la quantité d’air qui passe à travers le tissu…
Dire qu’un parapente qui a moins de 30s de porosité est bon à jeter est un raccourci abusif. Il est certain que si j’avais une R12 à 30s, je ne l’utiliserais plus que pour voler à la Dune du Pyla. Mais avec une Nervures Huapi à 30s, je volerais en thermique à Saint-André en toute confiance.
Beaucoup de constructeurs fournissent des valeurs de réforme qui peuvent descendre très bas pour certains modèles. Quand l’air passe à travers le tissu, c’est signe de la disparition par usure de l’enduction. Cette disparition plus ou moins prononcée va permettre au tissu de se déformer sous les contraintes exercées lors des actions de vol. Ces déformations sont-elles critiques ou dangereuses ? C’est avant tout le constructeur qui le sait et l’estime, les connaissances du contrôleur pouvant là-aussi intervenir utilement.
D’une manière générale, les tissus raides ont l’avantage de respecter le plus précisément et au mieux les dimensionnements en construction et d’éviter au maximum les déformations sous contrainte, et les tissus mous présentent l’avantage de gommer les défauts de construction et de surface, en tension. Un tissu raide qui vieillit peut voir les deux effets se contrebalancer… ou pas.
Un constructeur qui est très précis et rigoureux à la fois en conception et en assemblage va rechercher les tissus les plus raides possibles, d’autant plus qu’il montera en performance. Des tissus ou des références de moindre qualité peuvent être utilisés pour des modèles peu performants, pour des constructions simples ou pour des parties non critiques des ailes. Il n’y a donc pas de valeur de référence absolue pour laquelle on peut dire qu’il faut jeter une aile. Lorsqu’on considère une porosité très dégradée il nous vient avant tout à l’esprit une notion de perte d’étanchéité ; or l’air qui passe à travers le tissu, en tant que phénomène isolé, n’entraine certainement qu’une perte de performances du parapente. Le phénomène critique à considérer est celui de la perte de tenue et d’homogénéité du tissu en relation avec ce qu’exige l’aéronef en question. Par exemple, si une aile à forte porosité est généralement paresseuse au gonflage, ce n’est pas parce que l’air passe à travers le tissu, mais parce que la disparition de l’enduction fait que le bord d’attaque se déforme et s’écrase lorsqu’il est sollicité. Si votre aile s’accommode de par sa conception, sa construction ou sa “rusticité” d’un tissu qui se déforme dans tous les sens, alors elle peut voler à valeur de porosité quasi nulle. La limite de sécurité sera plutôt à rechercher dans la valeur de résistance à la déchirure du tissu.
Tout cela n’est qu’un petit aspect de la problématique qui pourrait être développée dans bien des directions. Je sais qu’il y a au moins une personne présente sur ce forum qui est bien plus experte que moi en ce qui concerne les tissus et j’espère qu’elle me corrigera si nécessaire.
Vincent.