Voici enfin nos conclusions. Mais d’abord, remerciements à tous les cobayes et contributeurs d’Istres Alpilles Vol Libre, du GERCSM, et du Chant du Vario, bien sur. 
http://www.youtube.com/watch?v=p0jHGDuPClA&feature=youtu.be
Amerrissage de parapentiste
Dans différents cas de figure, il est possible qu’il puisse arriver de finir à l’eau, ou que la voile seule finisse sa course, même partiellement dans l’eau. Une compilation de multiples expériences dans ce domaine ont démontré qu’il y a alors des risques élevés pour la sécurité du pilote. Pour mieux prendre la mesure des implications, sachez que volume d’eau que peuvent contenir les caissons d’une voile de 26m2 représente environ 4 tonnes à bouger, et 160 kg pour une sellette pleine, cela sans parler de l’énergie cumulée par le courant d’une rivière ou les vagues en bord de mer. En revanche, la bonne nouvelle, c’est que tant qu’ils ne sont pas roulés par des vagues déferlantes, ils sont capables de flotter un certain temps, ce qui est plutôt positif.
Dans le cadre d’un SIV, on est souvent préparé psychologiquement et physiquement, sans compter la présence d’un bateau et d’un “sauveteur expérimenté” prêts à intervenir. Lorsque ce n’est pas prévu,… Même si la rive n’est qu’à quelques mètres, les choses peuvent s’enchaîner très rapidement. Cette mésaventure est arrivée à un collègue à l’aise en milieu aquatique qui s’en est sorti sans dommage, mais qui, de son propre aveu, a galéré pour parcourir les 5 mètres qui le séparaient du rivage. Un retour collectif sur cet évènement nous a amené à réfléchir sur la gestion de la situation pour se mettre rapidement en sécurité en pareil cas.
Lors d’échanges avec des parapentistes chevronnés et sportifs capables de manœuvres engagées en vol et de courir dans la montagne lourdement chargés, ceux-ci ont souvent déclaré qu’ils préféreraient se décrocher de la sellette et “abandonner le navire avant même qu’il ne touche l’eau”. Ces derniers, sans doute peu habitués à évoluer en milieu aquatique, pensent souvent impossible de se décrocher et de quitter leur sellette en toute sécurité une fois dans l’eau. Il n’en est absolument rien ! Comme quoi, il suffit souvent de sortir quelqu’un de son environnement habituel pour qu’il perde une grande partie de ses moyens… Par ailleurs, comme nous le verrons plus tard, dans la pratique, tout le monde essai jusqu’au bout de “rentrer au port”. Mais, il n’y a que dans les films où James Bond réussisse à se détacher et au sauter d’une voiture lancée à pleine allure, dont il a perdu le contrôle juste avant qu’elle ne se jette dans un ravin, et qu’il se relève indemne. Dans la vraie vie, pour Marcel Dupont, les choses se passent rarement comme cela.
En outre, se décrocher de la sellette et sauter à l’eau quelques mètres avant de toucher la surface ne seraient justifié que lorsqu’on a planifié, ou tout au moins bien anticipé l’amerrissage et que l’on est certain de pouvoir :
A) Estimer sa hauteur par rapport à la surface de l’eau.
B) Etre certain de la profondeur suffisante d’eau en dessous de celle-ci.
C) Disposer d’une sellette dont toutes les sangles peuvent s’ouvrir aisément et rapidement avec des gants alors qu’on est en position assise, et avec éventuellement un secours, un cocon ou des instruments devant soi qui masquent ces fermetures.
D) Etre en position pour le faire, ce qui est rarement le cas lors d’un incident de vol, ou lorsqu’on est en pilotage actif des deux mains pour regagner la rive ou éviter des obstacles.
E) Que vous êtes parfaitement localisé par des sauveteurs en mesures d’intervenir rapidement.
F) Qu’une berge accueillante ne soit qu’à quelques mètres pour regagner la terre ferme.
Cela fait beaucoup trop de paramètres. Dans la pratique, il est illusoire de croire qu’on pourra les mettre en application, sauf à avoir planifié dés le départ de votre vol qu’il va s’achever loin et haut au large ! Dans le cas présent, on parle bien d’une arrivée dans l’eau involontaire, voir même peut-être même incontrôlée.
Par ailleurs, n’oubliez pas non plus qu’un impact dans l’eau à bonne vitesse, d’une grande hauteur, avec un objet flottant, ou encore avec un fond dont la profondeur ont été mal estimés peuvent être aussi dangereux que lors d’un atterrissage au sol ! Votre sellette, elle, est conçue pour assurer votre protection contre ces chocs, et indirectement assurer votre flottabilité pendant un certain temps. Une sellette avec ses protections peut faire office de bouée plusieurs dizaines de minutes pour s’y accrocher, et une voile colorée qui peut flotter plusieurs heures tant qu’elle n’est pas soumise au ressac est repérable de loin par des sauveteurs, contrairement à un nageur isolé. Si vous avez sauté, et qu’ils ont volés seul quelques dizaines de mètres ou plus emportés par le vent, les yeux au ras de la surface il n’est pas certain du tout que vous puissiez les retrouver. Si en plus le vent les entrainent… Vous seriez alors peu visible de loin, et sans support pour vous aider à vous maintenir en surface.
Enfin, lorsqu’un parapente est piloté, sa vitesses horizontale supérieure au taux de chute, va contribuer à nous aider à ne pas finir sous la voile. Ce risque est donc aisément évitable.
En préambule, il est indispensable de rappeler qu’un amerrissage, même lorsqu’on y est préparé, n’est jamais anodin et sans risque. Il doit être évité par anticipation de votre plan de vol tant que faire se peut, et n’être choisi et exécuté que si aucune autre manœuvre de retour au sol moins dangereuse et engagée n’est possible. Les recommandations qui vont suivre ne sont en aucun cas une assurance quand à la réussite sans aucun risque de l’amerrissage. Beaucoup d’autres facteurs extérieurs pouvant entrer en jeux.
Nous avons donc compilé de nombreux témoignages, visionné des vidéos, et nous sommes renseigné sur les exercices et préconisations mis au point pour les parachutistes, civils ou militaires, en cas d’arrivée dans l’eau. Nous avons analysé les risques et solutions proposées transposables à notre activité. Et enfin nous avons réalisé des simulations et essais. Nous en avons déduit quelques recommandations de bon sens que nous avons testé et affiné en milieu sécurisé : Une piscine avec un encadrement de plongeurs. Ces conditions ne sont pas celles d’un véritable amerrissage involontaire et improvisé en milieu naturel, mais elles sont tout de même représentative de ce qui peut être fait, ou doit être évité, tout comme le peuvent être les exercices pratiqués dans le cadre d’un SIV.
Les essais réalisés, et une longue expérience de la formation en milieu marin, m’ont démontré qu’avec un peu de calme et de méthode, même les moins sportifs et à l’aise dans l’eau peuvent réaliser sans problème toutes les manœuvres pour se sortir de ce mauvais pas. Il suffit d’un tout petit peu d’entrainement et une capacité à réfléchir, pas simplement en pilote de parapente, mais aussi en amphibien. Une petite démonstration devrait vous en convaincre.
Dans un premier temps définissons les cas d’amerrissage non prévus :
1° Le plus souvent : Un mauvais plan de vol ou trop d’optimisme, et le pilote ne parvient pas à rejoindre un atterrissage terrestre, quelle qu’en soit la cause. Le pilote est presque toujours proche du rivage ou au dessus de celui-ci, à faible altitude et en situation de pilotage actif. Il est concentré à essayer jusqu’au bout de rejoindre le point d’atterrissage souhaité en évitant les obstacles éventuels. Donc pas mentalement et physiquement disponible pour se préparer à un amerrissage. Sa priorité est bien de tenter de rentrer au point d’atterrissage, et cela à juste titre, car il n’est pas rare que cela fonctionne, certes de justesse, mais qu’il y arrive. Trop souvent le pilote ne renonce pas même lorsqu’il est évident qu’il ne finira pas au sec, mais dans la zone du rivage balayée par la houle. La zone la plus dangereuse !
Si le rivage est balayé par des vagues déferlantes, même modestes, tout amerrissage dans le ressac est à proscrire. Eloignez-vous de quelques dizaines de mètres vers le large, là où la houles est moins violente et vous laissera le temps de vous déséquiper alors que la voile et la sellette flotteront bien. Dans le ressac, la voile se remplira d’eau instantanément, et coincé dans votre sellette vous ne seriez qu’un fétu de paille impuissant, roulé dans ses suspentes et ballotté dans tous les sens par les vagues. Projeté avec une extrême violence contre les rochers ou galets !
2° Plus rarement dans le cadre d’un incident de vol : Le pilote est en vrac sous sa voile ou sous son secours. Il est dans une situation d’urgence où il ne maitrise plus grand chose à sa trajectoire et sa capacité à anticiper l’amerrissage est pratiquement nulle. Ces cas de figures surviennent le plus souvent à quelques centaines de mètres du bord au maximum, et non au large en pleine mer.
3° Un seul cas, exceptionnel, de pilote amerrissant involontairement au large et en mesure d’anticiper a été répertorié : Il volait dans un nuage par vent fort en Polynésie sans pouvoir s’orienter. Il en est ressorti à environ 5 km au large, emporté par le vent. Il y a attendu les sauveteurs pendant 2 heures, en se tenant à sa voile et sa sellette qui flottaient en surface.
Donc pour faire simple, dans la pratique : Soit on est manœuvrant, et on se concentre sur le pilotage jusqu’au bout pour essayer de rentrer, soit on est incapable d’anticiper et on subit jusqu’à l’eau.
Nos essais préalables :
Dans un premier temps nous avons équipé une sellette light de 2 jerrycans, 20l sous l'assise et 10l dans le bas du dos, afin de simuler la flottabilité des protections que l'on trouve sur une sellette. Après avoir interrogé le fabriquant Kortell, il s'avère que sur une sellette standard le volume total des protections oscille plutôt entre 120 et 160 litres, dont 60 à 80 juste sous les fesses ! Plusieurs essais avec des plongeurs-testeurs dans des conditions de sécurité optimales ont démontrées que même avec un volume de flottabilité quatre fois moindre :
- Il est impossible de se remettre en position dorsale stable pour pouvoir respirer en faisant une roulade avant ou arrière.
- Il peut être possible pour les testeurs les plus "vigoureux" de se retrouver transitoirement dans une position dorsale instable en retournant sur soi même sur un coté au prix d'efforts et de mouvements très vigoureux et coordonnés. Ces mouvements, plus la rotation latérales et l'instabilités en position dorsale ne font qu'enrouler le pilote dans ses propres suspentes.
- Selon la forme et la longueur de la protection dorsale, sortir la tête de l'eau par devant, lorsqu'on est en position ventrale, peut s'avérer particulièrement difficile et épuisant.
- En revanche, il est toujours possible de pivoter sur un flanc le temps de prendre une inspiration ou deux, en acceptant de revenir le visage dans l'eau durant l'expiration pour ne pas s'épuiser rapidement et inutilement.
Et cela, avec une réserve de flottabilité quatre fois moindre que celle d'une sellette classique. Un autre élément à prendre en compte : Les protections vont, à terme, se remplir d'eau. Les air-bags étant, de par la conception de leurs "clapets" les plus rapides à "piéger" de l'eau. La flottabilité sera donc moindre, puis progressivement nulle, avant de finir à plus ou moins long terme par couler sous l'effet des 120 à 160 litres d'eau contenus et du poids de la sellette et de ce quelle contient.
Dans une second temps, nous avons réalisé des essais de décrochage d'un croc fendu d'accélérateur, d'un mousquetons d'élévateur et des boucles d'une sellette suivi de l'extraction de celle-ci. Cela a été réalisé d'abord avec des gants, puis en les enlevant, et par des non parapentistes, pas du tout familiers au maniement de ces accessoires. Nous avions simplement pris le soin de leurs en expliquer le fonctionnement et de les laisser les manipuler quelques secondes à terre avant d'aller dans l'eau.
Tous sont parvenus à ouvrir l'ensemble des boucles et crocs en quelques dizaines de secondes. Les plus à leur aise dés le premier essais et en une seule apnée. Pour les autres, 2 à 3 courtes apnées ont été nécessaires. Après quelques essais, et en commençant par enlever les gants, tous ont réalisé l'ensemble des manœuvres en une seule apnée d'environ 25 secondes et sans masque. Enlever les gants permet gain de temps énorme. Avec des gants et sans une bonne vision, le bon positionnement dans l'axe des crocs fendus pour les séparer est très difficile réaliser. Ceci démontre l'utilité de savoir faire ces gestes par automatisme, les yeux fermés.
Les essais réalisés par des parapentistes équipés.
Avec une sellette et une voile ces essais ont mis en évidence l'importance d'éviter les mouvements reflex suivants : Natation avec les jambes aussitôt que l'on est dans l'eau, sous peine de s'emmêler dans les suspentes. Tentatives de respirer en levant la tête devant soi, avec à la clé des essoufflements et un épuisement rapide.
Avec un peu de bon sens nous avons pus tirer une liste des comportements à éviter, et ceux à privilégier.
Les priorités sont : Assurer sa survie immédiate, se mettre en conditions de sécurité pour les minutes à venir. Donc dans l’ordre chronologique :
1° Ne pas amerrir dans une zone de vagues déferlantes.
2° Ne pas finir sous sa voile.
3° Se mettre en position pour pouvoir respirer sans s’épuiser.
4° Se dégager de la sellette et des suspentes.
5° Ne pas se faire entraîner par le parapente, et/ou la sellette dans le courant ou le ressac.
6° Nager pour regagner la rive ou un point fixe flottant.
7° N’entreprendre la récupération du matériel que lorsque la sécurité du pilote est assurée.
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