Le 10 août, je bouclerai ma troisième année de vols. Et j’avais envie de revenir sur quelques points - avec le recul car je rencontre beaucoup de jeunes pilotes et de débutants. On me demande souvent ce que c’est qu’être autonome, et à partir de combien de vols on est autonome. En fait il y a tellement de réponses et ces presque 3 années m’ont fait passer par tellement de stades : joie, euphorie, plaisir, tristesse, douleur, excitation, combativité, désespoir, peur, angoisse… Etre autonome ne veut rien dire. On peut être autonome au décollage, à l’atterrissage, sur un site connu, inconnu, de bord de mer, en montagne, en conditions de vent nulles, laminaires, thermiques… entre 9h et 18h (voire minuit :lol: ), dans le nord de la France en hiver ou dans le sud de la France au printemps. Autonome pour un vol en local ou en cross. Puis il y a l’autonomie technique, mentale, seul ou à plusieurs. Bref autant de variables qui font que l’on n’est jamais “autonome” juste une dose d’expérience grandissante qui va faire que l’on va anticiper, prévoir, ne pas se mettre en danger, par inexpérience ignorance, par défi.
On passe par tellement d’étapes techniques, mentales, psychologiques, aérologiques dans le parapente qu’on devient plus humble face à la nature, face à soi-même. Il m’arrive de penser à mes mésaventures avec un sourire car je ne crois pas qu’aujourd’hui je retenterai certaines choses, en tout cas que je ne referai pas les mêmes erreurs. Il m’arrive de penser à certaines idées reçues que j’avais eues (comparaison avec la moto) que j’en souris et m’excuse avec le recul de mes réponses parfois péremptoires dues à mon mental pas encore entamé par des expériences négatives.
Il m’a fallu passer par elles pour devenir le parapentiste que je suis, un honnête passionné toujours avide de vols mais plus raisonné (je n’ai pas dit raisonnable). Il m’arrive toujours de me trouver dans des situations un peu olé olé (pas plus tard que ce mois-ci, suite à un raccrochage raté aux Aravis, devoir atterrir en plein mois de juillet dans la brise de la vallée Magland / Sallanches reculé malgré full barreau 3 km/h soit une brise d’environ 40 km/h et devoir atterrir dans un beau pré mais sous le vent de petits immeubles sinon c’était les voitures du parking de Carrefour mais sans panique - grâce à l’expérience - on gère. Oui le parapente pardonne mais faut pas trop abuser de ses erreurs.
Heureusement avec l’autonomie et l’expérience grandissantes, il m’arrive de plus en plus de pouvoir renoncer à un vol, de quitter un lieu malsain, au lieu de tenter de me battre sous le vent avec une force bien plus implacable que sa propre petite volonté et même d’anticiper un vent forcissant, des conditions devenues malsaines ou limites pour son niveau / mental du jour même si d’autres pilotes restent encore en l’air.
Le parapente a ceci d’excitant qu’il procure des sentiments si vastes, mais au final, cela fait du bien de se retrouver au bar à refaire un vol. Fi de la CFD, des records, des +8 sur le vario etc… oui au plaisir. Toujours faut-il savoir où on trouve son plaisir. Cela peut-être partout, en thermique, en soaring, en vol de proximité, en cross, en acro etc…
Quand à Samoëns, je vois les piou-pious de Laurent, Erwan ou de Patrick décoller sous leurs conseils avisés, je ne sais s’ils soupçonnent à quel point voler est une activité fabuleuse, à l’apparente facilité (il suffit d’entendre les commentaires des spectateurs), une activité prometteuse d’aventures humaines, techniques, aérologiques incroyables. Je ne décelais pas cette richesse, cette complexité. Et je n’en suis qu’à mes débuts balbutiants !
Pour en revenir à l’autonomie, elle est longue à acquérir (l’acquiert-on vraiment un jour ?) sauf pour les personnes qui sont déjà sages de nature ou peu téméraires de caractère. Mais ensuite les horizons s’ouvrent, le matériel change et il faut se remettre en question, ses certitudes et repartir parfois de zéro. Surtout si le mental ne suit plus, si les soucis s’accumulent ou si on perd le simple plaisir de voler.
J’avais envie d’écrire cela ce soir non pas parce qu’il pleut à verse dans les Alpes du Nord (quoique…) parce que ce long fil m’a fait évoluer dans le bon sens je pense. En espérant que cela a servi / servira à d’autres. La sécurité est essentielle en parapente, on ne le sait qu’après coup (c’est comme la santé tant une fois qu’on a été malade…) mais c’est un sport/ loisir bien extraordinaire car il faut s’adapter sans arrêt à un environnement naturel, mental.
Bons vols plaisir safe à toutes et à tous.