Au sol, mes commandes sont raccrochées et je pilote avec les drisses de freins, chacune tenue par un doigt. Cela permet de prendre les A à toute vitesse quand la voile descend, pour éviter de la poser, cela évite aussi des frottements entre les drisses et les élévateurs, tout étant croisé, frottements pas vraiment optimaux quand c’est de la tresse Dyneema.
Aucun problème pour me retourner, de face à dos voile, ou le contraire.
Cette façon de faire est très ludique.
J’ai déjà piloté en l’air avec les drisses en mains quand une poignée s’était coincée dans les élévateurs (mauvaise prévol) et cela n’a posé aucun problème.
Je pense qu’on s’adapte très vite à un pilotage exotique d’un engin habituel.
[i]Quand je m’étais cassé la malléole gauche, en 77, j’allais quand même travailler en moto avec les béquilles attachées sur le porte-bagages. Je montais les vitesses avec une cordelette tenue main gauche, le mouvement était celui des anciennes boîtes de vitesses à commande manuelle. Je les rentrais au talon. Aucun mérite, Santiago Herrero avait un jour fait comme ça en GP dans la course des 250 (qu’il avait gagnée) avec un plâtre, après une fracture sur chute dans la course des 350.
Un jour, je vous raconterai comment j’ai ramené ma voiture chez moi avec la jambe gauche appareillée et l’interdiction de poser le pied au sol. Il suffit d’avoir de l’imagination et cela fait très bien.
En 2010, j’étais rentrée à Paris avec le bras gauche plâtré et douloureux, en conduisant mon C15. Aucun souci, on conduit très bien d’une main et avec les genoux. Il fallait seulement éviter les gendarmes.
J’ai aussi conduit de Paris à Bâle et retour avec un bricolage sur ma pédale d’embrayage pour pouvoir débrayer au talon, ou à la main après avoir mis des talons-aiguilles pour la soirée. C’était rigolo.
J’ai aussi cassé une fois un de mes VR17, mais un copain avait cassé un Straver et loué des skis, j’ai donc fini mon séjour avec mon VR17 pied gauche et son Straver 28 pied droit. C’est curieux d’avoir aux pieds des skis différents, de longueurs différentes et de raideurs différentes, mais cela fait une fois qu’on s’est adapté.[/i]
Un jour j’avais décollé avec l’Awak 18 (un avion de chasse) en sellette string, en ayant oublié de reboucler la cuissarde droite. Impossible de le faire en l’air, j’avais volé complètement déhanchée dans la patelette gauche pour contrer une menace d’auto-rotation violente qui montrait les dents, avec un appui très fort du coude gauche contre les élévateurs pour ne pas “tomber dans le trou”. Sans secours, je n’aurais eu aucune chance en cas de sketch.
La voile avait une forme bizarre, avec une moitié gauche chargée et une moitié droite flottante, mais elle volait à peu près droit et le pilotage ne fut pas trop difficile… mais l’atterrissage promettait d’être périlleux. Et puis je m’étais posée à peu près proprement.
Je considère donc qu’on peut s’adapter très vite et avec une bonne efficacité à toute perturbation dans le comportement d’une voile et dans les commandes. C’est ce que nous faisons tous en cas de vrac pour remettre la voile en vol et ne pas aller se mettre au tas, et nous le faisons à une vitesse et avec une précision que seule Dame Adrénaline peut nous permettre.
Il serait en effet peu efficace de crier “maman !” ou d’invoquer tel ou tel saint.
Quand on a en plus la possibilité de s’entraîner au sol pour mettre au point une technique exotique, c’est le pied.
