accidentologie

Quelques idées au sujet des marges.

Quand je courais en moto, j’étais toujours à la limite, avec des angles déments, et pourtant j’avais l’impression d’avoir de la marge tant que les pneus se contentaient de “glissouiller”. Idem sur les freinages quand le pneu AV chantait, sur le sec comme sur le mouillé. En moto sur circuit, on peut aller à la gamelle sans se faire mal, donc tant qu’on n’est pas par terre on a de la marge, de même quand on jardine les bordures et qu’on peut repartir après s’être vautré.

Quand je grimpais en rocher difficile, je savais exactement où était ma limite. J’ai toujours eu de la marge parce que je ne savais pas grimper avec des crampes dans les avant-bras et que je n’avais pas le moral assez kamikaze pour “aller jusqu’au vol”.
Je me suis fait peur quelques fois, dans des retraites en paroi par gros mauvais temps, mais avoir peur ne sert à rien et tant qu’on n’a pas ramassé sur la gueule un wagon de cailloux ou un gros paquet de glace, tant que l’esprit reste froid et lucide pour ne pas commettre de faute, on a encore de la marge. Là où on n’en a plus, c’est quand on est dans un orage.

Quand je vole, je ne sais pas si j’ai de la marge. C’est quoi les marges, d’abord ?
La fatigue physique ne me semble pas du tout pertinente vu que piloter un parapente n’est pas “physique”. Il y a peut-être des gens un peu tendres dont le psychisme s’effondre quand ils sont fatigués ? Dans la mesure où on peut aller poser dans un délai raisonnable, je ne vois pas le problème.
Le matériel ne me semble pas non plus intervenir, quand il est sain et qu’on a le niveau de pilotage.
Il reste la gestion des conditions météo.
Quand on ne “sent” pas le coup, la raison commande de s’abstenir. Ce genre de raison très raisonnable m’aurait évité deux accidents et quelques vilains sketchs - heureusement sans conséquences - dans des aérologies pourries.
Là se situe le principal piège du parapente, quand la passion l’emporte sur la raison. Même à un âge avancé, on n’est pas forcément à l’abri de ce type d’erreur.
Il y a enfin parfois, surtout en haute montagne, une nécessité impérieuse de décoller rapidos, parce que les conditions vont rapidement évoluer vers le très mauvais. Où est la marge ? A mon avis elle est dans le sang-froid du pilote-alpiniste.

A quelque niveau qu’on se situe, on a de la marge tant qu’on ne dépasse pas nos limites connues et identifiées. C’est quand on les atteint que le danger apparaît, et ce quelle que soit l’activité. La notion de marge est donc très relative.

“Connais-toi toi-même”, enseignait Socrate. Cette maxime universelle n’a pas pris une ride en 25 siècles. :prof:

Ugh !

Comme dans toute activité à risque, l’homme en bonne santé est celui qui ne connaît pas ses limites…

:grat:

Ben oui parce que quand tu les trouves c’est trop tard…

Bonsoir,

Pratiquant régulièrement les vols en moyenne et haute montagne, il est clair qu’il est plus difficile de renoncer au vol lorsqu’il y a 4 à 6 heures de descente à pied (si on ne vole pas) que lorsque l’on est à 5 ou 10 minutes de la voiture !

Raison de plus pour être lucide et se dire que l’on n’est pas à un vol près dans la vie…

Exemple personnel : il m’est arrivé avec des amis d’hésiter à décoller du sommet du Mont Blanc : le vent était assez soutenu, mais régulier et je crois que les conditions auraient sans doute permis de voler.
Mais devant la fatigue de certains et le doute sur les conditions aérologiques en l’air, nous avons décidé de renoncer à décoller de là-haut en espérant partir de plus bas.
En fait les conditions n’ont jamais été bonnes et nous sommes redescendus jusqu’en bas à pied !
Le vol aurait peut-être été possible, mais je ne regrette absolument pas que l’on ait renoncé à tenter le coup.
Même en haute montagne, il est possible de se donner des marges à partir du moment où on a bien intégré l’idée que la redescente à pied est toujours possible et que l’on ne décollera pas quelles que soient les conditions…

A+ Marc Lassalle

Tout à fait d’accord avec Marc, qui pratique le paralpinisme depuis longtemps alors que je viens seulement de revenir à la haute montagne après une très longue absence pour cause d’un enfant à élever en parent unique.

25 septembre 2009, 14h. Les conditions sont stressantes au Mont Blanc (photo) : pas un pet de vent, juste de rares bouffées insignifiantes de SW, qui imposent de décoller vers le col Major, pente douce obligeant à bien courir (pas simple à cette altitude). Un orage en formation sur les environs d’Aoste n’annonce rien de bon, nous avons entendu 2 coups de tonnerre et il faut vraiment foutre le camp.
En volant : une heure de bonheur. A pied : 8h de bavante.

Corinne ne pouvant pas éventuellement descendre seule, elle décolle en premier et je me retrouve toute seule là-haut, attendant une autre bouffée qui ne vient pas. Tension et concentration.
Première bouffée, j’y vais, mais avec aussi peu de vent et à cette altitude, le face voile avec 19m² est une erreur, la voile retombe et glisse devant moi. Remonter sans crampons la remettre en place est épuisant, et là j’ai de la chance : deux alpinistes providentiels viennent d’arriver, qui m’offrent de tenir les caissons centraux levés.

J’ai pu décoller banzaï en dos voile en courant comme une malade, dans un petit nuage pas épais, et ce fut un vol fantastique… après avoir échappé à un courant qui me faisait reculer, dû au cunimb à 15 ou 20km qui commençait à tirer. Le vol fut réellement magique, le plus beau de ma vie.
Je m’étais évadée du piège, il s’en était fallu de quelques minutes que le décollage ne devînt impossible.

Cela m’aurait fait monstre chier de devoir redescendre à pied sur le Goûter. Il aurait peut-être été possible de décoller à Vallot ? Je n’y croyais pas parce que quand on est en solo sur le Mont Blanc et que l’orage arrive, chaque minute compte, on est alors tendu vers le bas et le désir de voler ne pèse plus grand chose face à l’instinct de survie.

J’ai connu à Chamonix en 1974 deux types qui s’étaient fait foudroyer par beau temps au Dôme du Goûter, 2 mois après ils étaient encore soignés pour de graves gelures sur brûlures électriques, ils avaient perdu tous leurs orteils et leurs mains étaient en très mauvais état, toutes noires avec des phlyctènes.

Il ne faut pas rigoler avec le Mont Blanc.

Nous y retournerons. Le Mont Blanc c’est vraiment une montagne magique et j’aimerais bien faire un peu de soaring là-haut, mon rêve c’est de monter à 5000m.

Ugh !

Corinne veut bien m’accompagner aux Ecrins mais pas à l’Aiguille Verte, mes amis de jeunesse non plus (ils ont peur) et je n’ai pas envie de me balader en solo sur le glacier de Talèfre, j’en connais trop bien les traîtrises. Avis aux amateurs, pour fin juin par le Whymper ou septembre par l’arête du Moine.

Fin juin par le Whymper ??? Il va falloir mettre des cierges pour qu’il soit encore en condition aussi tard dans l’annee …
M’enfin bon, c’est passablement hors sujet.

Bon j’en rajoute une couche. C’est une course qui me tente beaucoup pour le paralpinisme (whymper) mais je pense pas avoir la caisse suffisante en ce moment …
Et comme dit, le couloir va pas rester si longtemps que ca en condition. Je pense que je vais repousser ca a l’annee prochaine.

Si ça te dit, je risque d’y aller dans pas longtemps avec un pote… Pour les conditions du couloir, je me ferais pas trop de soucis… Comme d’hab, partir tôt et puis au pire y’aura un peu de glace, c’est bon pour se faire la caisse! Concernant la caisse, on essayerait un truc de grosse feignasse… Normalement, pour aller au Couvercle, ça passe en finesse depuis l’aiguille du midi :mrgreen:

Pour de vrai vous essayez?..

6.5 de finesse quand meme d’apres google earth (C’est aussi vos calculs ?) … Faut pas que ca degueule ou qu’il y ait du vent de face … !!

On est un peu en train de pourrir le fil … un modo pourrait il nous aider a faire le menage ? :canape:

Yep, 6-6.5 de finesse… Ça doit jouer, faut pas qu’il y ait trop de N-NE… M’enfin dans le pire des cas on pose près des échelles et on se fade pas toute la montée bien chiante de la mer de glace… Après il reste 300-400m de dénivelé pour le refuge, c’est pas la mort. Mais le trip c’est de posé sur la dalle :clown: Nan, ça ce serait de la connerie…

Question d’un ignard : En plus de la finesse, il est peut-être aussi possible de faire un peu de gain en gérant bien le coup, non ?

Genre : on profite des thermiques de la fin de journée la veille pour grimper un peu plus haut, et bivouaquer en altitude, puis finir l’ascension le lendemain matin. Est-ce que ce sont des choses qui se font ?

Ha ? C’est un peu problématique non ?
Pourtant les marges définissables ça existe. Beaucoup les refusent dans leur attitude psychologique…

Des marges : en air agité, avec du vent ou encore plus avec du thermique, au moins 50 m en vertical au dessus du relief (c’est ce que tu peux perdre sur une frontale sans pouvoir rien faire), au moins 30 m en latéral à côté d’une pente ou falaise (faut avoir la place de faire un tour sur violente autorotation surprise).
Dans un secteur où tu sens que tu peux fermer bras hauts (tu fournis du pilotage pour garder ton aile ouverte), ne pas accélérer à proximité du caillou.
En voilà des marges. Ensuite c’est clair que si on ignore le danger (ce qui peut se produire et qu’on ne connait pas), on a peu de chances de savoir prendre des marges.

Marge : ne pas attendre d’être fatigué pour aller se poser. Deux heures de vol en conditions dures épuisent 80% des pilotes actuels. Les autres sont des sportifs entrainés. Lorsqu’on a l’impression de commencer à subir, il est plus que temps d’aller poser. Il faut avoir gardé de l’énergie.
Depuis le plafond on peut avoir à se battre 1/2h pour descendre. Les conditions peuvent avoir changé et l’atterrissage sera peut-être très turbulent jusqu’au sol, etc.
Si on n’a plus d’énergie, la descente dans une masse d’air cisaillée peut facilement conduire à la panique…

L’évolution des ailes conduit à voler sous des appareils de moins en moins instables et de moins en moins faciles à fermer en turbulence. Finalement, avec un pilotage standard on sent moins de choses qu’avant et sous ces ailes stables on ne prend plus que les grosses crêpes qui ne préviennent pas.

Alors comment font les gens qui croient tout connaitre et avoir identifié un univers auquel en réalité ils sont aveugles ?

Euh … pour reprendre la discussion sur l’accidentologie.
Jouer a include la possibilite de prendre du gain pour un vol en montagne c’est le contraire exact de prendre des marges … Il vaut mieux plutot prevoir du vent de face et de la degueulante :slight_smile:

Assez d’accord, en plus en cas de doutes, je préfèrerais poser sur le glacier en bas plutôt qu’a faire le mariole au milieu des dalles et des blocs…

Ok :pouce: ça démontre bien que je suis une bille. :oops: :canape:

[quote=“akira,post:55,topic:34379”]
Prendre du gain est toujours un objectif quand on vole, donc on gratte le caillou si le vent et la brise le permettent. Cela permet de profiter davantage du vol. Quand il y a des conditions météo laissant craindre du vent de face ou du dégueulant, on n’est plus dans le cadre d’un vol montagne soigneusement préparé.
Trois exemples sous Ultralite 19 :

  • Décollage au Cruet début juillet, vers Morette. Une grosse erreur. Sans un thermique providentiel en grattant au ras des falaises, je me serais mise aux arbres avant le refuge Lindion et sa petite prairie, la seule vache possible.
  • Décollage sud à l’aiguille du Midi fin septembre, 16h. Le glacier reste trop proche, plus de thermique sur la Dent du Requin, un plomb au-dessus de l’Envers de Blaitière, le Montenvers monte vite sur l’horizon, angoisse… je traverse la Mer de Glace, j’attrape un petit thermique sous le Moine, encore au soleil, je reprends 100m et je passe à hauteur du Montenvers avec 50m de marge. Cela aurait sans doute “fait” mais le risque de vacher sur le glacier, très mauvais dans ce secteur, ne valait pas d’être couru.
  • 2 jours plus tard, Aig du Midi, décollage nord à 14h. J’attrape un thermique au-dessus du sommet du Peigne, qui me remonte aux Deux-Aigles, puis c’est un soaring de rêve devant l’Aiguille du Plan, histoire de jeter un oeil sur le couloir Lagarde, puis le long des Aiguilles jusqu’à l’M.

Un vol montagne n’est pas forcément un plouf. Il est normal de gratter et de piloter quand les conditions météo le permettent, surtout dans un cadre grandiose.

Dans “mon jardin” d’Annecy / Aravis, on gratte partout quand on a envie de rester en l’air ou quand on fait un cross, même si on a décollé au Lachat de Thônes, sur Tête Pelouse, sur la Tournette ou au col des Frêtes. Ce serait con de faire un plouf quand on peut voler un peu ou enchaîner sur un cross.

Ugh !
Pour contribuer encore au fil hors sujet : :canape:

[quote=“akira,post:51,topic:34379”]
Il faut alors faire le vol le matin vers 11h-midi, il y a du thermique sur la Dent du Requin et on remonte facilement au sommet en étant arrivé au Chapeau à Cornes (je l’ai fait en septembre avec l’Ultralite 19). Au pire on pose au col de Pierre Joseph (de plain-pied avec le glacier) et on traverse Talèfre. Ce qui passe sans doute en finesse avec une voile standard est moins évident avec une Ultralite 19, une Awak 18 ou une Spiruline mais c’est certainement faisable.

[quote=“Paragliding old bag,post:58,topic:34379”]

Je trouve assez indelicat de citer la moitie de mon propos pour en retourner a 180 degres la signification !
J’ai dit que prevoir de pouvoir remonter en thermique dans le calcul pour savoir si on peut atteindre un point en vol montagne est le contraire de prendre des marges.
C’est tout a fait different que de dire (comme le fait clairement supposer la malheureuse citation), prendre du gain reduit les marges.

J’imagine que c’etait juste maladroit.

Juste pour compléter le hors-sujet de ce fil au sujet de l’Aiguille Verte :

  • lorsque nous l’avions gravi le 18 juin 2000, le couloir Whymper était en super conditions (marches déjà tracées, tout en neige et absolument aucun passage en glace) : je pense qu’il doit être envisageable de monter par là en bonnes conditions jusqu’à mi-juin environ (mais cela doit dépendre bien sûr des années) ;

  • nous avions fait le vol de l’Aiguille du Midi le samedi matin (jusqu’à Chamonix), puis nous étions montés dans l’après-midi au refuge du Couvercle (à pied bien sûr !) ; a posterori, je me suis dit que l’on aurait dû tenter le vol Aiguille du Midi - Couvercle : il y a de l’espace dégagé pour se poser à proximité du refuge et cela permet d’éviter une longue (très longue !) montée à pied !

Cet enchaînement : Couloir Whymper, sommet de la Verte et vol jusqu’à Chamonix restera à jamais l’un de mes plus beaux souvenirs en matière de vol montagne.

Je souhaite à tous les paralpinistes de le réaliser un jour…

A+ et bons vols.

Marc Lassalle