Un petit vécu personnel récent qui me confirme que tout ça est bien dérisoire.
Le premier Mai, une fois n’est pas coutume je me retrouve à aller voler au Revard. Décollage à 15h et thermiques de faces Ouest, ça me change de ce début d’année. Ça me change en effet, pas de brise démentielle, thermiques de mieux en mieux constitués au fur et à mesure que le soleil tourne, masse d’air très thermique, ça repart devant “en plaine” depuis 50m/sol jusqu’au plafond dans le même thermique, tout est lisible, on peut tracer au premier barreau sans crainte, à part les grosses dégueulantes à -4,5 sur de longues périodes à certains endroits c’est quand même vraiment chouette, tout ce qu’il faut pour profiter de la Queen2 en s’amusant !
Mais en regardant ce qui se passe, des grains de sable viennent gratter dans les rouages. Sur la ligne de crête Sire/Semnoz, les voiles en cheminement font le petit train. Beaucoup de Zeno et autres deux lignes passent en cross. Si quelques-unes filent vite et de manière décidée, je note que la majorité ne va pas plus vite que n’importe quelle B menée normalement. Mon interprétation personnelle étant que (comme souvent en l’absence de vent soutenu) les bons thermiques déclenchant devant, de nombreux passages en crête se font dans une masse d’air perturbée et que beaucoup de deux lignes n’osent pas rester accélérées là-dedans. Il semble bien que le cross ce soit forcément les cheminements enregistrés à la CFD, le relief obligatoire même lorsque ça barbulle partout devant, la route c’est là et pas ailleurs même lorsque les biplaces pro qui promènent leurs passagers montent en ligne droite en tirant loin hors relief !
Vraiment, je me demande si tous ces gens sont en stage, téléguidés, ou en vol de groupe hypnotisés par le leader, ou en train de suivre leur gps pour boucler un truc pré-programmé, c’est quoi ce Disneyland ? Enfin quoi, tous les signaux sont clairs, le flux est Nord-Nord-Ouest, on va plus vite dans un sens que dans l’autre, ça déclenche devant, les dérives sont faibles sauf en partie haute où le flux se retrouve “pincé” entre le plateau et le plafond pas très élevé, on sait où est le soleil et le relief se voit bien. Malgré tout ça, je note de nombreux placements “exotiques”, j’arrête pas de me dire “tiens, moi je ne serais pas allé là” ou “ah mais lui il trace direct pour aller se coller sous le vent !”. Bon, quelques satisfactions aussi comme lorsque j’en vois un un peu bas refuser la face sud-ouest de Banges et faire un grand détour par devant…
Et puis très vite une autre aile attire mon œil, une voile presque transparente tellement elle est délavée… je connais ce truc, c’est déjà une antiquité et j’ai déjà vu ça… je pense à une vieille Gypaaile mais je n’arrive pas à remettre un nom dessus. En tout cas le bougre se débrouille sacrément bien, il fait jeu égal en cette journée thermique, avec au moins 80% des autres pilotes ; j’ai pas passé mon temps à le suivre mais je pense qu’il a fait Sire/Semnoz et retour à Veniper comme tous ceux qui le voulaient bien. Surréaliste quand même de voir ce vieux bouzin déformé au milieu de ces wagons d’ailes dont la plus âgée devait avoir 5 ans !
Un peu plus tard ça cause à l’atterro.
“Je me suis bien fait tordre à Banges !”… tu m’étonnes, si c’est toi que j’ai vu se coller direct dans le venturi, ça me surprend pas.
“Et moi je me suis fait envoyer comme jamais à la Croix du Nivolet ! J’ai cru que j’allais jamais réussir à en sortir !!”… ah ben ouais, curieusement avec les conditions du jour j’aurais pas eu l’idée d’y aller. Bref, la teneur des conversations c’est que le parapente c’est la guerre aveugle… vraiment vous aimez ça ?
Et puis voilà que l’antiquité précédemment évoquée se pose. Le gars remonte juqu’à la zone de pliage. Il a pris la machine à voyager dans le temps et sort directement du siècle dernier : combinaison Scorpio, sellette basique grise et bleu Sup’Air, énorme parachute en ventral et la fameuse antiquité volante le tout porté par un fringant sexagénaire.
Je lui fais :
" - Équipement de 1994 ?
- Non, la voile est beaucoup plus récente : 97.
- Ah oui. Et c’est quoi ?
- Une Contest.
- Nom de dieu, oui, une MCC/ProDesign Contest ! Juste après la Challenger C. Et bien sûr tu l’as faite réviser ?
- Bien sûr que non ! Ils me diraient qu’il ne faut plus voler avec !!
- Bâh oui, vaut mieux pas aller voir les médecins, ils te trouvent toujours des maladies…"
Pendant qu’on échange, je regarde l’assistance du coin de l’œil. A part un pilote qui semble aussi être un vieux briscard et qui discute avec nous sourire aux lèvres, je vois les mines des autres se décomposer ! Quoi, ce truc sans forme et sans couleur avec quelqu’un dépourvu de cocon accroché en-dessous, cette patate volante qui faisait aussi bien qu’eux sur cette partie du parcours, ça date de 1997 !!! 22 ans !!! Je les voyais s’enfoncer dans le sol…
Finalement c’était une bien belle après-midi de vol. Une belle masse d’air facile, de quoi baguenauder, une apparition sortie du siècle dernier telle Lucy in the Sky with Diamonds, au moins un qui ne croit pas en la guerre aveugle… je suis voué à me sentir en décalage mais au moins je ne suis pas seul !
Bon, il manquera quand même toujours une buvette sur ces putains d’atterros…

Ça fait plus d’un an que je le croise de temps en temps, j’ai pas fait d’enquête spéciale, juste fait le lien entre déclaration de vol avec voile exotique dans un secteur où j’avais volé le même jour et cet “extraterrestre” croisé en vol.
excellent !!!