En ce qui me concerne, et pour expliquer à ceux qui m’entourent qui ne volent pas, et pensent que sous nos voiles nous nous prenons pour des oiseaux,… Il m’est bien difficile d’expliquer en 3 mots ce que je ressent et pourquoi je vole.
Pour moi, voler, cela reste une chose exceptionnelle.
Même après des années de pratique et en habitant dans une région plus favorisée que bien d’autres, pour moi mammifère terrestre, réunir en même temps toutes les conditions de météorologie, d’aérologie et disponibilité professionnelle et familiale, l’aisance en l’air, plus le site qui va bien à proximité, cela n’arrive pas tous les jours, loin s’en faut.
Et puis une fois le jour « volable » identifié et venu, encore il y a l’effort bien réel de la montée, l’attention à porter à l’analyse des conditions sur place, les spécificités du site, la concentration lors de la préparation, la tension lors du décollage. Et encore en l’air, le stress lors des premières minutes de vol, pour s’extraire du décollage au milieu des autres voiles, la proximité du relief à gérer, trouver l’ascendance, se faire secouer pour l’exploiter, toujours balloter entre « ça monte, ou ça monte pas et j’attends ici ou je vais chercher plus loin » et « ça bouge de trop, ce n’est pas raisonnable, et, il me faut m’accrocher, ou encore il n’y a plus rien, il faut aller poser », rester concentré pour ne rien lâcher, prendre de l’altitude sans prendre de risque. Le risque potentiel est partout autours de moi…. Invisible, mais bien présent. Selon les humeurs du jour, tantôt à l’attaque, tantôt sur la défensive.
Jusqu’au moment où, peut-être, je parviens à monter assez haut, mais pas trop, à y évoluer dans des conditions suffisamment confortables, mais qui portent tout de même, pour enfin être en parfaite symbiose avec les éléments et mon environnement.
Là pour quelques dizaines de secondes, parfois plusieurs minutes, en toute sérénité, je vol ! Je peux me relâcher, profiter de l’instant présent, de la glisse dans le vent, du paysage, de la beauté des autres parapentes qui évoluent autour de moi dans un ciel toujours plus grand et beau, du simple bonheur d’être là et maintenant. Pour quelques instants, l’horizon semble n’en plus finir. J’ai le sentiment d’être si léger que je pourrais aller planer partout, là ou le regard me porte, probablement même au-delà. Je ne rêve plus, je suis dans le rêve. 
Bientôt ces instants de grâce seront finis.
Il me faudra à nouveau me concentrer sur le pilotage actif du parapente, l’aérologie, son exploitation, les trajectoires, anticiper, faire des choix tactiques, pour aller plus loin, plus haut, ou au contraire rentrer, assurer le retour et l’atterrissage dans de bonnes conditions, rester vigilant, tout peut changer très rapidement, parfois sans prévenir, ou peut-être sans que j’ai reconnu les signes du changement, peut-être prendre des risques, mais pas trop. D’ailleurs, ou en suis-je dans ma prise de risque ? Ou est placé le curseur du raisonnable ? Est-ce que mon niveau est réellement celui que je crois ?..
Voler, pour moi, ce sont les instants de grâce exceptionnels.
Avant et après, ce ne sont que des passages incontournables, qui doivent être pris très au sérieux. Ils ne sont pas désagréables, certes, voir même souvent plaisants, mais l’attention de rigueur, la tension et même parfois le stress, font qu’ils sont souvent 90% de technique et de lutte, et rien à côté du pur et simple bonheur de voler.
Même si celui est exceptionnel et fugace, il mérite bien les « avant » et « après ». 

