La petite histoire =
Un moniteur expérimenté rencontre quelques problèmes en stage SIV avec un stagiaire manifestement en difficulté
Interloqué, le moniteur fait un vol d’essai avec la voile de son élève
Résultat : le moniteur fini à l’eau –ou par terre-
Il a eu chaud et il confirmera sans équivoque que le comportement de l’aile en question est en cause : elle est apparemment en bon état mais son comportement est vicié
Au contrôle, considérées indépendamment les unes des autres, les déformations observées sur sa structure (tissus, suspentes) n’avaient rien de rédhibitoire
C’est leur cumul avait altéré suffisamment sa navigabilité pour en faire un « piège »
Toute coïncidence avec des événements réels… n’est pas fortuite !
Analyse =
Un parapente moderne est une construction complexe et extrêmement précise de matériaux qui sont étirés, tordus, échauffés, ragués, s’allongent, se rétractent, etc.
Ce qui caractérise les déformations causées par toutes ces agressions, c’est leur continuité.
Tant que les tissus ne se déchirent pas et que les suspentes ne se rompent pas, le parapente reste un tout continu dans lequel les efforts appliqués se répartissent en fonction des propriétés de chaque matériau et de leur… topologie !
Comment croire dans ces conditions que ces agressions n’altèrent pas le comportement de nos ailes ?
Eh bien… ça dépend !
De la susceptibilité de ce comportement (on y revient) aux déformations auxquelles les différentes pièces -textile et câbles- sont soumises.
Même si nous ne peinons en percevoir les effets à l’œil nu, convainquons nous bien que le parapente qui repose au repos, au contact du sol, n’est pas celui qui vole au dessus de nous.
Il subit un véritable « morphing » de ses surfaces sous l’action des effets aérodynamiques et des efforts répercutés dans ses suspentes.
Les surfaces se lissent et le calage varie continument sous les accélérations et décélérations ressenties par son pilote
Par exemple, une suspente de type X n’a pas forcément la même raideur qu’une suspente Y à même résistance à la rupture et cela peut suffire à modifier de façon sensible le comportement de l’aile
Ainsi, remplacer des A centrales en polyéthylène par de l’aramide n’est pas sans influence sur le comportement tangage.
Le polyéthylène est intrinsèquement moins raide que l’aramide (NB : des procédés industriels récents tendent maintenant à réduire cette différence, voire à l’inverser), ce qui va tendre à adoucir les chocs dans la turbulence comme en entrée de thermique “boulet de canon” (ce qui correspond à un fort gradient de vitesse verticale).
S’il est maintenant admis que des variations de longueur de suspentes peuvent intervenir, nous en mesurons pas toujours l’ampleur des conséquences qui peuvent affecter le calage et pas que celui-ci.
La topologie est indubitablement modifiée.
Mais le sens de ces modifications ne s’appréhende pas toujours simplement.
Quand on cherche à comprendre comme cette nouvelle topologie composée de creux et de bosses, il faut décomposer par la pensée l’aile en empilage de profils “patatoïdes” révélant des dissymétries dans la voute, des inflexions dans la corde, des vrillages, etc.
L’ensemble des nouveaux profils ainsi localement créés s’affrontent cote à cote et se contrarient jusqu’à trouver un équilibre correspondant à l’attitude de vol qui est tout sauf un état de repos !
L’énergie de déformation y est emmagasinée sous la forme de déplacements locaux des centres de poussée, de couple de torsion, etc. qui vont ensemble redéfinir le comportement global de l’aile, ses comportements à différents types de fermeture, ses réactions à l’entrée ou à la sortie de la turbulence thermique, sa façon de réagir à l’abaisssement d’un volet, de coordonner ses mouvements sur ses trois axes .