Je suis souvent perplexe en lisant les retours d’essais d’ailes de nombre de pilotes, qui à mon sens confondent confort et sécurité.
On lit ou on entend souvent : “je n’ai pas eu une seule fermeture avec cette aile, elle est super securit”.
Même dans les essais du très estimé Ziad Basil, celui ci fait un classement de “facilité” relative des ailes en conditions turbulente, mais je ne suis pas certain que les ailes réputées les plus faciles soient celles qui protègent le mieux les pilotes des mauvais sketches lorsqu’ils sortent brutalement de la zone de confort (ce qui arrive nécessairement tôt ou tard).
Lors de la PWC à Ager en 2011, j’avais eu la chance d’échanger quelques mots avec quelques pilotes du team France qui volaient sous R11, dont Charles Cazaux. Ils disaient que cette voile procurait un sentiment de solidité et de sécurité incroyable, notamment à haute vitesse. Mais que ce sentiment était totalement trompeur, car si par mégarde on laissait se produire une fermeture massive, l’issue la plus raisonnable était alors de tirer la poignée rouge.
Dans le dernier X Country Mag, Bruce Goldsmith reparle de ce qu’il appelle la stabilité progressive (il en avait déjà parlé dans un précédent numéro : http://www.flybgd.com/read.php?type=download&file=_file_CROSS-COUNTRY-176-ICARISTICS.pdf&lang=fr ).
Selon lui [je cite] comprendre la masse d’air dans laquelle on vole est aussi important que la sécurité passive de la voile , “Surprotéger les pilotes de la turbulence peut les faire se sentir plus en sécurité au début, mais ils peuvent se retrouver dans l’ignorance la plus totale des risques qu’ils prennent lorsque la masse d’air devient plus turbulente”.
Dans le dernier Xcmag, il explique que dans la conception d’un aile saine, les bouts d’ailes devraient être plus sensibles à la fermeture que le centre, de façon à informer progressivement le pilote de la turbulence présente, et de sorte que les fermetures se développement progressivement à partir des bouts d’aile et non en mode tout ou rien, en fermant massivement par le centre.
Cela ne se résume pas au sempiternel débat pour/contre le shark nose, et pour preuve les voiles conçues par BG possèdent un shark nose. Mais l’usage raisonné du shark nose peut être intégré dans une aile dotée d’une “stabilité progressive”, laquelle ne doit pas excessivement filtrer la turbulence, ni trop retarder les fermetures, notamment en bout d’aile.
La “stabilité progressive” n’est pas du tout caractérisée lors de tests d’homologation, et on voit mal comment on pourrait procéder. Contrairement à une fermeture provoquée en tirant artificiellement sur les élévateurs, il s’agit de savoir comment l’aile réagit aux variations d’incidence de la masse d’air en situation réelle, comment les petites fermetures d’avertissement se produisent, et comment le ressenti aux commandes informe correctement le pilote.
Il serait intéressant de pouvoir caractériser cet aspect lors des essais d’ailes. En lisant entre les lignes de certains essayeurs, on peut parfois se faire une idée à la lecture de tel ou tel article, mais ce n’est pas toujours le cas.
En tout cas, personnellement, je reste sur ma faim lorsqu’on évoque principalement le confort d’une aile, surtout en catégorie B+ ou C.


Marcus
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