le bonheur au travail

:pouce:
L’élément clé de sa présentation, c’est le fait que les employés de sa boîte ont conscience de la vision de l’entreprise. Quand tu arrives à faire adhérer tout le monde dans une équipe à une vision commune, et que le fonctionnement de l’équipe est transparent, le management devient presque inutile. Chacun se met à chercher le prochain point faible à améliorer, et prend l’initiative de le faire lui même.
Le manager devient juste un espèce d’assistant, qui doit s’assurer que tout le monde a accès aux ressources et outils dont il a besoin.

Sur ce point là, ça rejoint un peu le discours de Rick Falkvinge, dans son livre Swarmwise : https://amzn.to/2W2yzqx
Il a monté le parti pirate suédois avec quasiment aucun moyen, en se basant sur ce type de principe. Les gens s’organisent comme ils veulent. Si 3 personnes pensent qu’une initiative est une bonne idée, ils ont l’interdiction de demander la permission à qui que ce soit de la mettre en pratique. Ils doivent prendre l’initiative de le faire, et ils ont le droit de le faire au nom du collectif (parti, entreprise…).

La difficulté, c’est comment monter une boite sur une vision partagée. Si tu innoves avec un produit qui doit sauver le monde, guérir le cancer… c’est plutôt facile. Si ta vision c’est juste maximiser le profit des actionnaires, t’as intérêt à bien associer les employés aux profits (transparence, primes corrélées aux résultats…).

Après quelques “petits boulots” plus ou moins bien payés, notamment quand je travaillais aux Arcs lors de la construction de la station, j’ai eu un poste de prof à la rentrée 1972.
Au début, ce fut un vrai bonheur, avec des enfants adorables et bien élevés, des parents sympas et une administration qui me foutait la paix.
Avec le temps, cela se dégrada peu à peu : les enfants n’étaient plus les mêmes, ils n’étaient plus correctement socialisés et certains étaient carrément de futurs gangsters, mais je faisais avec et le boulot restait sympa…
Cela changea brutalement à la rentrée 1992 quand l’équipe de direction partit en retraite, ceux qui lui succédèrent s’avérèrent rapidement (je les connaissais déjà) complètement incompétents, et ce fut le bordel.
Je partais de chez moi à reculons et je quittais le bahut en cavalant, assurer dans des conditions aussi moisies un service public de qualité me bouffait complètement mais je n’ai jamais cédé et jamais séché une seule heure de cours.
Le Service Public, c’est aussi ça.
Avec le temps et l’usure, je finis par demander une mutation pour Paris intra-muros, après avoir passé 18ans dans le même bahut “ZEP / sensible” et je retrouvai le bonheur de travailler correctement avec un public agréable, bien que dans un des deux lycées les plus “difficiles” de Paris, ceux dans lesquels il y avait toujours 100% de grévistes quand il fallait dire NON.
On me mit au placard à la rentrée 2004 d’une façon tout à fait illégale et discriminatoire mais cela me protégea de quantités de tracas pendant les 4 années qui me séparaient de la retraite.
Avec le recul, la DRH du rectorat eut raison de me mettre au placard, officiellement “en mission”.

Paradoxalement, mes souvenirs les plus forts furent liés au conflit ouvert avec ma direction dans les années 1992-97. Après une phase conciliatrice - ce n’était pas trop dans mon caractère, je pris le dessus en exploitant les fautes de l’adversaire et en le poussant à commettre d’autres fautes, la plus grave fut de me faire convoquer par le Recteur en personne… que je mis sans mal dans ma poche parce que je n’avais jamais commis la moindre erreur qui pût m’être reprochée.
Quelle rigolade avec le Recteur ! Dialogue :

  • Bon, on ne vous mutera pas. En quels termes êtes-vous avec votre direction ?
  • Exécrables.
  • Je l’avais compris. Vous pouvez préciser ?
  • Quand son incompétence - que vous connaissez - s’est heurtée à mon sens du Service Public (que vous avez sans doute senti) cela a fait des étincelles et elle a mis le pavillon rouge au mât d’artimon.
  • Ce qui signifie ?
  • Au temps de la flibuste, cela signifiait “combat à mort, pas de prisonniers”.
    Là il se marra, j’avais gagné. Nous bavardâmes ensuite de choses et d’autres, très loin d’une relation hiérarchique que ma direction imaginait pour me châtier de lui tenir tête.

Je me suis aussi bagarrée plusieurs fois avec des inspecteurs qui m’emmerdaient, c’était mauvais pour mon avancement mais je m’en foutais. D’autres inspecteurs furent enthousiasmés par mon travail, c’était sympa mais je m’en foutais aussi : je ne bossais pas comme ça spécialement pour eux mais pour mes élèves.
Je n’ai JAMAIS adhéré à un syndicat ni à un parti politique. Brassens chantait “bande à part sacrebleu c’est ma règle et j’y tiens”.
Cela aurait sans doute été différent dans une entreprise face à des “petits chefs” cons et sournois.

Aucun inspecteur ne put jamais me prendre en défaut ni me faire flipper : j’avais fait mes armes à l’armée face à des officiers qui pouvaient me causer pas mal d’ennuis mais j’avais toujours su ne pas courber la tête. Après tout ces mecs-là, avec tous leurs galons, se grattaient les couilles le matin en allant pisser, ils chiaient comme tout le monde, leurs bonnes femmes les engueulaient, il n’y avait aucune raison de flipper devant eux.
Ce fut ainsi dès mon incorporation, dans le bureau du pitaine :

  • Vous avez 25ans, je vous affecte au PEG (peloton d’élèves gradés)
  • NON, refus catégorique.
  • Quoi ? (étonné qu’un bleu ose le contrarier)
  • Simple, mon capitaine. J’ai refusé de faire les EOR (écoles d’officiers de réserve) et de finir sous-lieutenant, ce n’est pas pour finir caporal. Je n’ai jamais été capable d’obéir à un ordre et ma mère me tapait dessus, au lycée je passais mes samedis en colle, à l’armée on me mettra au trou. Ne sachant pas obéir, je serais incapable de commander.
  • Oui, évidemment… vous avez un souhait ?
  • Les éclaireurs, si possible, le reste ne m’intéresse pas.
  • Vous avez des dispositions ?
  • Retournez-vous mon capitaine : vous voyez cette magnifique photo des Grandes Jorasses derrière vous, et le puissant éperon qui descend du sommet… je l’ai fait l’été dernier, dans la journée. A part ça, je skie à un très bon niveau en toutes neiges, je suis increvable et je me présenterai à l’ENSA en revenant à la vie civile.

C’était un mec intelligent, je lui avais parlé franchement comme à un mec intelligent et il m’affecta à la section d’éclaireurs.
Plus tard, encore bleu, je fis connaissance avec l’adjoint du chef de corps (dans sa jeep, en tant que radio-bataillon). C’est long en convoi de Grenoble à Canjuers par la route Napoléon, et entre deux messages radio nous avions discuté de tas de choses, le bonhomme était cultivé et nous avions vraiment sympathisé.
Cela me fut très utile plus tard, quand je passai devant lui pour prendre du trou : non seulement j’eus le minimum mais il me muta dans ma compagnie d’origine, qu’on m’avait fait quitter pour des raisons disciplinaires. Au-delà des paroles réglementaires, l’échange de regards avait été essentiel.

Ce que je pus faire à l’armée, parce que je ne risquais rien, ou face à la direction de mon bahut parce que j’étais intouchable, aurait été beaucoup plus difficile voire impossible dans une entreprise privée. Si je n’avais pas obtenu un poste de prof à la rentrées 1972, je serais partie au Canada pour travailler sur les chantiers de la baie James, très avantagée par mon endurance au froid… et au lieu de grimper dans les Alpes j’aurais grimpé dans les Rocheuses.
Et je n’emmerderais pas les gens qui ne savent pas écrire en leur infligeant ma prose.
:trinq: et :bisous: mon Pierrot

Disons que dans une entreprise privée la réponse aurait était incertaine. Dans certaines entreprises privées, la prise d’initiative, le fait d’être combatif… reste bien vu. Ce sont généralement des petites boîtes, ou alors il faut limiter la bagarre à un ou deux échelons hiérarchiques, avec les chefs que tu connais en personne et que tu vois une ou deux fois par semaine. J’ai vu des engueulades ouvertes, chroniques et très virulentes, dans mon ancienne équipe. Mais le chef, après s’être calmé, comprenait très bien que l’emmerdeur restait un membre productif et impliqué de l’équipe, et donc ça ne donnait pas lieu à sanctions. Il préférait les emmerdeurs impliqués que les employés complètement démotivés.

Dans les très grosses boîtes, ça fonctionne beaucoup plus comme l’administration (faut pas emmerder la chaîne de commande, mieux vaut la médiocrité que de causer du travail supplémentaire à tes chefs…). Mais effectivement, sans la sécurité de l’emploi.

Hahaha,
merci Pirk, ça me rappelle une bonne anecdote dans une ancienne boite.
J’avais un supérieur hiérarchique de mon âge qui voulait toujours regarder par dessus mon épaule ce que je faisais alors qu’il n’y captait que dalle.
Un coup mon sang n’a fait qu’un tour, un coup de poing sur la table, je me suis levé et je lui ai dit “maintenant tu dégages ou je te fais valser par la fenêtre”.

Quelques heures plus tard il a passé la tête par la porte pour venir m’apporter un petit chocolat ROTFL ROTFL