J’aime pas trop intervenir sur ce genre de discussions qui n’en finit pas, mais bon…
Sur le plan industriel (le seul que je connaisse, je pense que c’est à relativiser pour l’artisanat local), c’est une course à l’industrialisation, cad transformer un savoir-faire approuvé mais lent en un savoir technologique pour faire fonctionner et entretenir des machines qui permettent de produire plus et plus vite, avec (si possible), une baisse de la variabilité, une hausse de la qualité, une baisse du coût.
Pourquoi cette contrainte? A cause de la concurrence d’autres entreprises disons “+/- orientales” dans lesquelles le coût du travail n’a rien à voir avec la France. Pour faire survivre nos entreprises françaises, il n’est d’autres solutions (tant que l’on ne taxera pas à 200% nos importations) que d’automatiser les tâches les plus simples et les moins valorisantes et de favoriser la montée en compétence des opérationnels industriels qui passent donc “d’opérateurs” à “gestionnaires de ligne”. La différence se fait ensuite sur la capacité des entreprises à s’améliorer au quotidien et à tirer profit des échecs, des dysfonctionnement, pour capitaliser. On se situe à présent sur la sphère culturelle et managériale. La culture occidentale consiste en général à glisser les problèmes sous le tapis, et à se congratuler sur le fait que tout se passe bien. Aucune amélioration n’est possible dans ce cas, le système de management est également à remettre en cause, puisqu’historiquement, les consignes, les ordres, les idées d’amélioration transitent de haut en bas, du top management vers les opérationnels, on a donc parfois des bonhommes qui ne mettent jamais les pieds dans les ateliers qui expliquent à des gonzes qui travaillent depuis 15 ans sur leur bécane comment procéder, rien de tel pour trucider la motivation; la définition des “buts” à atteindre est bien souvent laissée aux oubliettes, l’occidental a une approche très égocentrique de son travail, focalisée sur ses opportunités d’évolution de carrière, bien plus que sur le bien-être de la société dans laquelle il travaille, le concept “d’objectif annuel” des managers en est le triste exemple; et je ne parle pas du manque de réactivité qui en découle… en un an, les entreprises changent, le marché change, les orientation stratégiques changent, des problèmes apparaissent invariablement, mais comme ils ne font pas partie des sacro-saints “objectifs annuels”, ils sont automatiquement glissés en queue de liste; et on se décide à les inscrire aux objectifs annuels de l’année suivante, lorsque ce sont bien évidemment d’autres problématiques qui ont pris le dessus… bref
Dans le même temps, certaines sociétés japonaises se sont axées depuis 30 ans sur des styles de management différents et ont opéré de profondes transformations culturelles. Les directions se chargent de donner un “Nord”, un cap stratégique sur un horizon de 3 à 5 ans. Mais les idées et moyens mis en oeuvre partent ensuite des strates hiérarchiques opérationnelles, épaulés par la présence d’indicateurs autrement plus justifiés qu’un “nombre de pièces à l’heure”, d’avantage axés sur la mise en évidence des dysfonctionnements du terrain, l’identification des problèmes instantanée en groupe, la recherches de cause, la définition d’un plan d’action, et la mise en place de ce plan d’actions, la vérification de l’efficience des actions proposées (audit), et un nouveau tour de roue si le problème n’a pas été résolu, ou un archivage si le problème a été résolu. 3 fois 5 minutes par jour de “non-productivité” qui sont très rapidement contrebalancées par l’extrême réactivité de ces équipes, qui ont par ailleurs le loisir de se servir de leurs caboches, ce système de management peut également être le support d’améliorations ergonomiques par exemple, les managers intermédiaires ayant parfaitement assimilé que la performance passe par le bien-être des salariés (et rappelons-le, ils ne sont pas challengés annuellement sur des indicateurs bidons qu’il vont retoucher en douce au moment de leur entretien annuel…) mais sur la capacité à surmonter les problème.
La vision des opérationnels est également différente, ils n’ont pas “X produits à sortir par jour”, mais une vision “client”, tel client a demandé X produits pour telle date avec Y% de Non-Qualité: organisez-vous. Le facteur “décisionnel” est rapproché du terrain “ouinnn, ca fat 15 jours que j’ai envoyé la fiche de non-conformité au service qualité, yz’en n’ont rien à foutre de nous”, voiclà ce qu’on entend tout le temps, si l’on place les techs qualités au plus proche du terrain, c’est déjà autre chose, et mieux, si l’on supprime ce concept de fiche qui passe de main en main, chronophage à souhait, et non-réactif au possible, et que l’on permet aux opérationnels de procéder eux-même sur un support visuel directement placé sur le terrain, à la capitalisation des problèmes, pas à une description du défaut, mais à une analyse de cause en temps réel, et un décision d’action dans les 10 minutes à suivre, c’est un gain de temps phénoménal, une valeur ajoutée nette considérable pour la boite, et une bien meilleure satisfaction pour les opérationnels de travailler dans ces conditions… bref, on pourrait en parler des heures…
Ce que je constate, c’est que pendant que PSA ferme des usines en france:
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/auto-transport/actu/0202169264022-psa-arrete-aulnay-et-supprime-8-000-emplois-en-france-343357.php
Un autre constructeur automobile qui bénéficie de conjonctures écomoniques identiques parie sur le travail francais:
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2012/06/22/97002-20120622FILWWW00738-toyota-des-yaris-a-valenciennes.php
[quote]Concernant le travail, il faudra aussi qu’il redevienne moins stressant et moins impersonnel.
[/quote]
tout à fait. La plupart des gens le voient comme une finalité, c’est il me semble un doux utopisme. Les chiffres exhibés en comités de direction ne sont pas des indicateurs de satisfaction et ne le seront jamais, sauf éventuellement pour quelques rares entreprises que permet leur santé financière. Pour toutes les auters, ce doit être vu comme un moyen, et pas comme un fin en soi. C’est le seul moyen que cela fonctionne.
A noter que j’ai visité l’usine de toyota à Angers, il faut le voir pour le croire… et quand on demande aux gonzes qui bossent dans les ateliers, c’est un autre salaire que les opérationnels de PSA…