Bon, alors, si vous avez des plaintes et réclamations à exprimer, c’est auprès de moi qu’il faut le faire. Et si la zone de protection est une telle horreur qu’elle rend la vie du parapentiste impossible au point qu’on réclame une tête à faire tomber, vous pouvez venir chercher la mienne.
Car j’ai été le principal acteur de la mise en place de cette convention avec la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux).
Commençons par dire que les Pyrénées et tout particulièrement son piémont sont très certainement un des endroits d’Europe les plus riches en rapaces et oiseaux. Aussi bien en quantité qu’en diversité. Incomparablement plus que dans les Alpes par exemple.
Très rapidement, le parapentiste qui veut rester en l’air apprend à voler “aux oiseaux” : lorsque ça sent le moisi et qu’on ne sait où se diriger alors que le sol se rapproche, on scrute le ciel alentours sans s’occuper d’autre paramètre et s’il y a la moindre ascendance dans un secteur atteignable, on est certain qu’un milan, un milan royal, une buse, un autour, une bondrée, une buse, un aigle, un vautour fauve ou autre percnoptère la signalera. Je ne compte plus le nombre de “tas” que j’ai là-bas évités grâce aux oiseaux. Si l’on a appris à voler dans ces endroits, lorsqu’on change de région le ciel semble soudain vide… et c’est effrayant.
L’absence relative d’industries majeures, le peu d’autoroutes et de trafic routier, la faible densité de population humaine, une agriculture encore paysanne (polyculture élevage), des modes de vie traditionnels peu agressifs, une pression immobilière moindre, un climat doux y sont des facteurs particulièrement favorables à un biotope riche et diversifié. Les oiseaux y trouvent une nourriture encore abondante couplée à peu de dérangements : ils y prospèrent et apprennent à y évoluer avec les activités humaines.
Les pilotes qui viennent voler sur un site quelconque, et particulièrement s’il s’agit d’un site phare régulièrement fréquenté, encore plus en milieu rural, ignorent bien souvent (surtout s’ils débutent dans l’activité) que la vie et l’évolution de l’endroit est tissée d’influences diverses, entre les habitants et les nuisances qu’ils subissent, le poids économique de l’activité sur place, les pressions politiques locales, les contraintes des agriculteurs, l’emprise des chasseurs, les modes de vie particuliers et les représentations qu’ils induisent, les ambitions personnelles des uns ou des autres, les idéologies… Tout cela doit faire société ou se faire la guerre. Au choix.
Dans le Sud-Ouest de la douceur de vivre, il a maintes fois été montré par l’histoire de l’Occitanie qu’il est possible de faire société tout en continuant à affirmer et défendre nos désaccords.
Je ne vais pas refaire l’histoire du club Profil, elle avait commencé bien avant que j’y arrive, mais cette association a eu la chance de trouver en son sein des acteurs locaux à la forte personnalité, qui ont su assurer le renouvellement, permettre le développement, déléguer et transmettre un certain état d’esprit. Allez-donc y passer vos prochaines vacances de pilote et vous verrez que c’est un site incomparable (au global), comme il y en a peu en France. Attention, certains n’ont jamais pu en repartir !
Il y a quelques années, j’ai été approché par la LPO car cette organisation avait besoin d’un contact fiable parmi les parapentistes du cru. Comme j’étais un membre déjà ancien du club et un professionnel de l’activité, présent sur place quasiment tous les jours, j’étais évidemment une cible toute désignée. J’ai trouvé chez la représentante régionale de la LPO une personne absolument pas sectaire ni dogmatique et pas du tout naïve ni ignorante des réalités psychologiques pas plus que des enjeux politiques et économiques.
La LPO venait avec une demande de zone de protection pour une espèce sensible, le Percnoptère d’Egypte, petit vautour migrateur Europe/Afrique du Nord. Evidemment le tracé prévu de la zone était très vaste. Lorsqu’une telle demande émerge on peut la traiter par le mépris, la combattre ou bien s’y intéresser. En tant que pilote, on peut se positionner comme “utilisateur” d’un espace naturel, comme “adepte” d’un loisir de plein air, “je viens, je vole, je repars et le reste ne fais pas partie de ma vie”, ou bien comme “citoyen” qui essaie de faire que sa pratique soit une composante intégrale de la vie du lieu, avec une approche globale. Je n’imagine pas un marin ne pas s’intéresser à la mer.
Ma pente naturelle personnelle a toujours été d’être intéressé par les questions écologiques et j’aurais mal vu de ne pas avoir une écoute envers la LPO, alors que nous avons toujours du composer avec les chasseurs qui sont une bien plus grande menace pour l’activité, y compris physique.
Nous avons donc pu établir un partenariat dans lequel nous abandonnons peu et qui offre l’avantage de très bonnes relations avec la “mouvance” concernée.
La “bulle” de protection a pu être ramenée à des proportions minimes : 150 mètres autour du nid et 300 mètres au-dessus du relief. Nous avons veillé à préserver pour les pilotes expérimentés qui y vont la crête de Soulan et le vallon de La Husse (les plus “intégristes” voulaient à l’origine les exclure de vol) qui permettent souvent les meilleurs plafonds et sont la porte de sortie côté Ouest du site. Les bonnes conditions de cross ne sont pas impactées par la zone de protection. Elle n’est une gêne pour le vol que certains jours où s’établit un vent d’Est marqué couplé à des thermiques faibles qui fait dériver les ascendances dans cet endroit. Voila la contrainte que fait peser sur le vol cet accord avec la LPO…
Surtout, nous avons travaillé conjointement dans un esprit de recherche d’ajustement mutuel et de meilleure connaissance les uns des autres. Les textes qui ont été signés ne sont pas réglementaires mais conventionnels, ce qui signifie que la zone concernée ne fait pas l’objet d’une interdiction au sens strict (qui a le pouvoir d’interdire un espace aérien de vol ?) mais d’un agrément entre les différentes parties. Nous acceptons de tout faire pour ne pas voler dans cette zone durant la période de nidification. Et nous pouvons sereinement dialoguer avec les représentant de la LPO, avoir des contacts avec eux qui ont débouché sur des animations avec des ornithologues lors de Rock’n Vol, etc. Lors de ces rencontres, je n’ai noté aucune agressivité, ni d’un côté ni de l’autre. Et je crois bien que certains ont volé plusieurs fois en biplace à la rencontre des oiseaux, y compris aux abords de la zone de tranquillité durant la période concernée (demander à Pierre-Ni).
Sur l’utilité “réelle” d’un bulle protectrice, nous ne savons pas grand chose. Le fait est que certaines espèces comme le Percnoptère sont à la fois, symboliques aux yeux de certains, et plus farouches (suivant les individus) que d’autres (personne ne demande de zone de protection des buses). Pour moi et pour avoir volé assez souvent avec eux, il est clair que les Percnoptères sont des individus qui ont des personnalités différentes. Certains sont aussi indifférents que des vautours fauves mais j’en ai aussi rencontré que j’effrayais très clairement en allant enrouler avec eux, ils quittaient systématiquement le thermique. Il me semble aussi fondé de dire que pour une espèce plus “timide” que les autres, des gros machins volants (dont certains sont braillards) qui passent juste devant ou au-dessus du nid alors qu’on couve ou qu’on apporte à manger au petit sont une nuisance dont ils vaut mieux se passer. Les couples de Percnoptères se reproduisent de manière irrégulière : certaines années il y a échec de reproduction et on ne sait pas toujours pourquoi car les facteurs sont multiples.
Je préfère voir l’activité vol libre participer à maximiser l’accueil et le développement d’une espèce amie qui constitue un précieux auxiliaire de vol, plutôt que de la voir s’enfermer dans une attitude autistique pleine de sarcasmes vis-à-vis d’autres membres de la société humaine. Je le répète, alors que j’ai tendance à être plutôt opposé à l’activité et aux “idéologies” des chasseurs, il a aussi été possible de discuter avec eux sur ce site et de trouver des accords qui nous ont été favorables. Je ne crois pas que se mettre les “écolos” (avec toute leur diversité) à dos ou attiser les conflits avec eux soit une voie d’avenir.
Vincent.