Quels mois d’avril et de mai ! Cross de 81 kms dans les Alpes du nord, cross de 40 kms en Normandie et là…je franchis la barre symbolique des 100 kms… en plaine : 107 plus exactement
alors que je n’y attendais pas du tout, enfin, je n’avais pas l’intention de faire quelque distance que ce soit aujourd’hui. C’est arrivé… comme ça. Sans pression, sans objectif numérique.
http://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/2016/vol/20215023
Tant que c’est encore frais, il faut que je vous le raconte ce vol. Avant que j’oublie. Tranche de vie et… de lecture
(copie Facebook)
Ce dimanche matin, je me réveille vers 10h30 ayant mal dormi (disons réveillé vers 6h…). La balise annonce du 6/10 km/h plein est. Optivolienne Orange me confirme que c’est bon. Elle et ses potes du Havre avec qui j’ai bu une bière samedi soir ont passé la nuit au déco. Je ne me presse pas sachant qu’à Bar sur Aube, les thermiques solides sont comme moi assez tardifs mdr. Aucun empressement, Quand je prends la route de Bar sur Aube, il est déjà midi 30… Bref… ce n’est pas l’horaire de compétition… Sur la route de Spoy, je vois une voile blanche filer et en arrivant au déco, je vois un paquet de voiles enrouler sous un nuage. Je reconnais la Cure de Optivolienne Orange, l’IP7 jaune de Julien et puis d’autres voiles qui enroulent. Les Havrais sont affamés. Moi aussi, du coup, j’en profite pour manger du jambon sec et du pain. Pas de sucré, pas de barre de céréale…Les pots locaux se préparent, Jean-Michel, Stéphane, Patrice, tous les bons crosseurs de plaine. Je continue à lambiner… et parle à Claudia Triché de mes découvertes techniques des 3 jours passés au Puy de Dôme. Bon il faudrait peut-être que je me prépare. Tout le monde que je connais est en l’air et c’est fichu pour essayer de les suivre, eux qui savent si bien voler en plaine. J’en suis encore quitte pour aller faire le touriste et poser dans 15 kms ou 20 kms, mon record de plaine. Je suis tellement persuadé que partir seul, je vais poser tôt que je ne mets pas la Gopro sur le casque (j’ai déjà des dizaines de vidéos de Bar et ses environs !!) et je ne me mets pas XCTrack en marche (logiciel de cross pour objets volants lol). Je décolle aidé par Sophie qui tient la voile avec l’enthousiasme d’un touriste du dimanche qui va prendre du plaisir. Et puis c’est tout. L’Artik 3 bleue de Hughes qui zérotait avec moi va se poser et j’ai du mal à sortir des arbres ! Je ne vais même pas voir le déco d’en haut…Pendant ce temps j’entends les pilotes locaux annoncer 1500 m de plaf… je plonge vers l’atterro. Et suis prêt dans ma tête à aller poser, chouette il y a plein de voitures en bas, je n’aurais pas à attendre
Et là le premier petit miracle de Dame Nature, je sens un timide bruit sortir du vario, mais il persiste. Je commence à enrouler.
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Une M6 au-dessus de moi, celle de Chantal ou de Jean-Yves, je ne sais pas, tourne aussi dans le même thermique et on remonte… Au-dessus des arbres, du déco. La deuxième M6 du couple se joint à nous et je me dis, “tiens à 3 on va s’aider, finalement je ne serai pas seul pour trouver les ascendances.” On cherche au-dessus du déco, on tourne et on retourne. On est tous les 3 (plus une 4° voile que je ne connais pas) en mode “recherche” mais plus en mode “survie”, c’est déjà ça. Je regarde le GPS et la manche en bas, faut aller vers le sud du déco, ça doit partir de là. A cet instant, je sens un thermique plus consistant et là ça commence à grimper, les deux M6 qui sont allées chercher plus avant sont plus bas et me rejoignent dans le thermique mais ne remontent pas. Je continue patiemment à enrouler le thermique jusqu’à son épuisement en tenant compte de sa dérive. Mais le vent est faible et je suis toujours au-dessus du large déco côté sud. Je vois des nuages, je file dessous. Dans ma tête, je me dis “va jusqu’au bout, ne regrette rien”. Au fur et à mesure que le temps passe, l’altitude grimpe, je franchis les 1500 annoncés mais ça monte encore. Merci les nuages, je reste sous eux; je suis définitivement seul dans l’espace. les deux M6 sont de l’autre côté plus bas et la 4° voile est revenue dans le bocal. Jean-Michel m’avait conseillé il y a quelques semaines de choisir le bon thermique. Là c’est le thermique qui m’a choisi !!
Je suis aux alentours de 1800 et j’ai un peu dérivé vers le sud-ouest. Là que faire ? Combien de fois, je me suis trouvé le coeur palpitant avec autant de gaz sous les pieds et aller dans quelle direction ? Dans les Alpes, c’est facile, il y a des sommets, des crêtes, des massifs, des vallées. Là rien, que du grand vide ! Mais le coeur ne bat pas la chamade, j’ai pris soin de bien respirer pendant la montée en altitude. Je distingue mes amis les nuages et une rue de nuages. Hop, direction là-bas. Et me voici parti à l’aventure. Bien boire à petites gorgées, bien centrer les thermiques qui se présentent, regarder d’où peut venir le thermique, aller au vent et côté soleil des nuages, chercher, fureter. J’ai pensé au conseil de Nicolas Rovira : il n’y a rien de magique, il y a des sources de déclenchement, à moi de les chercher. En fait, j’ai cherché à faire le lien entre les nuages, ce qu’il y avait au sol (contraste de couleurs claires et foncées, villages, forêts et champs…) et ce que ça donnait en haut. Et c’est le haut qui m’a le plus aidé en regardant les bords du nuages. Soit je fonçais sous une base grise, soit je me mettais en bord de nuage là où c’est diaphane et je faisais quelques 360 et ça a marché ! La dérive n’était pas important (1à-15 km/h à 1800 m tout au plus et des fois je sortais du thermique, donc je revenais au point de départ. Difficile de déterminer le sens du vent car il changeait de direction entre 1200 et 1800 et plusieurs fois; alors ma stratégie a été de rester le plus longtemps possible en l’air, de prendre tout ce qui était consistant après un tour et de suivre les rues de nuages quand elles existaient. Des fois, il n’y avait plus rien, alors, je partais vent dans le dos à 50 km/h pour chercher des nuages, des barbules en formation.
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J’ai entendu des pilotes locaux raconter leur vie à la radio (pour la récup…) et poser, un à Vendoeuvre, un au lac de Lusigny, un vers Troyes, un vers Bar sur Seine, bref partout sauf là où j’allais. J’allais où d’ailleurs ? je savais qu’il fallait éviter le lac car apparemment cela ne donnait pas et je ne voulais pas le traverser en tombant dedans faute de thermique. Mais je ne savais fichtrement rien de où j’allais aller ! Je me suis rappelé du conseil de l’immense crosseur, Martin Morlet recordman de France avec 411 kms “si tu veux aller loin oublie la récup, les routes, les villes, suis les nuages, les thermiques et le vent”. C’est ce que j’ai décidé de faire, tant pis si ce sera à perpét les oies. J’étais là pour aller le plus loin possible désormais et à chaque dizaine de kms, je battais mon record : 20, 30, 40 kms; en vue de Troyes, oups, je vais éviter, même si attrayant de prendre des photos. Je fonçais droit sur la centrale de Nogent sur Seine dont je voyais les cheminées mais là me suis dit “si tu veux valider le vol, évite même si tu es loin, car tu ne sais pas à quelle distance c’est interdit” donc pas de Savières pour aller faire coucou à Nicolas, un pote du club. Petit quart de tour gauche, ça tombe bien une belle rue de nuages sous laquelle je fonce. A partir de cet instant, tout fut plus facile, je ne sais pas pourquoi, c’est devenu plus analytique et moins "je gamberge sur où comment. Et là j’ai compris que sans relief, je pouvais me fier à des nuages comme si c’était du relief, celui que j’aime tant. Donc tout ce que j’avais appris la semaine précédente au Puy de Dôme, ce que j’avais lu et entendu se mettait petit à petit en place. Je faisais le conservateur, le fonctionnaire et pas le risque tout. Les kms et les heures défilaient, je ne savais plus vraiment où j’étais. Mais j’allais quelque part… Je voyais la centrale de Nogent sur Seine s’éloigner dans mon dos. J’ai eu deux beaux froissements d’aile rétablis plus ou moins seuls, dont le début d’une frontale me semble-t-il. mais cela ne m’a pas plus ému que ça. La sortie d’un thermique sans doute ou un cisaillement, bref, fallait pas que je m’endorme même si tout s’automatisait.
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Boire, respirer, ne pas se la couler douce mais resté prêt à agir…Même enrouler à droite pour varier (et en fait l’aile tirait vers la droite…). J’ai eu des moments de “restitution” où ça montait sur de larges zones, le pied ! Avec l’heure qui avançait je sentais les thermiques plus faibles, mais j’aime bien me battre dans du 0.2 ou 0.3, optimiser le tout et c’est à partir de 90 kms, que je me suis dit "oui maintenant je peux y penser aux fameux 100 kms de Jean Paul, un pote du club); avant je m’engueulais “arrête de penser à ça ce n’est pas un but, pense à ce que tu dois faire pour rester en l’air et haut, tu auras le temps de compter…”
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Les nuages se sont disloqués et la lente descente a commencé. Mode survie pour tourner dans du tout petit, retarder l’échéance. A fur et à mesure que l’altitude baissait, je regardais le GPS et mon coeur a souri quand j’ai vu 100,1 kms. Il me restait 600 m de gaz donc tout faire pour allonger le vol. Si j’avais eu la M6 cela aurait été plus facile mais bon, j’aurais peut-être vraqué avant…non j’étais serein mis à part ces deux fois où j’ai entendu du bruit et j’étais content d’être avec l’Artik 4. Quand j’ai senti que j’allais poser, j’ai choisi la grande route la plus proche, le champ non cultivé le plus proche de la route pour avoir le moins à marcher.
Voilà l’histoire d’un piou-piou du cross de plaine qui à force de travail et de persévérance a compris quelques trucs pour finalement faire sauter des verrous mentaux et psychologiques (le gaz sous les pieds), des verrous techniques (enrouler avec vent de cul quand dans les Alpes on n’a pas autant de vitesse sauf en transition. J’aurais fait 50 kms, j’aurais été aussi content je pense pour les progrès accomplis seul.
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Mais comme j’avais dit aux recordmen Nicolas et Alexandre il y a deux semaines “fini de jouer mdr” 107 kms et 5h15 à jamais gravés mais le résultat de 3 ans et demis de vol et de passion. Montagne, plaine, bord de me, j’ai été gâté ces mois d’avril et mai. Que représentent 100 kms ? une étape. J’ai validé certaines choses, à moi e continuer à progresser, car tout commence, tout recommence, tout continue. J’espère avoir le même plaisir à ploufer si je fais une erreur qu’à faire des kms. Le plus dur ? rentrer chez soi…retrouver sa voiture (merci encore Steph Soph Monti). 3h35… mais ce n’est que le début ! il n’y a plus de limites au plaisir
merci mon Ange gardien et Mère Nature ! 
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