Bon, nous avons tous fait ici ou là le sketch qui décharge l’adrénaline et fait pâlir les genoux, quand on a eu l’idée idiote d’aller se mettre dans un coin moisi.
Revenir au parapente après un premier accident (genou en 7 morceaux / fracture d’ostéoporose) a été pour moi une évidence, je ne pensais qu’à ça et pourtant le stress au décollage fut le plus fort quand enfin je pus voler à nouveau.
J’ai donc repris des cours pour me former et me remettre le mental d’équerre.
J’avais connu un truc comme ça après un terrible accident à l’Aiguille Verte en 1974, qui m’avait coûté seulement une phalange main droite en retenant la chute de mon compagnon de cordée. Il m’avait fallu 2 ans avant de repasser du VI en tête de cordée et surtout je ne pouvais plus m’engager dans une voie quand il y avait une cordée devant, qui fatalement allait m’envoyer des pierres sur la tronche.
Reprendre le parapente fut donc une évidence, puis ma technique s’est affinée et j’ai commencé à bien voler, avec le vol du Mont Blanc en fin de saison.
Des copains y vont la semaine prochaine et j’ai décliné leur offre de les accompagner : mon mental est dans les chaussettes.
Sur chaque vol rando du matin, je suis hyper-concentrée et tout se passe évidemment très bien, mais le Mont Blanc c’est autre chose, effort prolongé pour monter au Goûter, puis stress au sommet si je ne “sens” pas le coup. C’est con de couillemolliser comme ça !
En début de saison, 6 mois après ma fracture des deux malléoles, je n’osais pas voler. J’ai donc fait un stage de vol et ski, puis une fois les sensations revenues un “stage de reprise” en école (avec 650 vols au compteur !) pour réapprendre à atterrir correctement avec une assistance radio. Cela m’a remise sur les rails et je n’ai plus fait de cratères cette saison.
Décoller parfaitement, bien voler et bien poser en douceur, cela devrait faire remonter le moral… mais il y a eu l’accident de Sofia.
Un parapentiste jeune qui se casse se répare très vite. A mon âge, c’est moins simple et même avec une santé parfaite et un tonus d’enfer je me sens maintenant très fragile. Ce n’est pas une question de technique - je vole bien - mais de mental. Ce n’est pas une question de voile, ma bonne vieille Artik et ma petite Ultralite sont parfaites et je suis très bien dessous. C’est surtout une question de confiance.
J’ai confiance dans mon matériel, dans ma technique, je sais évaluer l’aérologie et la météo, mais je me sens fragile, fragile…
Cela ira mieux après un hiver sans voler et quelques journées de ski.
A mon avis, reprendre une activité sportive après un accident est tout à fait sain. Il faut comprendre ce qui s’est passé et les erreurs qu’on a commises, c’est comme une auto-psychanalyse dans laquelle il faut être sans complaisance.
Quand je grimpais et que je marquais un but, j’y retournais toujours avec ce leit-motiv : “il faut que cela passe ou que cela dise pourquoi”. J’ai “lavé” presque tous mes buts.
Je ne sais pas s’il y a des remèdes.
J’ai voulu cette année me soigner au SIV, j’ai repris confiance, j’ai fait des tas de décros féroces, des manips subtiles, et puis bing !
Essai non transformé.
Je vais essayer un autre traitement : un cross en biplace. “Mon” pilote me l’a proposé, c’est peut-être comme ça que je retrouverai du jus. En attendant, je me soigne aux vols rando du matin, aux ploufs peinards et contemplatifs, aux vols du soir, et tant pis si mon temps de vol de 2012 est minable.
Quand une équipe de rugby se faut promener, elle se bat, même en position de faiblesse. C’est une question de combativité.
C’est peut-être aussi comme ça qu’on accède à la sagesse, quand les orages de la passion s’éloignent dans le passé et qu’on trouve une sérénité qui faisait défaut du temps de notre jeunesse folle.
Ma petite Ultralite a fait 23ème aujourd’hui sur la Red Bull Elements. Bob l’a trouvée parfaite pour ce type de course, il était content et je suis contente de la lui avoir prêtée. Demain matin, je remonte avec au col des Frêtes, comme chaque matin quand la météo le permet.
Bons vols à tous*