Tu es dans l’erreur, Laurent. Ce n’est pas parce que j’écris dans un style précis et chiadé que j’ai des certitudes, en aurais-je d’ailleurs qu’elles ne seraient pas meilleures que d’autres.
Le trait d’ironie m’a plu.
A des élèves qui semblaient très perplexes quand j’évoquais les incertitudes sur les mesures, et donc la nécessité d’arrondir les résultats donnés par leurs calculettes, j’avais coutume de dire que la physique est un îlot de connaissance perdu dans un océan d’incertitude, que les plus belles théories ne valent que si elles sont validées par l’expérience, et qu’une expérience qui foire donne plus à réfléchir qu’une expérience qui réussit.
Je ne suis pas une assez bonne pilote pour avoir des certitudes et nonobstant mon âge je sais toujours me remettre en question et réévaluer les problèmes à la lueur d’informations nouvelles.
En physique, j’étais une bille en théorie faute d’avoir fait un 3ème cycle mais mon enseignement était très structuré (c’est indispensable) et je touchais ma bille au labo pour organiser et conduire les TP.
Au labo comme en haute montagne, en mer ou dans les airs, c’est toujours l’imprévu qui arrive. Il faut apprendre à y faire face de façon froide et rationnelle et de même quand on manie notre merveilleuse langue française.
Ce qui se conçoit clairement s’énonce clairement, écrivait Boileau, et je m’applique toujours pour produire du texte clair et facile à lire, même si le style est parfois un peu “recherché”.
Je persiste quand même à penser que quand on se met sur le toit avec une voile, c’est nettement moins risqué au-dessus d’un lac avec bateau de récupération et au sol un spécialiste qui donne des indications et des corrections en temps réel.
Cela dit, j’ai appris à piloter des voitures et des motos sans passer par une école de pilotage mais sur la route il y a bien moins de possibilités que sur circuit. C’est pour avoir fait 10 saisons de circuit que mon pilotage s’est affiné et épuré. Encore fallait-il le faire, et ce que je faisais sur circuit je ne l’ai jamais fait sur route, cela aurait été trop dangereux. Cela me permit cependant de me tirer sans encombre de situations où n’importe qui serait allé au tas, pronostic vital engagé.
La problématique de l’apprentissage de la voltige se présente - de mon point de vue - de façon analogue : seul et sans assistance pour corriger en temps réel et pour “débriefer” le soir avec la vidéo, on apprend moins vite, moins bien et on prend des risques.
Certains aiment bien la sensation du risque, cela les regarde.
Je me suis cassée deux fois en parapente pour avoir pris des risques, qui me semblèrent acceptables sur le moment et qu’a posteriori j’ai trouvé aberrants. Les deux fois je suis passée tout près du désastre et cela m’a donné à réfléchir.
Nos “anciens” qui pilotèrent des deltas et des parapentes pas aboutis, avec les techniques de l’époque, risquaient leurs peaux à chaque vol et ceux qui ont survécu furent les meilleurs et les plus chanceux. Suivre leurs traces à notre époque, avec nos connaissances et nos matériels, n’aurait guère de sens mais chacun voit midi à sa porte.
Je connais des crosseurs excellents qui n’ont jamais fait de SIV et qui disent sans ambages que cela ne les intéresse pas… avant d’avouer ensuite à demi-mot que cela leur fout la trouille.
J’ai toujours eu du stress lors de tous mes vols SIV, entre le déco et la boîte d’évolution au bout du lac. L’action faisait passer le stress et ma totale confiance en David me permettait de suivre ses instructions à la lettre… et puis il fit une erreur parce que lui aussi avait trop confiance en moi et cela me valut un bain avec 3 vertèbres tassées et 6 semaines de repos.
Dialogue à ma descente du bateau :
David : “je ne suis pas fier de moi sur ce coup-là”.
Moi : “même les meilleurs peuvent commettre une erreur, je ne t’en veux pas”.
Il me faisait faire des tas de trucs tordus “pour voir”, sa confiance m’honorait, mais le dernier dégénéra en vrac ingérable et je n’eus pas plus l’idée de tirer le secours que lui de me l’ordonner, au lieu de quoi il me donna des instructions de pilotage impossibles.
Je le connais assez pour être convaincue qu’il apprit lui aussi des choses après mon vrac.
Et ma confiance en lui reste totale.
Je suis convaincue que tout ce que j’ai fait en SIV avec David a éduqué une gestuelle et des réflexes, que cela m’a donné beaucoup plus de sérénité en l’air et que sans cette éducation je ne me serais pas aussi bien tirée de quelques vracs bien velus.
Le jour où j’avais eu le voile noir, c’était à 200m au-dessus de l’atterro de Doussard, pour “finir” un vol. Si je n’avais pas travaillé ça en SIV, le risque de perdre connaissance et d’aller m’écraser au sol aurait confiné à la certitude.
Merci David.
