Jean Raoul est un bricoleur né. Un doué de ses mains qui sait et ne peut s'empêcher de tout faire par lui même. Pour tout dire, il est surtout et avant tout un perfectionniste obsessionnel . Un de ceux qui ne peuvent se satisfaire en l'état de ce que les marchés et la production moderne lui offrent. Depuis son plus jeune âge il en est ainsi. Il est fort intéressant de noter que la quasi-totalité des innombrables modifications et bricolages variés réalisés par notre jeune prodige, l'ont toujours été dans un stricte souci totalement désintéressé d'amélioration de la sécurité, tant pour lui même que pour ses contemporains. Et c'est en cela qu'il est d'autant plus singulier et admirable !
A 8 ans, au début des années 80, ayant déjà réalisé à l'occasion d'une rencontre toute aussi inopportune que fortuite avec le lampadaire situé en bas du boulevard Maurice Thorez, juste à l'angle de la rue du Peuple et de la place de la Révolution,.... Quoi que, ce lampadaire là précisément ou un autre n'aurait pas été d'un importance cruciale, si, outre la rudesse du choc, cela ne s'était produit devant la sortie de l'école primaire des filles et à une heure hautement stratégique de l'après midi. Jean Raoul avait pris à ce moment là pleine et entière conscience - en plus du lampadaire dans la gueule - de l'ampleur des carences en matière de freinage sur route mouillée du vélo de course dernier cri que ses parents lui avaient tout juste offert. Après quelques tentatives infructueuse d'améliorer les performances des patins en caoutchouc grâce à une optimisation du rainurage visant à un meilleur écoulement de l'eau, en ayant eu recours aux plus récentes études en ce domaine publiées par les établissements et la famille Michelin sises à Clermont Ferrand, la riante préfecture du Puy de Dôme(63), il en était rapidement arrivé à la conclusion que c'était sur la jante elle-même que devaient porter ses efforts, plutôt que sur les patins. C'est ainsi qu'à l'aube de ses 9 ans, il mis au point un ingénieux procédé lui permettant de fixer définitivement du papier de verre à gros grain sur les flans des jantes chromées de sa bicyclette, réduisant ainsi très nettement les distances de freinage de son engin sur sol humide à environ... 1/3 de tour de roue avant,... avant que le guidon et la tête du conducteur n'atteignent le sol, matérialisant ainsi l'arrêt aussi bref que définitif de l'équipage, et la redoutable efficacité de sa lumineuse modification.
A quinze ans, il équipait son superbe Peugeot 103 SP, ainsi que ceux du facteur et de ses copains du lycée technique d’un brillant système qui reliait le coupe contact de l’engin à la boucle du casque du pilote. Celui-ci interdisant tout démarrage tant que la casque n’était pas attaché sur la tête du conducteur. Ce dispositif a largement fait ses preuves, puisque plus aucune mob ne circulait dans le quartier les jours humides en raison d’un défaut d’isolation du système qui dispensait alors généreusement des châtaignes de 1 200 volts à la jugulaire des plus téméraires, fort heureusement en faible ampérage.
A dix huit ans, il fut le premier à équiper sa Citroën C15 de mousse-bags. En fait, pour être plus précis, il avait disposé une douzaine de bombes de mousse expansive aux endroits les plus stratégiques de l'habitacle de son fier utilitaire. Ces bombes remplies de mousse expansive de polyuréthane étaient à l'origine utilisées dans le bâtiment pour fixer des fenêtre et servir d'isolant thermique et phonique lors qu’injectée dans des espaces creux variés. Dans le cas présent, elles se déclenchaient au moindre contact sur le pare-choc du C15 et remplissait en quelques fractions de seconde l'ensemble du volume disponible à l'intérieur du véhicule. Comme par exemple lorsqu'une voiture garée devant la fourgonnette de Jean Raoul sur la place du marché, avait tenté de sortir de sa place de parking un chouïa exigüe...
C'est sur cette prometteuse lancée, qu'il poursuivit sa modeste, car anémiée, mais fort animée croissance, suivie d'une non moins tumultueuse adolescence, lui donnant de droit accès à une remarquable entrée dans la vie active au poste envié de "Sous-chef Adjoint aux Services Généraux et à l'Entretien des Établissements et Voies Publiques Municipales" à la maire de St Moussus le Grand, sa commune d'adoption depuis un récent mariage avec Lucette. Lucette, son premier, seul et unique amour de jeunesse, à qui il a juré fidélité pour l'éternité ,... Si l'on veux bien excepter son inséparable caisse à outils Facom, avec laquelle il a tissé des liens affectifs et émotionnels tout aussi solides et non moins ambigües. Son épouse ayant, contre toute attente, toujours acceptée ce surprenant ménage à trois.
A lui seul, et de par sa stricte consommation personnelle et privée, il a très largement contribué à la réussite économique de plusieurs antennes régionales des plus grandes enseignes de bricolage telles que Castorama, Bricorama, Bricodépôt ou encore Weldom. Et cela sans compter les petites échoppes spécialisées qu'il a sauvé d'une faillite certaine de par ses besoins en matériels et outillages techniques introuvable ailleurs dans la région.
Sur un plan professionnel, à elle seule, la consommation matériaux et matériels de notre distingué employé municipal englouti prés du tiers du budget communale et des subventions départementales. A première vue une orgie budgétaires, à pondérer par le fait qu' ils ont permis le maintient, voire même le développement au sein du canton d'un tissus commercial de proximité dynamique et florissant dans le domaine du bricolage, et par voie de conséquence la sauvegarde d'emplois locaux qui font tant défaut par ailleurs sur le territoire.... ce qui justifie amplement toute la reconnaissance dont Jean Raoul bénéficie de la part du Maire, du Conseil Général et de leurs administrés.
Tout cela c'est bien beau me direz vous, mais quel est le rapport avec le parapente ? Le progrès. Tout simplement : Le - pro - grès ! Le progrès, avec l'arrivée du gaz de ville St Moussus le Grand. Alors même si, certes, Jean Raoul, du fait de ses fonctions stratégiques au sein de la commune, a été l'une des personnes les plus impliquées dans le raccordement de la commune au réseau, ce n'est toutefois pas lors de cette phase technique qu'est apparu le parapente dans la vie de notre homme. Mais plantons tout de même le décors... et ce dés avant même que les arbres, eux, ne soient déplantés.
En 2006, il fut décidé dans les plus hautes sphère cantonales de raccorder la commune au réseau départemental de gaz. Et c'est à cet unique effet, qu' une large tranchée à été du être ouverte dans la foret qui recouvre la colline, qui elle-même surplombe le méandre de la rivière, au creux duquel lui même est niché le village. Ah , tout de même ! La généreuse tranchée destinée à permettre l'enfouissement du gazoduc est orienté NNE-SSO depuis la crête, jusqu'à au pied de cette large et régulière pente de 172 mètres de dénivelé. Plusieurs semaines après que les bulldozers aient disparus et que la conduite fut enterrée et mise en service, alors que l'herbe verte et grasse du printemps ondoyant sous la brise ait envahie les lieux, on a vu débarquer d'on ne sait-où, probablement de la sous-préfecture ou pire, une paire d'originaux chevelus et barbus. Ces derniers ont rapidement détournés la tranchée au milieu de la forêt de sa fonction originelle pour s'en servir d'aire de décollage pour leurs étranges parachutes. Cela, avant de finir leurs vols planés tantôt dans le stade de foot, en plein match, tantôt dans la rivière, en pleine crue, et parfois jusque dans le jardin publique qui fait face aux ateliers municipaux, en plein dans les géraniums.
C'est justement là, au milieu des massifs de fleurs, que Jean Raoul à lié connaissance avec l'un d'entre eux. Celui-ci était venu sollicité son aide à plusieurs reprises pour décrocher son engin des éclairages publiques qui bordent l'espace vert. Toujours passionné de technique et de nouveauté, il n'a pas fallut bien longtemps pour qu'en échange de quelques dépannages lors d'atterrissages de fortunes au gré des aléas d'une masse d'air turbulente et facétieuse, nos parapentistes amateurs proposent un baptême de l'air à leur sauveteur improvisé et récurrent, ce que ce dernier accepta bien volontiers et sur le champs !... Bien fut à ce moment précis dans un jardin publique, comme quoi...
Et c'est ainsi que de fil en aiguille, pour recoudre les dommages conséquences d'atterrissages plus moins bien négociés, notre homme devint un pilote de parapente émérite. Et du mérite, il en fallait pour se lancer dans l'apprentissage du pilotage de parapente munie des seuls conseils aussi approximatifs que contradictoires des deux Beatniks volants, et d'un seyant équipement de parapente usagé déniché à vil prix dans les petites annonces de l'édition régionale du "Chasseur Français".
Contre toute attente, et après six années de pratique assidue, Jean Raoul n'avait toujours pas apporté la moindre touche personnelle à son équipement de vol ! Voila qui était révélateur de la plus grande rigueur avec laquelle il pratiquait cette activité, et de toute la conscience qu'il avait qu'on ne s'improvisait pas concepteur de parapente avec un simple C.A.P de maintenance en mécanique agricole, fut-il obtenu avec mention.
Le 13 septembre 2012, restera un jour à tout jamais gravé dans la mémoire de Jean Raoul. Pour la première fois de leurs vies, Lucette et lui avaient quittés leur village ! Pour leurs vingt ans de mariage, le maire, sur décision unanime du conseil municipal, leur avait offert une semaine entière de congés, et mis à disposition gracieusement le Renault Kangoo municipal. Et c'est ainsi que pour la toute première fois ils allaient traverser une bonne partie de la France en direction d'Annecy et de son cadre montagnard. Et c'est aussi là que, pour la première fois de leur vie encore, ils verraient des montagnes en vrai, que Jean Raoul allait enfin pouvoir réaliser son rêve de voler en parapente dans les Alpes,... Et Lucette celui qui consistait à oser porter un maillot de bain deux pièces pour se faire bronzer sur les bords du lac. Un bonheur à nul autre pareil les envahissait.
Sitôt arrivés au camping, le Kangoo prestement déchargé du matériel de camping et la tente déployée, ils allaient enfin pouvoir réaliser leurs rêves. Comme Lucette était belle a croquer allongée de tout son long sous le soleil au bord du lac, débordant juste ce qu'il faut, et là ou il faut, de son bikini à fleurs. Jean Raoul la dévorait des yeux, regardant à peine dans le ciel les élèves de l'école de parapente réaliser les figures imposées de leur stage SIV.
C'est le cri de Lucette, le regard effarouché rivé vers le ciel, qui poussa Jean Raoul à lever les yeux pour y voir pilote à bout de force, pendu sous sa sellette, lâcher prise plusieurs dizaines de mètres au dessus du lac et finir sa terrible chute dans une immense gerbe d'eau. Le bateau de l'école rapidement sur les lieux put récupérer le malheureux qui avait bien eu le temps de boire quelques tasses de ces revigorantes eaux minérales savoyardes et souffrait multiples blessures, mais fort heureusement, toutes sans gravité.
Cet évènement venait de traumatiser à tout jamais les deux amoureux : Lucette ne laisserait plus jamais son Jean Raoul voler en parapente tant qu'un pareil accident serait possible. Ce dernier quand à lui n'avait nullement l'intention de prendre le moindre risque de se retrouver en pareille situation. Il lui fallait donc comprendre ce qui s'était passé.
La nuit fut à gîter, même si Jean Raoul n'eu pas ce soir là à cœur d'entreprendre sa ravissante épouse, et Lucette encore moins de se laisser faire. J'ai bien écrit " à gîter" en deux mots car pour cette première expérience de camping, ils avaient, sans y prêter, attention monté leur tente sur un terrain en pente.
Dés le lendemain matin, Jean Raoul partit mener son enquête pour mieux comprendre les causes de l'accident de la veille. Il se rendit donc tout d'abord à la chaise haute du maître nageur sauveteur, puis à l'école de parapente, et enfin, chez les pompiers qui étaient intervenus pour prodiguer les premiers soins. Cela, afin de leur poser à tous la même question : comment et pourquoi est-ce possible ?
Les réponses furent unanimes et concordantes : "Oubli de bouclage des sangles au niveau des jambes. Probablement une distraction lors de la prévol. Un accident malheureusement classique". Pour se faire confirmer la chose de vive voix, Jean Raoul rencontra aussi le pilote qui avait fini dans le lac la veille. Ce dernier ne put que confirmer : "Depuis le déco, avec les copains on se marraient tellement en matant à la jumelle un thon en string à fleurs en train de se faire dorer la pilule au bord du lac, que j'ai passé les bras dans ma sellette, bouclé la ventrale et décollé encore plié en deux de rire, sans même avoir remarqué les jambières ouvertes qui pendaient sous moi".
Ces aveux et la grossièreté du pilote avaient mis Jean Raoul hors de lui ! Comment pouvait-on rire ainsi et aussi grossièrement commettre une telle erreur sans même s'en apercevoir ? Il lui fallait bien se rendre à l'évidence : nul n'est à l'abri d'un instant d'inattention. Tiens, hier par exemple : Si lui aussi avait manipulé son parapente alors que sa tendre et appétissante Lucette était à proximité en maillot, aurait-il eu toute sa tête à lui et la concentration nécessaire ? Pas certain... Même après vingt ans de total bonheur conjugal.
Il consacra toute son après midi à faire le tour de échoppes spécialisées des environs afin d'examiner par le détail l'ensemble des modèles de sellettes disponibles sur le marché, et fut bien forcé de constater qu'aucun des nombreux systèmes, aussi sophistiqués soient-ils, ne mettait totalement le pilote à l'abri d'un oubli ou d'une distraction fatale. La conclusion était limpide : il lui fallait faire quelque chose, lui même. Ce que Lucette, rouge à point, approuva aussi sec des deux mains huileuses en se repassant une nouvelle couche d'ambre solaire sur les jambons.
Malgré la tente repositionnée sur un terrain plus horizontale, la seconde nuit fut, elle aussi, particulièrement agitée. Jean Raoul ne parvenant qu'à grand peine à se saisir du corps huilé de sa Lucette qui lui glissait entre les mains et les jambes, bien qu'elle fut totalement consentante ce soir là. Jamais à court de ressources et d'esprit pratique, il du, pour parvenir à ses fins, jeter quelques poignées de sable sur sa partenaire, selon recette transmise par ses collègues de la DDE, afin de s'assurer une meilleure adhérence en courbes lors des évolutions les plus périlleuses en terrain glissant.
Comme je vous sens tous à deux doigts de défaillir sous la pression du terrible suspens… je vous laisse quelques heures pour reprendre vos esprits et vous ressaisir, par la main ou tout ce que vous voudrez d’autre, avant d’envoyer la fin de l’histoire. 
A suivre…




