Rien n’est plus complexe que la compréhension des mécanismes psychologiques, qui diffèrent d’un sujet à l’autre et pour un même sujet d’une circonstance à l’autre.
Il y a tant de facteurs que tenter de décrire tout ça ressemble à un rocher de Sisyphe, et tenter une synthèse me semble complètement utopique.
A mon sens, moi qui officie beaucoup sur les décos pour mettre les voiles en place, au meilleur endroit et dans la meilleure position, il semble que la phase du décollage est le premier générateur de stress. J’ai souvent aidé des pilotes débutants lors de leurs premiers décollages, en bavardant avec eux et en les faisant rigoler, l’idée étant de faire passer le mauvais stress qui paralyse et conduit à la peur, pour passer au bon stress qui stimule et conduit au plaisir de voler.
Quand je courais en moto, j’avais toujours une grande sérénité sur la grille de départ et dès que le drapeau s’abaissait j’étais en action. Beaucoup de pilotes étaient terriblement stressés et leur premiers tours de roues étaient un peu brouillons, j’en ai vu beaucoup se mettre par terre au premier freinage.
Jeune alpiniste, j’étais toujours en proie au “mal des rimayes”, un stress banal qui augmente au fur et à mesure qu’on approche de l’attaque d’une grande voie, et qui disparaît miraculeusement une fois en action. Beaucoup peuvent mettent un but à cause du mal des rimayes et il m’a fallu du temps pour comprendre ce mécanisme psychologique, c’est après avoir mis un but moi-même (au Dolent) que la lumière se fit.
Mes débuts en parapente bénéficièrent de l’expérience que j’avais de la gestion du stress et le rappel fut saignant : erreurs techniques en cascade => accident => invalidité => longue période de souffrance sans voler => reprise avec un mauvais stress paralysant => un but idiot => retour en école.
Gérer son stress n’est pas simple, gérer celui des autres est très compliqué.
Dans le précédent fil, je faisais état de la méthode de Caro, monitrice aux Grands Espaces, insufflant aux stagiaires l’idée-force de faire de chaque décollage un RITUEL.
C’est extrêmement efficace et j’ai adopté sa méthode, toutes les actions depuis la sortie de la voile de son sac jusqu’au décollage étant effectuées suivant un ordre immuable, avec tous les contrôles. Cela a généré chez moi un stress au moment de me mettre dans la sellette, qui disparaît quand j’engage la phase du gonflage.
Mentalement, je suis alors déjà en vol, totalement concentrée sur les sensations données par la voile, les éléments, l’aérologie, les autres.
Lors de tous mes stages SIV, j’ai ressenti du stress au déco, qui passait immédiatement au moment de décoller, et quand j’arrivais dans le “box” c’était comme sur une grille de départ en compète moto : j’étais prête à entrer dans la danse.
Je ne sais pas si beaucoup de pilotes amateurs fonctionnent ainsi. Chez moi, c’est le fruit de toute une vie de pratique des sports “extrêmes” et c’est probablement aussi le cas de la plupart des professionnels.
Je comprends très bien que beaucoup de moniteurs laissent tomber l’enseignement, générateur de stress, pour faire du biplace beaucoup plus banal en n’étant plus responsable que de soi-même.
Quand un pilote peu aguerri me sollicite en me demandant s’il peut “y aller”, je lui dis que je n’ai pas le droit de lui donner ce genre d’information mais que je lui hurlerai immédiatement STOP si cela ne se passe pas bien.
C’est ce que nous faisons tous sur les décos quand un pilote merde et risque de se mettre au tas si on ne l’arrête pas.
Je trouve excellent de lancer un site sur la gestion du stress en parapente et le sujet est si complexe que j’admire l’énergie qui anime celui qui se lance dans cette entreprise et ceux qui vont y contribuer. Si je peux donner un coup de main, ce sera avec plaisir.
