Quelques commentaires utiles pour ceux qui se sentiraient intéressés par la modification de set-up d’un parapente =
1- A propos des performances :
Je mets en garde quiconque s’aventurerait à modifier son parapente pour en accroître les performances : gardez bien à l’esprit que la performance en planer est une chimère sur laquelle les constructeurs ont usé tant de jus de cervelle et d’heures de vol comparatif qu’il est inutile de la chasser en pensant que l’on puisse faire mieux qu’eux!
De même, remplacer un suspentage standard, solide et résistant à l’abrasion et aux mauvais traitements, par un suspentage fin type “compétition” pour gagner quelques dixièmes de point de finesse, ou quelques kilomètres par heure, est hypothéquer sa vie si l’on n’est pas en mesure d’en contrôler l’état avec des équipements adaptés et de le remplacer au moindre doute.
Ce n’est pas une question d’aptitude ou d’intelligence.
Yann, un pilote pyrénéen parmi les plus brillants et instruits de sa génération, est mort il y a une quinzaine d’années pour avoir fatalement <les élévateurs de son parachute ont été cisaillés par le choc de son ouverture après plusieurs centaines de mètres en chute libre> sous-estimé la résistance résiduelle d’un suspentage bas réalisé par ses soins en aramide de faible diamètre cousu <!!!> en exécutant quelques manœuvres engagées, un beau jour d’automne, après une belle saison de compétitions nationales et internationales avec une même aile, jamais révisée, alors qu’il venait de recevoir une nouvelle aile, neuve du constructeur qui le soutenait.
Et ne parlons pas des ailes de compétition utilisées en voltige…
Mon principal objectif quand je retouche une aile est, comme je l’ai fait sur moins d’une dizaine d’aile de sport ou de compétition en un peu plus d’une vingtaine d’années de vol, à l’exemple des deux générations des Zen qu’a fabriqué Apco entre 96 et 98, de toucher à prix “serré” des ailes que l’on considérait alors, à juste titre, comme pas agréables, pour m’en faire progressivement des amies performantes… sortes de cendrillons!
J’ai toujours et uniquement visé l’efficacité en ascendance dans des aérologies variées. De ce point de vue, le canton de Saint-Béat <31> est toujours pour moi un champ de manœuvre révélateur pour toute aile de vol libre… et son pilote : d’expérience, un couple qui y ira bien dans la variété des conditions que l’on y rencontre sur une année, dans ses reliefs aérologiques complexes et abrupts, ira bien partout et pour longtemps !
2- A propos du calage d’une aile :
Quand on a le temps, la méthode et les moyens d’en mesurer les dérives, il est édifiant de constater combien le comportement d’une aile qui plane bien aux alentours de 9 de finesse, comme c’est encore le cas de la Bionic en taille L, est sensible à de faibles variations de calage. En effet, si l’on répartit sur les étages supérieurs la modification de calage que j’ai concentrée, pour des raisons de simplicité, sur les suspentes basses (entre 10 et 20 mm seulement), on n’est pas loin de rester dans les tolérances de longueur couramment admises en contrôle et dans les documents d’homologation.
A titre d’exemple, sur la Zen 2 en taille M, le raccourcissement de 5 mm d’une suspente rendait l’aile neutre spirale et pour 5 mm de plus, on goutait aux sensations d’une franche… instabilité !
Cela devrait amener à réfléchir sur le vieillissement des ailes de parapente, et tout particulièrement sur le sens que l’on donne aux certifications, à fortiori pour des structures réalisées en matériaux légers et très sollicités par les trois rangées de suspente qui fleurissent partout cette année.
Pour les mêmes raisons, l’usage des trims est tout à fait pertinent pour pouvoir rétablir dans une configuration correcte une aile de compétition souffrant de ses nombreux voyages et de conditions de transport rudes, d’exposition répétées à la chaleur associée souvent à de forts taux d’humidité, etc.
Bref, vous avez compris que j’adhère pleinement au discours d’Alexandre Paux dont se sont fait écho les deux magazines de parapente français !
Quatre lignes, c’est très bien pour qui veut garder plusieurs années son matériel.
Une Bionic 2 TE, réalisée en tissus éprouvé chez Jojowings, suspentée en gros diamètres aramide gainés en bas et polyéthylène gainé en haut, effectuera sans aucun doute plusieurs centaines d’heures de vol sans usure excessive et on pourrait en voir encore bien voler dans dix ans
Attendons de voir comment les designs à la mode vont eux vieillir dans les mois à venir : il ne serait pas étonnant que des pilotes volant beaucoup et/ou peu soigneux, se plaignent de comportements étranges…
A moins que le markéting et la logique du “parapente Kleenex” ne prévale dans les années à venir et que l’on nous explique qu’il est normal de “raquer” tous les ans
Dommage aussi pour ceux qui ne pourront acheter que des occasions.
Alors, un dernier conseil pour la route
:
En occasion, ne se fier qu’aux voiles écoles et/ou aux voiles éprouvées dont les profils sont les plus tolérants aux grandes incidences et dont le calage donne souvent une finesse maxi pour un peu de frein.
Il n’y a là rien de gratuit : il s’agit de choix raisonnés de conception pour le meilleur compromis possible du point de vue sécurité et bon vieillissement, tout en assurant des performances qui étaient celles des voiles de sport d’il y a quelques années à peine.
Veinards que vous êtes!
[i]= Tribute to ALEX =
A la demande de Xavier Beauvallet , j’ai eu à la fin des années 90 le plaisir de présenter deux de mes protos au pilote essayeur Apco de l’époque : Alex avait eu le loisir pendant plusieurs jours d’en tester plusieurs configurations, enchainant les manœuvres de SIV au dessus de Lumbin en gardant la maîtrise de celles-ci dans un calme olympien… un vrai baroudeur du parapente.
Si vous avez la chance de le croiser et de le mettre suffisamment en confiance pour qu’il s’affranchisse d’une réserve que l’on pourrait prendre pour du dédain, cet athlète sud-africain, plusieurs fois recordman de distance dans des conditions dantesques et volant sans oxygène, pourrait vous raconter comment il s’est retrouvé un jour piqué sur un arbre comme une olive sur un cure dent, à la suite de la rupture d’un biplace sous lequel il volait seul, lesté pour faire des tests risqués <!>, le tout au dessus de terrains truffés de mines et d’explosifs, attendant qu’un hélicoptère l’extrait de ce piège, ou comment, attendant une autre fois le retour de la ligne d’un treuil, il fut arraché du sol par un dust avec une violence telle qu’il accomplit un tumbling à une hauteur suffissante pour que son barographe ne l’enregistre <bien cassé mais vivant : il était retombé dans la seule cuvette de sable au milieu de plusieurs dizaines d’hectares de plateau rocheux…
Alex Louw est un de ces grands Messieurs du vol libre, travailleurs de l’homme, dont on ne reconnait pas assez la laborieuse et généreuse contribution à la relative sécurité actuelle dont nous bénéficions.[/i]