(la suite)
À quoi ressemble une Cage ?
Vu qu’il y a de fortes chances que vous n’ayez jamais vu de cage de pilotage, une description s’impose. Grosso Modo, l’aile est très semblable à une aile de parapente. Les différences facilement visibles sont l’absence de ligne de frein, un suspentage généreux (40 suspentes basses, réparties sur 5 lignes alors que les ailes de parapente actuelles ont souvent moitié moins de suspentes basses), pas de cloisons diagonales ou autres techniques visant à rigidifier l’aile, et deux lignes spéciales pour faire les oreilles partant des “A” extérieures et attachée à une poignée unique située juste au-dessus du pilote.
Les suspentes arrivent par l’intermédiaire de cordelettes nylon (encore de la souplesse) sur un plan formé par un cadre métallique (en tubes d’alliage léger d’aluminium, dimensions 1,60m x 0,50m) auxquelles deux “lyres” sont ajoutées sur la partie basse et sur lesquelles le pilotes agira avec les mains. Le pilote est accroché à ce cadre métallique par un unique mousqueton situé au centre du cadre et un peu en dessous (voir photo) par une barre intermédiaire (appelée par les cagistes “barreau de titi”).
Sous une cage, on n’accroche pas une sellette, mais un cocon spécialement adapté (les derniers modèles sont fabriqués par Sup’Air). La position de vol (très confortable, un peu comme dans une chaise longue) est très différente pour des raisons de pilotage et ne pose pas les problèmes du vol “couché dos” en parapente comme les twists (impossible de twister une unique sangle, ce qui facilite aussi tous les décollages face à l’aile).
La cage se plie et se déplie en quelques secondes et permet d’enrouler très proprement (et facilement) l’aile autour. L’ensemble cage+aile+cocon tient dans un sac relativement classique et pèse à peine quelques kilogrammes de plus qu’un équipement complet de parapente.
Et le pilotage ?
Le pilotage d’une Cage est différent de celui du parapente pour de multiples raisons. Tout d’abord, il est possible d’agir directement sur les axes de roulis et de tangage (en contrôlant l’assiette de l’aile), alors qu’en parapente, on agit essentiellement sur l’axe de lacet (voir schéma). L’accrochage unique permet d’effectuer en toute sécurité certaines manœuvres comme le décollage en marche arrière où le pilote se retourne une fois en l’air, sans aucun risque de twist.
La mise en virage s’effectue par une rotation de la cage sur l’axe de roulis. Le contrôle du tangage se fait en agissant directement sur l’assiette de l’aile par rotation sur l’axe de tangage de la cage. On a donc un véritable pilotage “2 axes”, qui permet certaines actions comme les virages cadencés (vers le haut) ou piqués (vers le bas).
Les sensations sont très différentes et les cagistes parlent de “glisse” et se sentent “surfer le vent”.
Ces différences majeures dans le pilotage m’amène à aborder le sujet de la formation.
La formation
J’ai fait un stage d’une semaine de formation en Janvier 2000 avec Jean-Louis Darlet. La formation initiale consiste essentiellement en des exercices au sol.
Les exercices sont progressifs et consistent tout d’abord à gonfler l’aile, puis à la maintenir au-dessus du pilote sans que celui-ci ne se déplace (contrairement au parapente), puis à stabiliser l’aile au-dessus du pilote qui reste toujours fixe. Une fois ces trois étapes maîtrisées dans du vent faible, moyen, puis fort, le plus gros est fait !
Ces exercices ont pour but d’acquérir les techniques de bases pour ensuite s’initier aux différents types de décollage. Il y a en effet plusieurs types de décollage, adaptés à différentes vitesses de vent: “delta” (c’est-à-dire dos à l’aile), utilisé par vent nul à faible, “dynamique” en gonflant l’aile et en se retournant dans un mouvement continu, utilisé par vent faible, “fixe”, en stabilisant l’aile avant de se retourner, et “arrière” (quand le vent est assez fort pour cela) en gonflant généralement avec les oreilles et en décollant en marche arrière.
Les exercices au sol permettent aussi de se familiariser avec les nombreuses informations transmises par l’aile dans la cage et donc dans les mains, mais aussi dans la sangle principale. Pour les premiers vols, on n’exploitera quasiment pas le tangage dont l’apprentissage se fera petit à petit.
Bien sûr ce que j’avais appris en matière d’aérologie, de météo, d’approches et autres parties théoriques de ma formation de parapentiste reste en grande partie valable. Nul besoin de “réapprendre”, la formation à la Cage a un contenu vraiment nouveau et spécifique, il faut donc s’adresser à des formateurs compétents qui malheureusement pour l’instant sont peu nombreux (voir contacts).
La FFVL travaille actuellement en collaboration avec l’AsPiC (l’Association des Pilotes de Cage) pour définir au mieux cette formation spécifique Cage qui se concrétisera prochainement par une qualification “d’Initiateur Cage” pour les pilotes brevetés, et une “Qualification Complémentaire Cage” pour les moniteurs fédéraux ou BEES.
La formation est spécifique car ce n’est pas le même aéronef. Une Cage n’est pas un parapente, ni un delta. Prenons un exemple d’une de ces spécificités: les oreilles.
Les oreilles: un élément de pilotage à part entière
L’utilisation de la poignée d’oreilles ne limite en rien la manœuvrabilité (une fois la poignée tirée, on la garde dans la main que l’on remet sur la lyre pour piloter) et l’on peut tourner “aux oreilles” aussi bien que sans. Les oreilles stabilisent la voile sans trop perdre en taux de chute : idéal en turbulences quand “ça tape” ! Les approches un peu trop longues sont aussi facilitées, les atterrissages dans de petits terrains sont simplifiés, un peu comme avec les “drag-chute” des ailes delta (sans les inconvénients de celui-ci comme l’ouverture unique ou intempestive).
Les oreilles peuvent être petites, moyennes, grandes voire même très grandes, en fonction de la longueur de ligne tirée. Aux très grandes oreilles, il ne reste pas beaucoup plus d’un tiers de la voile ouverte.
Mais les oreilles peuvent aussi servir au sol, par exemple pour des décollages par vent fort. Dans ce cas, elles servent à réduire la surface de l’aile lors du gonflage et éviter de se faire arracher en limitant la portance de la voile une fois qu’elle arrive au dessus du pilote. Le gonflage par vent fort est aussi facilité par un contrôle direct de l’assiette de la voile grâce à la cage, qui permet ainsi de réduire l’effet “spi” lors du début du gonflage. Ainsi, il est possible de gonfler et de décoller sans assistance et sans se faire arracher dans un vent régulier de plus de 30km/h: idéal pour les sites de bord de mer souvent bien ventilés !
Les oreilles deviennent un élément de pilotage (et de sécurité) à part entière surtout utile pour des phases délicates de vol (turbulences, décollage par vent fort, atterrissage courts). Elles permettent de penser véritablement en trois dimensions.
C’est aussi un point qui m’a séduit autant pour la sécurité que le confort de pilotage et je me demande comment je pouvais faire avant !
Aile tourne !
Concernant le pilotage, une question intéressante est celle du virage en Cage.
Pour le virage, si l’on ne crée pas de traînée, il faut bien autre chose pour tourner. Pour mieux comprendre le virage en Cage, il faut reprendre la mise en virage du parapente “à la sellette” car lui non plus n’utilise pas la traînée pour tourner. Il faut penser qu’une aile (parapente ou cage) est en fait composée de deux demi ailes (sur un avion c’est évident, il y a la carlingue au milieu).
Lorsque l’on tourne à la sellette, on charge une demi aile et on décharge l’autre en transférant une partie de notre poids. Cette surcharge sur une demi aile va provoquer un accroissement de la RFA de cette demi aile vu que la RFA est de même intensité que le poids en dessous de cette demi aile. Sur l’autre demi aile, la RFA va diminuer pour la même raison car le poids diminue sous cette demi aile. Le résultat c’est que l’on a deux RFA inclinées mais d’intensité différente, donc la RFA globale est elle aussi inclinée du côté chargé (voir schéma) et votre parapente tourne donc bien du côté où vous vous êtes penché. A cela s’ajoute la déformation non négligeable du centre de l’aile (entre les deux demi ailes) dont on ne sait pas dans quelle mesure elle participe au virage.
Maintenant, au tour de la Cage. La Cage tourne car, de par la rotation de la cage sur l’axe de roulis, on libère des suspentes d’un côté (par exemple à gauche) vu que l’extrémité gauche de la cage se lève (roulis). Ceci a pour effet d’aplatir la demi aile gauche (car les suspentes du centre n’ont, elles, pas bougé) et donc la RFA de cette demi aile est devenu plus verticale, mais son intensité n’a pas changé le poids sous cette demi aile n’a pas varié. Pendant ce temps, on a abaissé les suspentes sur l’extrémité droite et le lobe de la voile a augmenté pour la raison inverse, ce qui a pour effet d’incliner un peu plus la RFA sur la droite qui elle non plus ne change pas d’intensité. Une RFA qui se redresse d’un côté et une qui s’incline plus de l’autre: le résultat c’est que la RFA globale s’est inclinée sur la droite et l’aile part en roulis dans la direction où cette RFA s’incline, c’est-à-dire à droite.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la Cage ne se pilote pas par déplacement du centre de gravité mais par réorientation des RFA des deux demi ailes.
Des ailes spécifiques
Comme vous le constatez, les ailes de cage ont des exigences de conception différentes de celles des ailes de parapente, d’une part par l’absence de freins, mais aussi parce qu’une Cage tourne pour des raisons très différentes d’un parapente. Après avoir “cagé” des ailes de parapentes aux débuts de la Cage, Jean-Louis Darlet en est arrivé à la conclusion qu’il fallait concevoir une aile spécifique et tirer partie des déformations globales de l’aile rendues possible par la cage à laquelle elle est reliée.
L’autre déformation globale est celle obtenue par rotation sur l’axe de tangage de la cage. On va tirer les suspentes arrière et libérer les suspentes avant (ou l’inverse) lorsque l’on va cabrer (ou piquer). Les lignes de suspentes ne sont pas fixées de façon régulière sur la cage, ce qui permet de tirer ou relâcher de façon non linéaire les différentes lignes. L’intérêt ? Et bien il est de taille ! En positionnant correctement ces lignes de suspentes sur la cage (et l’aile), cela permet de faire varier l’ensemble du profil aérodynamique de l’aile et d’obtenir un profil plus plat pour les grandes vitesses (en piquant la cage) et un profil plus cambré et donc plus porteur pour les basses vitesses (en cabrant la cage).
Le futur
Plusieurs constructeurs de parapente s’intéressent à la Cage entre autre pour ces raisons. Gin Gliders, par exemple, envisage de concevoir une aile spécifique, à suivre… Certains prototypes à grand allongement n’arrivent plus vraiment à tourner avec des freins et j’ai pu servir d’interprète lors d’une discussion passionnante entre David Barish (voir Pmag N°xx) et Jean-Louis Darlet lors de la Coupe Icare 2000.
Conclusion
Toutes ces explications ne vaudront jamais de voir et d’essayer vous même une Cage. J’ai fait essayer ma Cage (au sol) à de nombreux pilotes et je ne retiendrai qu’une phrase de Sandie Cochepain: “c’est bien plus facile que je croyais, je pense que je n’ai jamais gardé ma voile aussi longtemps sur ma tête” et c’était son premier gonflage de mon aile de 33m2 !
N’oubliez pas ce que l’on dit aux enfants, “tu ne peux pas savoir si tu n’aimes pas ça si tu n’en as jamais goûté”, et pour y goûter, les meilleurs ambassadeurs sont les pilotes eux-mêmes. Véritables passionnés, ils se sont regroupés il y a tout juste un an en une association (l’AsPiC) très active que je vous invite à contacter.
Plus d’infos
AsPiC (Association des pilotes de Cage): http://www.aspic.org/
Ma page Cage: http://www.cquest.org/cq/cage/
Encadré:
Cage ou cage ? Par convention, la “cage”, avec un “c” minuscule, fait référence au cadre métallique. La “Cage”, avec un “C” majuscule, fait référence à l’aéronef complet “cage” + aile.