LE DEBOUTONNAGE (pull-through)
Ce terme désigne un mode de décohésion d’un assemblage qui est caractyérisé par le fait que la rupture d’un élément de liaison surcharge le voisin qui céde à son tour… et ainsi de suite jusqu’à la dislocation complète (il n’y a arrêt de ce phénomène que si l’effort à l’origine de la première rupture disparait)
Une suspente -et dans une moindre mesure un tissé non symétrique, ce qui est le cas des tissés comportant une chaine (sens des fibres les plus résistantes, que l’on dispose localement dans le sens des contraintes principales) et une trame (qui maintient la position relative des fils de chaine entre eux)- est un composite
Ce composite est un câble -gainé ou pas- associant un grand nombres de fibres qui peuvent être ou non de même nature
Les seules fibres travaillantes dans ce câble sont situées dans l’âme (ce sont les fibres soutenues et protégés par la gaine), âme qui est mise à nu dans le cas du dégainé (pour gagner des pouièmes de masse, de perfo et plus de résistance à masse égale au détriment de beaucoup de choses… mais c’est un autre débat)
Toutes les fibres de l’âme ne travaillent pas forcément - cela dépend de la qualité de la confection de cette âme et surtout de la confection de ses boucles d’extrémité qui va mobiliser plus ou moins des fibres de l’âme qui va définir sa résistance (résistance qui est au mieux voisine de la résistance du câble non équipé de ces boucles (cas du dégainé-épissuré), et en général sensiblement inférieure (cas des boucles gainées cousues)
Il faut aussi comprendre qu’il est très difficile au moment de la confection de positionner toutes les fibres de l’âme de la même façon : certaines sont plus courtes que d’autres
Cela n’est pas critique dans la mesure où les plus courtes ont une élasticité suffisantes pour s’étirer un peu jusqu’à atteindre la longueur des plus longues (les flemmardes qui attendaient qu’on les réveillent) - à partir de là, les fibres vont travailler comme une seule, tout en permettant à l’ensemble de rester flexible
Génial !
A ceci près qu’il ne faut pas oublier que les fibres les plus courtes sont plus sollicitées… et qu’à chaque mise en tension (je ne vous parle même pas d’un infinity…) ce sont toujours les mêmes qui vont prendre tout dans les dents juste avant que les flemmardes ne viennent à la rescousse !
Forcément, à ce rythme, que croyez-vous qui va se passer ?
Les plus courtes vont vieillir, imperceptiblement au début, par des rides, des micro-fracturations internes, des blessures invisibles même sur des essais de rupture /!\ car il n’y a pas encore dé-cohésion
Puis, brutalement (j’insiste pour ceux qui n’ont pas encore compris), ces fibres vont lâcher, de plus en plus vite
C’est ainsi que l’on observe trois phases dans la vie d’une suspente :
1- premier âge : il n’y que les plus “vaillantes” qui casquent jusqu’à ce que les fibres se soient “éduqués” à travailler ensemble (par la rupture des fibres trop courtes pour s’accommoder, puis de petits glissements, des repositionnements infimes mais suffisants pour rééquilibrer les tensions à l’intérieur de l’âme des fibres restantes) => cela se traduit par un baisse de la résistance de la suspente durant ses premières mises en tension
2- âge mur : la suspente travaille à sa valeur nominale (inférieure à sa résistance initiale, rappelons-le)
3- la vieillesse : les vaillantes, ridées, fissurées de part en part, lâchent le morceau => la résistance mécanique de la suspente va chuter à charge surcharge, cassant de plus en plus de fibres… jusqu’à la rupture… imprévisible
Bref, retenez
que quand un fabricant préconise un durée de vie pour un suspentage, ce n’est pas pour vendre du “spare”,
que nos suspentes :
-
ont un potentiel et que celui-ci ne saurait être considéré comme infini
-
que ce potentiel peut-être rapidement altéré par des chocs répétés car vous savez maintenant que ce sont toujours les mêmes “vaillantes” qui vont “éponger” pour vos maladresses… vos pipis sur le tapis… jusqu’à ce qu’elle rendent leur tablier… et alors… basta !
Pour nos tissus, c’est un peu plus complexe car de complexes stratégies de confection (insertion en 3D de fils renforcés) peuvent contenir la propagation des amorces de ruptures (effet rip stop) mais si la contrainte appliquée a été suffisamment forte pour amorcer le processus et si elle ne s’efface pas tout de suite, alors -rip stop ou pas- rien n’arrêtera la déchirure tant qu’il restera quelque chose à déchirer… ce qui généralement le cas en parapente quand cela part ‘en cacahouète’ et dégringole du ciel de plus en plus vite, induisant des efforts de plus en plus élevés sur la structure, ou qu’un ancrage de suspente commence à péter, surchargeant le voisin !