cravate et décro en XC

Vendredi, bonnes conditions annoncées, je vais voler avec un copain pour faire un petit cross.
On décolle, c’est très généreux, et de thermique en thermique on avance très vite. Les ascendances sont parfois vraiment pêchues, mais on a l’habitude. Et ma Zeno est super solide, je la connais bien, en 2 saisons et demi elle n’a fermé qu’une seule fois (jolie frontale dans une aérologie vraiment moisie).
Mais au bout de quelques heures de vol, aux dents de Lanfon, je me retrouve en train d’en enrouler un particulièrement péteux, puissant, étroit. Me voici rapidement bien au-dessus des Dents. D’autres ailes sont dans le même secteur mais pas le même thermique, je monte beaucoup plus vite qu’eux. Au moment où ils me rejoignent, par le fufu alléchés, BARDAF je m’en prends une, éberlué. Avec la fatigue du vol et la distraction (j’étais en train de noter mentalement la position des autres), je n’ai pas été assez rapide pour empêcher cette asymétrique. Rien de grave, mais elle cravate bien comme il faut. Je n’en reviens pas!
Je sens rapidement que ça va tirer, ça commence à partir en rotation. Ce qui se passe dans ma tête, dans cet ordre: 1/ j’ai 2 secours 2/ j’ai pas envie de finir sous secours ici 3/ je suis haut et en air libre 4/ hors de question qu’elle parte en rotation, la bougresse. Là c’est flou, ma “gestuelle de gestion de vrac automatique” me fait décrocher. Pourquoi pas juste contrer? Aucune idée, je pense que j’étais en mode “brider l’aile et l’empêcher de partir en rotation”.
BON. De toute façon pour une cravate c’est parfait. Je me suis gainé, j’ai serré très fort les drisses tenues du bout des doigts dans mes manchons, puis bloqué l’aile en marche arrière, attendu 2 secondes de voir la cravate se dégager, bras hauts pour avoir un shoot puissant et ne pas re-cravater, tempo de l’espace. Je me suis ensuite barré pour finir le cross, de toute façon à 2000m c’était bien suffisant pour filer dans les Bauges, pas besoin de revenir dans ce thermique-là (ce qui m’arrangeait bien).

Ce que je retiens de cet incident, et qui me pousse à le partager:

  • j’étais hyper content d’avoir déjà décroché cette aile auparavant. C’était cet automne dans les pyrénées; avec l’acro3 et pas de cocon, mais ici ça n’a fait aucune différence. Si je peux donner un conseil à ceux qui volent avec une Zeno ou autre aile de ce type : sachez la décrocher. Clairment je préfère gérer un décro qu’une autorotation.
  • les freins tenus sans tour de frein ni dragonne, dans les manchons, c’est moins pratique pour gérer ce genre de sketch. j’ai dû serrer vraiment fort les doigts
  • je ne pensais pas avoir à me servir de ce genre de manoeuvres dans un cross. Mais voilà c’est arrivé, après 16 ans de parapente

Bon je n’ai pas romancé le récit hein :smiley:
Ce n’est pas vraiment le but :wink:

Merci pour ton récit, précis et détaillé, on a l’impression de le vivre soi-même. Elle a montré les dents ta Zeno, mais tu as été le patron pour finir

Cette anecdote permet de bien objectiver un prérequis nécessaire à partir en cross. Souvent on se met en cross parce qu’on le sent ou alors tiré par des copains…
Mais si on veut se mettre des repères objectifs au lieu d’apprendre à nager en se jetant à l’eau, celui-ci en est un bon il me semble.
On ne devrait se mettre en situation de cross que lorsqu’on sait gérer un décrochage avec sa machine. Ce qui impliquera pour la plupart des pilotes d’avoir déjà fait plusieurs sessions de SIV (car normalement on ne va pas au décro dès le premier week-end de SIV).
Mais bon, c’est pas comme ça que ça marche dans le parapente.

mouaip :roll:
On ne tourne pas non plus la plus grosse distance du jour, le jour le plus fufu de l’année dès la première fois où on se met au cross. D’ailleurs Laurent le dis : 16 ans de cross (j’ai presque envie de rajouter “tranquilles”) avant de s’en prendre une (qu’il faut) sérieuse(ment piloter).

Pour moi la morale serait au contraire : quand on a des années de pratique, ne pas oublier de faire un bon p’tit SIV parce qu’avec la routine on peut aller titiller les limites.

ça montre aussi que sur un site archi-fréquenté comme Planfait, avec les dents de Lanfon comme ascenseur, il faut s’attendre à des thermiques “péteux puissants étroits” et rester super vigilant, voire s’abstenir en fortes conditions de Printemps.

Mais non, “un petit cross” qu’il a dit !

Ben ouais, y a qu’à voir la CFD du jour…

Subtil le poisson d’Avril de Laurent.
(ça ferme pas une Zeno)

En vrai, n’ayant tous deux que peu dormi, on s’était dit qu’on allait juste faire un vol tranquille.
Et puis, comme tu ne pouvais pas venir, on a dû voler pour trois - pour compenser. J’espère que tu nous en es reconnaissant. :stuck_out_tongue:

@Vincent et Piwi, perso je ne parlerais pas de prérequis, mais d’une compétence (parmi tant d’autres!) à acquérir; le plus tôt étant le mieux.
Ayant déjà lu que faire des décros ne servait à rien dans “la vraie vie” hors SIV, je me suis permis ce petit récit en mode “vis ma vie” pour illustrer que NON ce n’est pas si inutile que ça de savoir piloter un décrochage sans paniquer.

Ce je comprends à travers ton récit c’est que tu t’es laissé surprendre, que tu n’étais pas en mode ultra éveillé, bref que cette grosse asymétrique était évitable. Mais bon tu gères au final donc tu pouvais te permettre de te laisser surprendre

C’est une chose de maîtriser ses décros et sa petite marche arrière dans l’aerologie d’huile de son box préféré et une autre de pratiquer une manœuvre d’urgence dans une aérologie moisie sous le coup du stress et de la surprise d’un sketch inopiné.

C’est ce qu’on pourrait appeler une compétence intégrée!

Bravo Laurent!

FK.

Oui mais dans les conditions que tu dois fréquenter pour faire des cross pareils, avec des ailes pareilles, tu ne peux jamais être sûr de ne pas te faire surprendre. Et donc, tu devrais avoir les compétences pour te sortir de ces situations. Sans paniquer.
(et j’ajouterais pour rejoindre Vincent, pas que avec ces ailes là)
Laurent est aussi un bon pilote de freestyle. Je dis ça, je dis rien…

Passer l’Infinit’ c’est seulement freestyle dorénavant ? Ah ouais, je sais, c’est parce qu’il ne le fait pas twisté… J’ai bon là ?
Putain ça va trop vite, chuis total largué !

T’as dû comprendre ce que je voulais dire. Un pilote de freestyle est un pilote qui a mangé des décros, plein de décros, et qui ne panique pas dès que son aile est derrière lui, et qui sait avoir les bons gestes pour la ramener gentiment au-dessus de sa tête. Ca lui en a facilité “l’accès” (au décro) sur sa 2 lignes de 7 d’allongement.
L’ennemi du pilote dans ces conditions, c’est la panique et donc soit l’absence de pilotage, soit le risque de surpilotage.
Je reste convaincu que tous les pilotes qui ont touché au freestyle sont bien mieux préparés que les autres (et dans freestyle, y’a pas tumbling). D’autres le sont, convaincus, et ne font du freestyle que comme préparation au cross.

C’est à dire que pour moi, Laurent est au-delà du freestyle, il est largement dans la voltige… Mais bon je vois ça depuis un autre univers…
Cependant je note perfidement que ça ne l’a pas empêché de surpiloter sa cravate, ce qui l’a expédié en décrochage. Et ça illustre parfaitement les effets de l’entraînement : être entraîné n’évite pas l’erreur mais peut en changer radicalement les conséquences.

En tout cas dans les conditions alpines tordues et pulvérisantes de ce début de printemps, je ne vois pas beaucoup de pilotes (le premier tiers ?) aussi entraînés que lui sur la route des cross. Et c’est bien dommage.

Entraîné et bien équipé avec 2 secours, comme un run en acro, mais peut-être que c’est d’usage et que la quasi totalité des pilotes volant en cross en montagne avec des 2 lignes sont équipés de 2 secours

Bon, on est d’accord. Le freestyle est une belle porte d’entrée, un excellent entrainement. Pas forcément besoin de tourner des tumblings twistés non plus! :wink:

Moi je ne trouve pas que les conditions de ce printemps 2019 soient musclées. C’est des conditions de printemps, quoi (même pas eu de vent dans les Alpes ce week-end). A nous de nous tenir prêts, ou d’éviter les heures chaudes.
Ce qui me fait penser à ça: https://www.ledauphine.com/isere-sud/2019/04/01/un-parapentiste-atterrit-sur-une-voiture-stationnee
Je n’étais pas là, je ne connais pas le pilote, je ne veux pas juger (surtout sur un article de presse), mais ce que je lis fait quand même froid dans le dos…

Edit:

[quote]Un homme âgé de 65 ans, qui n’avait pas fait de parapente depuis cinq ans, s’est envolé depuis les hauteurs de Saint-Hilaire-du-Touvet, ce dimanche après-midi
[/quote]
Tout le contraire de l’objet de ce post!

je croix que j’en ai déjà parlé mais en octobre ou novembre je sais plus trop, je me suis fait surprendre et ai décroché involontairement une aile, par “instinct” pour pas partir en rotation face a la montagne j’ai décroché l’autre aile et ai piloté la sortie après une petite marche arrière (a première vu très proprement ). c’est la que je rejoint laurentgedm, savoir gérer ça, sans paniquer, c’est quand même super important et surtout apres coup super rassurant !
mais a la base l’incident du départ reste du a un mauvais pilotage !

ce qui est marand c’est que ça faisais quelque temps que je me disais que ça serait bien de refaire du decro pour voir si je savais encore faire !

je ne vois pas la différence qu’il y aurait eu si c’était arrivé dans un vol local, le thermique étant le même, les effets doivent à priori être les mêmes…le cross n’a pas grand chose à voir avec l’aérologie du jour et le fait de savoir si on a sa place ici, parce qu’on a le bagage technique et le mental qui va bien, ou si on serait mieux au sol

Surpilotage, peut-être - parce que je ne voulais VRAIMENT pas qu’elle fasse mine de se mettre face planète. J’ai plutôt eu l’impression qu’il n’y avait pas moyen de maintenir le cap, avec cette cravate-là, avec cette aile-là. Mais c’est très difficilement reproductible pour tester.
Même en SIV, le seul moyen d’apprendre à gérer une grosse cravate qui tire, c’est d’avoir merdé autre chose avant.

Pour le reste, voltige, freestyle, c’est pareil. L’infinit ne sert à rien en XC, mais la base décro-SAT-wings me semble utile.