Le shark-nose a maintes fois été commenté à la sortie des spectaculaires premiers proto HPP et BB HPP d’Ozone.
Depuis, les joncs se sont généralisés et réduits en diamètre, les pilotes gagnant en facilité d’usage ce que les joncs ont perdu en rigidité et en longueur, et ils ont été associés à des assemblages textiles de plus en plus légers et sophistiqués, à l’exemple de l’Air Scoop de Hannes Papesh, vu chez Nova puis chez Advance. Il faudrait pouvoir se référer (et relire) tout ce que avait été écrit alors : Ozone était (déjà) dénoncé comme voulant faire des parapentes des delta en les (luc)armant avec force renforts et baleines en carbone !
Comme l’avait déjà suggéré alors Michael Nessler (le même qui est aujourd’hui responsable de la R&D chez Swing) dans un article écrit il y a une douzaine d’années, l’approche n’était pas nouvelle. En particulier en France où Hervé Corbon avait défriché le sujet depuis la fin des années 80 avec toutes sortes d’architectures avant-gardistes à forts allongements, avant d’être le 1er à mettre au point en 2005 une voile de compétition en 2 lignes et inspiré tous ceux qui se sont engouffrés ensuite dans la brèche.
L’intérêt des SN réside à l’évidence autant dans ce qui saute aux yeux (l’entrée d’air de type ram air) que ce qu’il y a autour : les profils, la voûte qui les associe et donne sa cohésion à l’aile. Le ram air ne fait pas voler les profils ! Il concourt seulement à mieux les alimenter sous certaines incidences et dans certaines situations que ne le ferait une entrée d’air moins optimisée pour ces configurations de vol.
Le ram air peut ainsi rendre viables et efficaces sur une plus large plage de vitesse des profils auto-stables qui ne le seraient moins autrement. Et effectivement, quand on regarde de profil une Delta 3, aile de performance dont tout le monde s’accorde à vanter les qualités de pénétration face au vent et dans la turbulence, ce n’est pas tant le ram air qui détonne que la distribution des courbures en extrados et en intrados.
· A l’extrados, la convexité est concentrée à proximité du bord d’attaque où la courbure est très prononcée, le reste de l’extrados étant sensiblement plat.
· A l’intrados, la convexité est reculée très en arrière du bord d’attaque, de sorte que l’épaisseur maximale du profil se situe entre les ancrages des A et des B (pour une 3 lignes), là où s’applique l’essentiel de la charge de l’aile, donnant une cohésion accrue à la voute.
La conséquence de ce décalage marqué des convexités entre extrados et intrados est de produire un couple à cabrer. Et probablement une déflexion vers le haut de l’avant du profil au niveau des A qui, par rapport à un profil classique, va accroitre sensiblement la stabilité du bord d’attaque aux basses incidences associées aux vitesses les plus élevées (50-60km/h pour les meilleurs).
Sympa… Mais chaque médaille a son revers.
Je ne suis pas en réaction contre ces avancées technologiques indéniables.
Je suis préoccupé par le peu d’attention que l’on prête à assurer un continuum dans la communication entre les pilotes et leurs ailes.
Les jeunes, vous qui sont êtes tombés dedans comme en acro quand vous étiez seulement oisillons, passez votre chemin : je parle ici aux autres.
Il n’est pas évident pour ceux qui ont forgé leur pilotage à l’aune de profils plutôt instables qu’un allégement brutal des commandes puisse nécessiter, suivant que l’on est dans le bas, le milieu ou le haut de la plage de vitesse, des actions aussi différentes que relever haut les mains, faire une tempo aux commandes, ou se pendre aux C !
Camarades vieux pilotes, c’est à vous que je m’adresse : il faut nous enfoncer dans le crâne qu’une pratique saisonnière du parapente, quelques dizaines d’heures de vol avec un SIV de temps en temps, ne peuvent suffire à contrarier les réflexes les plus profondément ancrés en nous.
Le clivage entre ce que nous voudrions être et ce que nous sommes n’est pas évident mais il est un fait. Et c’est pour cela qu’il nous faut prendre des marges importantes par rapport au sol et par rapport à nos ambitions refoulées !
Peu d’entre nous peuvent en effet compter sur une pratique dense et régulière, à la poursuite d’un été sans fin, pour continument remodeler en profondeur leur pilotage et l’adapter aux évolutions techniques et comportementales des ailes et des harnais. Sinon, comment estimer le temps nécessaire à reconditionner à chaque printemps un pilote contrarié dans ces (mauvaises) habitudes par son nouveau matériel ? Chassez celles-ci au « petit trot »… et elles ressurgiront au galop. Et dans les plus mauvaises circonstances, soyez en sûrs !
Car je suis porté à croire, par observation et par expérience personnelle, qu’est là la principale raison de l’élévation de la moyenne d’âge des pilotes accidentés, et pour certains malheureusement décédés, des suites d’une perte de contrôle de leur aile.
Comment penser autrement, alors qu’ils auraient dû bénéficier à plein de l’expérience de centaines, voire de milliers de beaux et heureux vols, de dizaines de milliers de km effectués dans des conditions variées qu’ils étaient censés savoir appréhender ?
Oubliez les débats et la technologie que vous avez au-dessus de la tête et sous les fesses. Soyez bien à l’écoute de votre parapente et votre harnais.
Et changez-en s’ils ne vous parlent pas dans une langue que vous comprenez toujours, sans ambiguïté d’aucune sorte : tel est mon conseil.
C’est celui que je m’applique depuis trente ans, avec des conséquences pécuniaires évidentes, pas toujours faciles à assumer (ce qui m’a incité un temps à voler avec de vilains petits canards et à voir si je pouvais en faire des cygnes - è capito, Vincent ?).
Le conseil d’un vieux pilote de parapente, tout aussi plein de certitudes que… de doutes, soyez en convaincus.
C’est vous, ou ce le sera un jour. On se le souhaite à tous.
Alors, tous en panoplie complète cocon-aile EN-A safety-classée level 2 ou 3 ?
C’est une option. C’est vous qui voyez. En attendant que ce soit devenu règlementaire.