L’ANALYSE & LA PRÉVENTION
Prôner une approche sécuritaire des vols implique que les pilotes soient volontaires pour en partager les enseignements.
Ce partage nécessite que nous partagions un peu de vocabulaire et que nous nous remettions en tête quelques notions d’analyse des accidents (vu au boulot… où en stage de récup de points de permis… ch’uis aussi un délinquant… mais chut…)
L’approche systémique est classiquement symbolisée par le triangle au sommet duquel on trouve pilote/équipements de vol/environnement du vol.
Révisons ensemble, si vous le voulez bien, les fondements de cette approche en l’appliquant au vol libre :
1- L’accident se déclenche par surprise… mais jamais par hasard
2- C’est un événement non désiré qui constitue un symptôme de dysfonctionnement pour le système <pilote/équipements/environnement>
3- Un dysfonctionnement est rarement mono causal : son origine est à rechercher dans les interactions entre les différents composants du système constitué par le pilote/ses équipements/l’environnement du vol.
Par exemple, j’ai apprécié que Aime-P nous rappelle tout à l’heure que notre génération avait eu beaucoup de chance de débuter sous des ailes peu performantes qui ne pardonnaient pas l’excès d’optimisme en terme de finesse ou de pénétration face au vent mais aussi développaient et restituaient peu d’énergie, énergie que la moindre manœuvre dégradait immédiatement et de façon importante, amortissant rapidement les écarts ( Cf. mon fil sur les manœuvres dissipatives… http://www.parapentiste.info/forum/techniques-de-base-du-pilotage/les-manoeuvres-dissipatives-lenergie-du-vol-ses-transformations-t46060.0.html;msg577507#msg577507 - pas eu beaucoup de succès… on essayera d’y revenir).
4- Ce dysfonctionnement peut être isolé et intervenir sans que le pilote n’ai préalablement analysé sa situation comme dangereuse ni perçu l’occurrence des événements qui vont se conjuguer pour mener à l’accident (distraction, inconscience, pilote insuffisamment instruit ou non préparé à reconnaître ces événements précurseurs du dysfonctionnement et/ou inapte à analyser et réagir à ces événements)
5- Ou bien ce dysfonctionnement peut avoir été de nombreuses fois répété préalablement à l’accident mais ignoré de temps en temps, ou systématiquement, par confusion du raisonnement, par déni et/ou par simple habitude.
A ces postulats, je vous proposerais de rajouter deux constats
6- L’accident a une dynamique, une durée et peut être aggravé tant qu’il n’y a pas arrêt complet du véhicule, conditionnement / emballage du pilote et évacuation vers un lieu sécurisé
Se tuer en dévissant en tombant de l’arbre qui vous a sauvé de l’auto-rotation, ou en voulant s’extraire seul sans assurance de la vire rocheuse où vous a posé votre parachute est malheureusement possible, comme se prendre une coulée de neige de printemps dans le couloir raide qui a amorti votre impact (pensée émue pour les gendarmes qui viennent vous récupérer à 15h00 alors que sa coule de partout…).
Gardons bien à l’esprit que se sortir d’un mauvais pas au sol peut nécessiter beaucoup plus de savoir faire et de patience que ce que nous sommes capables de démontrer en vol !
7- Soyons vigilants à nos dérives comportementales acquises dans le flot quotidien de la circulation routière et que nous voyons aux plus mauvais moments reproduis en vol !
Exemple 1 = LA COHABITATION MAUVAISE… JUSQU’À L’ABORDAGE entre un pilote A habitué d’un site et du positionnement des ascendances, « psycho-rigidement » attaché au respect des règles d’usage de cet espace et au bon exercice des priorités (au voisinage du déco, dans les ascendances ou en approche de l’atterro.), surtout quand les conditions sont « petites » et un « conn… de parapentiste (ou autre aéronef) » qui « n’avait qu’à s’écarter ! », mais surtout un pilote B comme lui mais ignorant ces règles et/ou au raisonnement altéré (stress de la découverte d’un nouveau site, fatigue du jour, préoccupations extérieures au vol, etc.). Rque : c’est un cas courant dans les accidents routiers, B est à l’origine du problème mais A répugne à y apporter une solution, aggravant le conflit.
Exemple 2 = LE CARTON d’un pilote BPC instruit d’un danger mais à la conscience statistique : « je sais bien qu’il y a un risque <c’est en réalité un danger !> mais ça passe toujours… donc le risque est minime… pourquoi alors changer mes habitudes dans cet enchainement sur ce cross que j’ai répété plusieurs fois, renoncer au rituel valorisant de ma repose dominicale au déco, devoir m’entrainer à sortir plus tôt les jambes à l’atterrissage, etc. ? ».
En cross, il est ainsi courant une fois établi en thermique de basculer le cerveau en mode « PA et focus sur l’objectif » pour se concentrer sur la position et la « respiration » du nuage matérialisant l’ascendance suivante, au détriment de la veille sur les indicateurs qui pourraient nous avertir d’une élévation du niveau de danger associé à la situation (dérive de la trajectoire vers une zone sous le vent, ou bien en thermique à « l’abri du vent » rapprochement rapide de la crête dominée par un vent météo antagoniste).
On comprend dans ces conditions que les accidents des pilotes confirmés soient moins fréquents que ceux des pilotes débutants mais généralement beaucoup plus graves, et l’on peut bien faire l’analogie avec l’accidentologie des chauffeurs routiers qui peuvent faire des centaines de milliers de kilomètres sans PV ni accident, jusqu’au jour où il arrive, avec des conséquences aggravées par l’énergie très élevée de leurs “bahuts”.
Ensuite on analysera les interactions (j’enfonce des portes ouvertes… ne m’en voulez pas) :
Pilote <-> Environnement
- comment le pilote perçoit-il son environnement ?
- qu’incluez-vous dans l’expression “sentir la masse d’air” ?
- pensez-vous ressentir les variations d’incidence (il y a un fil sur le sujet dans le fofo) ?
- qu’elles sont les caractéristiques de ses sens qui peuvent être altérées en vol et à quels moments ?
- veille-t-il en permanence sur l’évolution de son environnement ou seulement par instant ?
Équipements <-> Environnement
- pourquoi les ailes ne sont-elles pas systématiquement testées en vol sous la pluie ?
Pilote <-> Équipements
- qu’est-ce que la communication aile<->pilote ?
Etc.
Formalisons un peu s’il vous voulez bien sur ces 3 relations
Je pense que cela nous aidera à mieux réfléchir ensemble et à débattre à la fois sur des notions plus précises