= Prise de contact avec la Bionic 2 taille L chargée à 100 kg en juin 2004 =
Sellette AIRBULLE COOL AIRBAG (sellette école, points hauts), écartement des axes des maillons réglé à 44 cm, buste droit
Deux vols en conditions thermiques 3 à 4 m/s maximum, pour un total de peu plus d’une heure et demi autour de Bagnères de Luchon : site d’Oo en milieu d’après midi puis Super-Bagnères en fin de matinée.
Le gonflage face à la voile dans la brise de pente est facile.
Je n’ai pu le temps d’apprécier le gonflage par vent nul et pente faible
La voile apparaît tout de suite très stable et amortie, montant sans brusquerie ni développer beaucoup de portance aux incidences élevées.
Les commandes peuvent être enfoncées en limite de débattement pour temporiser une certaine tendance au dépassement si le pilote tarde à accompagner la voile sitôt son incidence nominale atteinte : la prise en charge vient alors rapidement.
L’impression ressentie lors du gonflage est immédiatement confirmée par une prise de vitesse franche au relevé des mains dans la course d’élan, sans mouvements parasites en tangage ou en roulis.
Les premières ascendances rencontrées introduisent tout de suite le comportement paradoxal induit par cette architecture : la sellette transmet au pilote le travail indépendant de chaque demi-aile, chacune s’élevant à tour de rôle, pratiquement sans oscillations en roulis, un peu comme si celles-ci étaient reliées entre elles par deux biellettes articulées.
Enfoncer alors progressivement une commande à partir de la position bras haut ne produit pratiquement qu’un ralentissement : il est effectivement plus efficace de tout d’abord ralentir franchement avant d’inscrire l’aile en virage en combinant enfoncement franc de la commande intérieure (débattement long) et un relâché dosé de la commande extérieure.
En virage, l’aile affiche toujours sa spécificité dans la façon dont elle retransmet l’évolution de sa répartition de portance à travers la sellette : les fesses du pilote pompent sur une faible amplitude et il faudra se concentrer sur ces sensations pour trouver le bon régime de vol performant en virage, ce que ne facilite pas des commandes devenues lourdes à basse vitesse, sensation accentuée par une position plus basse que la moyenne qui incite rapidement à trimer les commandes en différentiel, avec un tour de main à l’intérieur.
Une fois ce virage établi, on aura tout intérêt à caler ses doigts dans les élévateurs et sous les sangles du harnais car la montée en thermique ne nécessitera plus qu’un classique accompagnement à la sellette pour recentrer ou ovaliser : l’aile semblant sur des rails ne va pas tarder à rejoindre le plafond dans un confort qu’il est le moment de goûter.
Je crains là que les pilotes nerveux ne restent sur leur faim. Car il est rapidement évident qu’il est stérile de vouloir contrarier le virage naturel de cette aile. Toute action intempestive aux commandes produit peu d’effet et n’aboutit qu’à altérer son très bon rendement en ascendance : pour les fantaisistes, c’est retour immédiat à la raison ou grosse déception, l’aile sur-pilotée stagnant alors dans le milieu de la grappe.
Volontairement brutalisée, la voile affiche toujours une grande tolérance : le décrochage des plumes s’initie progressivement et on ne perçoit pratiquement pas leur recul si l’on n’a pas l’œil dessus à ce moment là.
Cette grande tolérance peut tenter le pilote instruit : il est effectivement possible de jouer avec les basses vitesses pour cerner un thermique étroit en jouant avec le décrochage de la plume intérieure. L’aile accepte alors de tourner très court lorsque l’on provoque des quarts, voire des demi-tours en marge du second régime de vol. La progressivité de ces phénomènes et la tolérance de l’aile à ces écarts de pilotage est remarquable, incitant à abuser de ce procédé. L’aile reste homogène, voulant toujours aller de l’avant en dégradant sa finesse sans abattée ou glissade intempestive, reprenant immédiatement un virage plus académique au relevé des commandes.
Attention toutefois à ne pas tricoter ainsi trop près du sol : l’amortissement et la forte stabilité de l’aile peuvent se conjuguer pour vous faire consommer quelques mètres de trop dans le gradient de la pente (ou lors d’une approche maladroitement tarabiscotée par votre serviteur pour cause de conflit en approche détecté trop tard sur l’atterrissage urbain de Saint-Mamet (Luchon), champ baigné dans une brise thermique tourbillonnante causée par les bâtiments qui chaque année le serrent de plus près : tassement du genou pour moi, hors terrains dans tous les sens pour de nombreux pilotes dans les minutes qui ont suivi, dont une nième traversée de la clôture du centre de vacance mitoyen dans un grand fracas, heureusement sans trop de bobo cette fois, pour une élève qui a évité les murets et les poteaux métalliques).
Une finale comme à l’école, longue et stable, est d’autant plus conseillée que toutes les qualités de l’aile s’expriment dans son plané final et la douceur de son arrondi à l’atterrissage.
Le comportement en 360 est tout aussi académique : stable spirale, l’aile engage docilement vers le sol jusqu’à des taux de chute et des accélérations très élevés. La sortie se contrôle tout aussi aisément en agissant simultanément sur les deux commandes, en un peu plus d’un tour et avec un confort digne des meilleures ailes de début de carrière.
Oubliez les oreilles : difficiles à obtenir, la plume étant très stable. Elles nécessitent d’initier la manœuvre avec deux suspentes par côté et semblent sensiblement ralentir la voile (sensation que je ne peux confirmer par une mesure). Elles sont avantageusement remplacée par l’invagination.
Cette commande permet de concilier les avantages des oreilles sans leurs inconvénients : les commandes restent efficaces et la voile conserve une bonne pénétration en maintenant sa vitesse sur un plan de descente dégradé malgré des mouvements assez amples dans l’envergure et des oscillations des bouts d’aile dans la turbulence.
Elle demande toutefois de la patience et une certaine anticipation dans sa mise en œuvre. Le débattement de cette commande contraint en effet à de nombreuses brassées sur un taquet-coinceur plus courant en voile ou sur une commande pour étarquer un delta (peut-être la commande de l’accélérateur pourrait-elle être mobilisée pour cette manœuvre et permettre de se passer du mouflage). Cela fait aussi une commande de plus à gérer et un risque de plus de clé dans le suspentage lors d’une visite prévol négligée ou après avoir affalé la voile en vrac sur un pré-gonflage façon rodéo (expérience passée malheureuse avec le mouflage de stabilo sur une aile allongée).
Conclusion de cette prise de contact :
Si vous n’avez pas été gêné en vol par les exclamations des pilotes fondant vers vous pour profiter de l’esthétique incomparable de la BIONIC, plaisir dont est malheureusement privé son pilote, il ne vous restera plus qu’à compter sur sa tenue aux UV pendant le temps que vont passer ses admirateurs à arpenter autour et à palper celle-ci pendant quelle ondule au sol dans la brise.
Confort + Rendement : c’est assurément une réussite. Il reste pour l’instant à s’accommoder de son mode d’emploi, en particulier lorsque l’on sort de voiles plus réactives et plus légères aux commandes, ou bien à tomber dedans quand on est petit (bientôt une voile plus typée école ?).
Je crains en effet qu’en l’état elle ne dissuade les pilotes en début de carrière par sa complexité et la rigueur imposée par ses performances, mais aussi qu’elle ne rebute des pilotes plus expérimentés qui auront tendance à la sur-piloter, à la limite de la frustration de sentir à quel point cette voile fait tout très bien toute seule (tiens, cela m’inspire une proposition de nom de baptême pour la prochaine voile biplace : Amazone !).
Le débattement long des commandes nécessaire au pilotage n’est pas une gêne pour moi qui suis accoutumé à voler avec un tour de main en ascendance. Mais c’est un problème d’école qui sera encore longtemps débattu.
J’espère donc que cette aile déjà remarquable évoluera vers un comportement plus convivial en virage et moins d’effort aux commandes pour satisfaire un plus large éventail de pilotes.
Il me semblerait intéressant d’essayer :
->de concevoir un système permettant de coupler à volonté la commande d’invagination avec l’accélérateur (ce qui permettrait de bénéficier de la puissance des jambes pour supprimer les accessoires d’accastillage dans le suspentage)
et plus classiquement :
->de disposer des anneaux sur le bord de fuite pour froncer celui-ci avant le point d’inflexion de la plume pour rendre l’effet de la commande plus homogène dans son débattement
->de piquer le nez du profil en plume, même si cela réduit un peu la tenue de cette plume en turbulence (- 10 mm sur les A3, suspente basse pour commencer à dégrossir le réglage avant d’affiner en répartissant la valeur sur les suspentes hautes) pour accompagner l’effet d’une commande plus intrusive
= Epilogue =
Voler en BIONIC était une expérience marquante, et pas seulement pour l’ego.
J’ai craqué pour elle, l’ “Aile” et possède une des dernières version produites, surdimensionnée en tissus et en diamètre de suspentes, digne d’un biplace
J’ai pu en améliorer la manoeuvrabilité en déterminant une solution de calage plus conviviale en plume et en allégeant le cône de freinage au centre de l’aile
Elle dégrade moins ainsi modifiée son énergie sur les mouvements pendulaires, offre une meilleure ressource à l’atterrissage et un comportement plus “classique” en virage sous une charge alaire au dessus du maxi autorisé par la voile <110 kg contre 85-105 pour la plage recommandée>
C’est à mon sens le seul vrai “collector” de l’histoire du pararente : à réserver aux esthètes instruits, façon vieux loup grisonnant qui accepte avec sérénité de se faire passer au dessus par les jeunots de la dernière portée équipés en voiles écoles sur des sites patinés, mais qui jouit encore du confort de leurs cavalcades solitaires sur des thermiques sauvages de crêtes beaucoup moins fréquentées
paul