Ouaip, on peut évaluer et certifier des tas d’engins quand il ne s’agit que de technique, évaluer et certifier des gens est une autre paire de manches, vous pouvez en croire mon expérience de prof.
Des profs “certifiés” (voire même agrégés) nuls à chier tout debout, j’en ai croisé des wagons au fil de 36ans de carrière. Quand on ne pratique plus ce qu’on a plus ou moins maîtrisé à une époque, on oublie et on s’abêtit. Idem quand on pratique à un niveau trop bas.
C’est ce que disait ci-dessus un intervenant au sujet de moniteurs qui, ne faisant que du biplace pour des raisons alimentaires et autres, perd une part de ses qualités pédagogiques.
Je connais tous les moniteurs qui enseignent à Annecy, certains ne font plus que faire décoller les stagiaires parce qu’ayant fait trop de biplace pendant trop d’années ils ne sont plus assez sûrs d’eux pour les guider en l’air et à l’atterrissage. Le dire sans complexe est une forme de courage que je salue.
D’autres, et on les connaît, préfèrent ne plus enseigner parce qu’ils ont commis des erreurs, eux aussi ont parfois le courage de le dire.
Dans les conseils de classe, on me voyait toujours monter au créneau quand une prof (de lettres en général) déclarait que tel ou tel jeune n’arriverait jamais à rien, qu’il était nul de chez Nul. Là je me levais, je tonnais, je vitupérais cette insondable sottise bouffie d’orgueil qui consiste à juger, mais à l’aune de quelles références ? Moi je disais que l’élève avait des résultats nuls par absence de travail, que je pouvais juger de la qualité des travaux effectués mais que jamais je n’aurais l’idée de juger la personne.
Avec le temps on va toujours dans le sens de la tolérance, on laisse ouvertes des portes que plus jeune on aurait peut-être claquées, on a appris que même les gens qu’on trouvait nullissimes pouvaient nous étonner et se montrer excellents quand ils étaient motivés.
C’est aussi pour ça que, dans les conseils de discipline auxquels j’ai participé, j’ai toujours assuré la défense et refusé de juger.
J’ai connu des crapules qui ont bien évolué, personne n’aurait parié un rouble sur eux.
Alors je reviens à l’évaluation des pilotes et je suis perplexe. Faire appel à leur réalisme en leur demandant de s’auto-évaluer, comme cela se pratique en fait quand un pilote lambda achète une voile, c’est comme faire confiance à un escroc : tel qui veut telle voile l’aura, et si un marchand ne la lui vend pas il la trouvera ailleurs. Les gens ne sont pas toujours honnêtes avec eux-mêmes.
A partir de là les marchands (et les particuliers) vendent parfois des voiles à des gens incompétents, lesquelles gens ne se cassent pas toujours la gueule.
On n’y arrivera pas comme ça.
Quand j’ai acheté l’Awak 18 fin 2010 (à un particulier), je l’avais longtemps cherchée et il me l’a vendue. Je n’avais pas assez de compétence pour voler avec cet avion et je me suis cassé la gueule en 2011.
La FFVL nous propose divers niveaux pour nous breveter, et c’est louable, mais comme il n’est pas obligatoire de posséder un brevet si on ne vole qu’en France et qu’on ne fait pas de compète ni de biplace, un grand nombre de pilotes ne sont jamais évalués officiellement, et beaucoup d’ailleurs n’en ont rien à foutre.
Il y a diverses classes dans le permis de conduire, mais avec le permis B on peut rouler en Deuche ou en Ferrari, en 106 ou en Porsche, en Smart ou en camping-car, les compétences de pilotage nécessaires ne sont pas du tout les mêmes.
Nos brevets sont aussi insuffisants que le permis de conduire.
Un marchand de voitures vend ce que le client demande, l’usage qui sera fait de la voiture ne le regarde pas. Idem un marchand de parapentes, qui ne se même pas de savoir si le client est compétent ou non.
En général…
Il n’y a guère que pour les avions qu’une certification rigoureuse est exigée, qui passe par des heures et des heures de vol en diverses configurations, et des tas d’examens. Cela revient très cher et cela limite (fort heureusement) le trafic aérien. Si on appliquait la même rigueur pour le parapente, plus personne ne volerait.
Les Allemands et les Suisses exigent un brevet draconien pour laisser des pilotes voler librement, sans encadrement, et il y a des contrôles sur les décollages. Résultat : les brèles viennent voler chez nous, cela ne leur coûte rien et personne ne les emmerde.
On ne peut pas leur donner tort et cela fait marcher l’industrie du tourisme.
Les bons viennent aussi, évidemment.
Quand j’ai commencé à voler avec l’Artik, en mai 2010, Damien (Grands Espaces) ne voulait pas me la vendre parce que je venais d’une Joy, il a mis plus d’un mois avant d’accepter, un mois pendant lequel ses moniteurs m’observaient en l’air, et c’est finalement David Eyraud qui l’a décidé, après 2 stages SIV que je venais de faire. Quand David dit que la pilote maîtrise parfaitement sa voile, on peut le croire.
Damien me connaissait depuis mes débuts et quelque part il me protégeait, après un terrible accident. Tous les marchands n’ont pas une telle déontologie.
