Le processus de décision : décoller ou renoncer, exemple vécu.

Il semble que nous sommes à la période où de nombreux débutants s’inscrivent sur le forum, avec le traditionnel et récurrent package de questions afférentes à leur inexpérience.
On dirait que l’époque a changé et qu’on a dorénavant une infinité d’interrogations lorsqu’on débute l’activité, à peu près l’opposé de l’attitude du temps de mes débuts où on fonçait d’abord et on réfléchissait ensuite.

Ce fil
http://www.parapentiste.info/forum/techniques-de-base-du-pilotage/autonomie-au-bout-de-combien-de-vols-t41739.0.html
m’a fait repenser à un vécu récent après lequel j’ai eu à répondre aux questions de débutants.
Sur un décollage où les conditions n’étaient pas parfaites, les débutants du club choisissent de ne pas décoller ainsi que plusieurs pilotes expérimentés. Personnellement, je décide de me mettre en l’air.
Le lendemain, je suis interrogé par mail sur le pourquoi du comment. J’essaie alors de faire l’analyse des éléments impliqués dans ma prise de décision. Je vous retranscris l’essentiel de l’échange, qui pourra peut-être aider quelques lecteurs supplémentaires.
Si vous pensez à des exemples personnels, je vous invite à en faire part aussi.

Donc, retour sur le vol d’abord, puis réponse aux questions sur la décision :
[i]Petit retour sur les conditions du vol de soirée d’hier assez étonnantes pour moi. Ceux qui sont sur le site depuis longtemps connaissent sûrement déjà.
7 - 23 km/h de sud à la balise d’Allevard… hum…
On arrive sur le déco assez bien alimenté, parfois faiblissant, avec tendance à osciller face/sud, mais sans grosses rafales. On aura pu noter en sortant des véhicules que la pente côté sud a tendance à donner.
Deux voiles se mettent en l’air et montent lentement. Vu du sol, ça ne fait pas très envie car elles semblent scotchées. pendant ce temps, je détricote mon suspentage. Ensuite, installé près du mat à l’endroit le plus turbulent, je me bats un moment avec mon aile. Bon, d’habitude j’aime pas bien du tout lorsqu’il y a du vent dans les reliefs, mais là tout un ensemble de choses fait que je décolle.
Le déco n’est plus trop au vent, je crois même un instant que je vais reposer sur le replat, puis la combe est bien bousculée. Tout ça dure une vingtaine de secondes puis je touche la vague doucement ascendante, je me replace globalement sur les reliefs sud et c’est parti.
En fait toute la zone monte en thermo-dynamique laminaire. Ça faisait des lustres que je n’avais pas gardé les freins aussi longtemps dans une position figée sans rien faire d’autre que se laisser monter ! 2300 m au pied des Grands Moulins, Stéphanie fait mieux en s’arrêtant à 2500 par peur d’avoir du vent plus fort. Aux altitudes où on vole on a en permanence 15/20 de Sud-Ouest. La seule turbulence rencontrée est un déclenchement agité en repassant le col en bas des Grands Moulins ; ça a duré 10 secondes…
Assez bluffant : en revenant dans la combe Sud-Ouest au-dessus du déco, face au vent, ça monte en permanence jusqu’à l’aplomb du fond de vallée. Car on tire jusqu’aux crêtes du Collet toujours sans une turbulence (si, la trainée de sillage de Stéphanie). Demi-tour, je me demande comment ça va être en bas… 1200 m de 360, tout est calme, pas de vent pas de brise qui rentre au Molliet, la masse d’air est très porteuse mais rien ne bouge. Posé dans la douceur du soir dans une aérologie plus calme qu’un vol du matin… Épaté…
Voilà, ça servira peut-être à certains pour d’autres fois.
Attention, c’était stable ; je ne sais pas ce que donne la même configuration de vent en atmosphère instable !
Ceux qui ont renoncé à voler, ne râlez pas ; les indices vus du sol n’étaient pas encourageants et puis ce qui est certain, c’est qu’il y en aura d’autres et que vous y serez !

Tu dis “un ensemble de choses fait que je décolle”. Si ce n’est pas trop personnel quelles sont les raisons de cette mise en l’air ? Ton analyse au déco donnait des signaux vert (ou au max orange pointant vers le vert) ?

C’est un point intéressant pour les gens qui débutent car il montre bien comment cette activité est en permanence sur le fil.
A d’autres moments, ce qui fait que je décolle peut conduire à un accident et là ça débouche sur un vol méga-cool !

Ce que je vois en arrivant ne me plait pas :

  • décollage bien alimenté alors qu’on est en situation stable, ce qui signifie qu’il y a du vent et qu’il rentre
  • manche à air qui oscille ouest/sud-ouest/parfois sud
  • en arrivant du parking j’ai noté en regardant les arbres que ça bougeait bien en sud
    Pour moi, vol avec du vent dans les reliefs = vol déplaisant donc je pense renoncer.
    Mais d’autres signaux tempèrent :
  • vent très régulier en force, ça peut faiblir mais on n’a jamais de forte rafale
  • lorsque ça rentre franchement sud c’est toujours en douceur (je lève plusieurs fois la voile dans cette situation pour tâter l’aérologie)
  • le premier décollé monte dans la combe et le long de la pente donc il y a une petite couche de brisette ; on voit ensuite qu’en montant il touche du sud et tout semble progressif
    Au contraire peu après :
  • le décollage de Stéphanie est plus turbulent, la couche de brise tend à disparaitre
  • en l’air les deux ailes sont parfois scotchées (en fait non, au pire elles continuent d’avancer à 5 -10 km/h) mais depuis le sol ça fait mauvais effet
    Donc :
  • je n’ai pas volé depuis longtemps et l’envie est là, bien présente
  • je trouve qu’il fait chaud pour tout replier et ranger
  • j’ai une aile d’un niveau bien en-dessous de ce à quoi je suis habitué
  • elle revient de plusieurs essais, je dois l’amener ce week-end à Mieussy et je voudrais m’assurer que tout est en ordre et qu’elle fonctionne bien
  • je voudrais pouvoir comparer les perfs avec laTala de Stéphanie
    La décision est prise : je vole.
    Si les choses tournent mal, je m’attends au pire à me faire démonter en l’air ou à me faire reculer si ça forcit.
    Je compte sur mon expérience et j’ai la faiblesse de penser que même en turbulences sévères j’arriverai à garder l’aile au-dessus de la tête. J’aurai peur jusqu’au retour au sol mais tant pis.
    Pour du vent éventuellement trop fort, j’ai un plan B qui consiste à aller me poser si nécessaire en zone plus dégagée au-dessus de chez moi, ou en bas après La Rochette, en comptant qu’en basse couche près du sol le vent soit moins fort.

En fait dans ce cas là, la prise de décision se fait autour d’un paramètre crucial : est-ce que je veux voler même si ça doit être désagréable ? C’était une des très rares fois où pour moi la réponse était “oui”.[/i]

Merci pour ton récit intéressant qui me soulève deux questions ;

  1. Si tu étais convaincu de vivre un vol désagréable voire potentiellement risqué (à la lecture de tes doutes) Quel à été le mécanisme dans ta réflexion qui te fait quand même répondre “oui” ? Alors que la grande partie de tes posts que j’ai le plaisir de lire, relève plutôt de l’appel à la raison, à la prudence, à la sécurité.

  2. Quel peut, d’après toi, être l’impact de ton récit sur les “nombreux débutants qui s’inscrivent sur le forum…” N’est-il pas pensable que certains vont l’interpréter, à tort, comme un blanc-seing à décoller même en présence de doute sur la pertinence de le faire ?

:trinq:

Juste une question au hasard : Est ce que tu peux donner la date de ce vol, savoir si je fais parti de ceux qui sont resté au sol, ou si j’étais absent ce jour là…
Parce que c’est le site sur lequel je fais mes armes et que j’ai déjà croisé des conditions de sud qui donne l’impression d’être scotché mais qui dans le même temps permettent de se maintenir un peu, mais aussi des conditions où j’ai juste eu l’impression de voler dans les secteur pavés de Paris Roubaix.
Bref, ça ne me poussera pas à voler dans des conditions bizarres. ta phrases " en arrivant du parking j’ai noté en regardant les arbres que ça bougeait bien en sud" me fait dire que je n’aurais pas décollé, s’il y a du bruit dans les arbres ou si certain buisson à droite du décollage bouge, je ne déplie même pas la voile, je sais que je risque d’être au dessus de mes capacités…

Juste que je n’avais aucun doute sur la sécurité, simplement sur l’agrément.

Je pense que ce qui m’a été le plus utile dans ma “carrière”, ça a été d’écouter et de lire des récits de vol.
Je témoigne pour ceux qui fonctionnent comme moi.
Ensuite, je pense que “ce loisir est aussi sécurit’ que l’est son pilote”, avec ses corollaires qui sont “si tu joues au plus con, tu gagnes” et “si tu cherches les ennuis, tu vas les trouver”. Donc si quelqu’un cherche dans mes propos des justifications et des prétextes qui n’y sont pas pour autoriser sa propre prise de risque excessive, il va les y voir. Lui n’a pas besoin de moi pour aller se mettre une tartine.

Les autres retiendront qu’il faut décoller après avoir réfléchi à la situation et que le fait d’avoir plein d’outils dans sa boîte à outils ouvre l’éventail des possibilités de vol.

C’était le 2 Juillet.

Merci!
Donc j’étais pas là :lol:

Ce que m’évoque ce récit, en miroir avec le post d’origine, c’est qu’il faut toujours se faire sa propre opinion des conditions AVANT d’écouter celle des autres. Par contre si on n’est pas assez sûr de son opinion il fautu après la confronter pour éviter les conneries. Mais écouter les autres avant sois même c’est petit à petit se priver de ses capacités de jugement et prendre des risques.

C’est le meilleur moyen de devenir complètement autonome dans l’exercice au combien difficile de l’appréciation des conditions aérologiques…

un avis tout personnel :
les point suivants ne doivent pas entrer dans la prise de décision de voler.

Oui mais ce sont les facteurs humains si dangereux pour notre activité, il ne faut pas les occulter, en être conscient et les comparer aux risques estimés.
Pourquoi je veux voler et est ce que cela vaut le risque que je vais prendre ?

:+1:

on est d’accord : ne pas les occulter.
mais les identifier pour mieux les sortir de la décision de voler ou pas. non ?

Je les ai mis pour bien montrer ce qui se passe en vrai (et non pas dans un fantasme de discours idéalisé) dans la tête de quelqu’un qui vole.
Ce genre de paramètres a toujours fait partie de mes processus de prise de décision. Je ne connais pas de pilote régulier expérimenté qui y échappe ; chacun les pondère à sa manière mais ils sont bien présents.
En plus il ne faut pas oublier que le parapente c’est pour moi aussi (et parfois, avant tout) du boulot… avec ses impératifs et contraintes.

Le sujet ici c’est justement quels sont les paramètres qui font réellement partie de la prise de décision et comment on les gère.
Un autre jour, j’aurais pu faire le récit des paramètres qui m’auraient conduit à ne pas décoller et comment on gère la frustration.
On pourrait aussi faire le récit de comment on se trompe et comment on gère les fois où rien ne se passe comme on l’envisageait.

Donc oui, la théorie dit que certains points ne devraient pas entrer en ligne de compte, mais le fait est que dans ma réalité, ils sont primordiaux.

:pouce:

Il me semble que ces précision sont essentielles pour ne permettre à personne de dire après carton ; “Oui mais… 777 a dit que patois même quand on doute, un beau vol s’offre derrière… J’ai pas eu de chance par rapport à lui”

Je suis d’accord avec pas mal de choses, mais personnellement, ça reste du loisir et j’évacue volontairement tout ce qui est émotionnel (j’ai envie de voler, j’ai pas envie de replier, j’ai fait le trajet jusque là en voiture … etc).
Il est inquiétant (est-ce le bon mot ?) mais pas étonnant de voir que des pros font entrer dans cette prise de décision des notions économiques (il faut que je tourne mes bi, il faut que j’essaie cette voile avant de la rendre, ça passera bien à travers ce petit nuage)

Objectivement, si on évacue la pression économique, il y a qques vols qui n’ont pas lieu …

Perso je rejoint 777 sur le fait que nos prises de décisions se font avec comme critères de choix ou éléments de décisions des réflexions qui n’auraient pas lieu d’être. Mais si on est réaliste et honnête c’est bien ainsi que cela se passe. Tant mieux si certains d’entre nous sont imperméable aux pressions personnelles qu’elles soient professionnelles, émotionnelles ou même égocentrique voire un mix de tous cela et du reste qui nous agité intérieurement (fainéantise de replier sa voile, par exemple)

Pour ma part, je soient ou hâte être très prudent mais je n’échappe pas totalement aux prises de décisions irrationnelles. Se les reconnaître ces erreurs est sans doute le meilleur moyen pour espérer les éviter à l’avenir. Penser que parce que tous s’est bien passé malgré les doutes que l’on avait avant de décoller, que l’on avait raison à 100% de décoller serait une erreur qui un jour peut-être se vérifiera.

Objectivement, si on évacue la pression Economique, on fait beaucoup plus de vol parce qu’on ne va pas bosser le matin…
:mrgreen:

T’as découvert la saisie vocale sur ta tablette ? :wink:

@ Man’s,

Bah, après avoir grâce au fil sur l’orthographe de Marc, compris à quel point écrire juste, est difficile et pour ne pas dire inaccessible pour moi, d’adopter définitivement la rebel-attitude de l’écrivain du 21 ème siècle qui fait confiance à Google plutôt qu’aux Académiciens.

Blague à part, même en relisant au fil de l’eau, je me fais piéger par le correcteur de ma tablette et je suis trop fainéant pour allumer l’ordi.

:oops:

En quoi est ce inquiétant ?

C’est une réalité et la motivation économique n’est pas moins justifiable que l’envie de voler ou l’envie d’en mettre plein la vue à ses potes. Cette motivation économique existe et fait parti intégrante des facteurs de décisions d’un pilote professionnel, à lui de gérer l’equilibre sécurité/envie dans sa décision de se mettre en vol.

Ce facteur est souvent diabolisé alors que l’immense majorité des pilotes professionnels le gère avec sagesse.

karma+

Ce n’est pas le critère qui motive notre envie de voler qui est critiquable mais bien notre réflexion personnelle qui décide que oui ou non le jeu en vaut la chandelle rapport aux risques potentiels que l’on identifié.

Après si on n’est pas apte à identifier ces risques potentiels, il ne sert pas à grand chose de se poser des questions sur nos motivations à voler.

@ Patrick, le karma+ est généreux mais je l’octroi autant pour la pertinence de ton post que pour permettre à Plumocum de faire de “l’humour”

:sors: