Bonjour à tous!
Je n’ai pas l’habitude de prendre la parole sur le forum. Mais là je trouvais intéressant de le faire.
Je vous écris de Suisse, pays soi-disant de la démocratie directe. Et je voudrais juste intervenir sur ce Référendum d’Initiative Citoyenne RIC, qui semble enthousiasmer beaucoup de citoyens français. Ca semble être une revendication majeure des “gilets jaunes”. Et vu de l’étranger, de Suisse en particulier, cette revendication semble être une solution miracle, la panacée: les politiques fabriquent des lois (exécutif) et les valident (parlement) et le peuple devrait avoir le pouvoir ou la faculté de les détricoter, c’est ce qui est revendiqué, à ce que j’ai cru comprendre. Ce serait trop facile! Croyez-vous vraiment que ça va se passer comme ça? Croyez-vous que les politiques vont accepter de se laisser déstabiliser par “le peuple”? Ce serait trop facile… de croire qu’avec un RIC on pourrait contrer le laborieux travail des législateurs. Et puis admettons que cela soit ainsi, croyez-vous que les institutions de la république française soient compatibles avec cette manière de voir les choses et cette manière de fonctionner?
Je vous fais par de ma petite expérience de 30 ans de vie en Suisse et de de 10 ans de statut bi-national. Oui il existe une démocratie directe en Suisse; oui on vote sur plein de sujets de société, à caractère politique, économique et sociétal: santé, culture, relation bilatérale avec l’Europe. Et en février nous nous exprimerons sur le confit entre la préservation des paysages et la pression immobilière/la nécessité de créer du logement. C’est une question exigeante et complexe. Et la réponse que nous allons glisser dans l’urne est un véritable cas de conscience. Comme quoi il faut être prêt à assumer, la démocratie directe est une démarche exigeante. Premier point.
Mais ce qu’il faut aussi savoir, deuxième point, c’est que ce mode d’expression démocratique et populaire, sous forme d’initiative ou de référendum, est très encadré. Très encadré! Il y a des régles très strictes à respecter. Pour qu’il y ait vote populaire, les initiants doivent suivre tout un processus administrativo-politique. En particulier ils doivent récolter un minimum de signatures, concernant un sujet très précis et formulé de manière très claire. Les signatures sont toutes vérifiées, elles doivent provenir de gens inscrits sur des listes électorales. Ensuite une initiative est validée par vote populaire à la double majorité: majorité des votants et majorité des cantons. En Suisse des initiatives peuvent être rejetées simplement parce qu’une majorité de cantons les ont rejetées alors qu’elles ont recueilli une majorité de votants tout canton confondu.
Alors je vous pose simplement la question: comment cela pourrait-il se passer en France? Imaginez que les politiques, se sentant menacés par le RIC, instaurent un système semblable à ce qu’il est en Suisse? C’est tout à fait possible, un tel système existe déjà dans l’union européenne, (cf le vote sur la constitution européenne, si je ne me trompe). Les choses pourraient être organisées et strictement réglementées, on pourrait avoir un système fonctionnant ainsi: Mise en place d’un comité d’initiative, énoncé d’un projet d’initiative, lancement d’une campagne de recueil de signature, validation ou invalidation du projet d’initiative par une administration en charge de cette nouvelle expression démocratique, campagne de promotion et de défense de l’initiative, débats politiques et enfin passage aux urnes, résultat du référendum selon les régles de la majorité simple mais peut-être éventuellement d’une double majorité. Voilà en gros le schéma “très schématique” de ce processus démocratique. Autant dire que sous cette forme il représenterait une véritable révolution institutionnelle. Qui nécessiterait bien évidemment une modification profonde de la constitution. Qui alors se lancerait dans une telle remise en question des institutions? Croyez-vous cela possible?
Bien sûr il existe déjà la formule du référendum dans la constitution. Mais croyez-vous qu’il va s’appliquer à n’importe quelle question sociétale, telle que l’abolition de la loi sur la nouvelle taxe sur les carburants. J’en doute. Les référendums par le passé concernaient, sauf erreur de ma part, des modifications de la constitution. Je ne crois pas avoir déjà constaté de référendums lancés sur des questions sociétales.
Je vous laisse y réfléchir.
Et bon débat!
En attendant de vous retrouver en pleine forme sur des sites de vol
Jorge