Une piste de réflexion.
Quand Bastien et Julien ont ouvert une voie dans le pilier nord de la Grande Casse, ils ont publié un topo laminaire et très parlant : “Le rocher est détestable, le pitonnage inefficace et l’assurance tout à fait impossible. Ceux qui voudront reprendre cet itinéraire n’ont pas besoin de conseils”.
Les constructeurs de parapentes pourraient s’inspirer de cet esprit en qualifiant ainsi leurs voiles : “Cette voile hors-normes s’adresse à des pilotes experts maîtrisant les voiles les plus pointues dans les aérologies les plus difficiles, ces pilotes-là n’ont pas besoin de conseils”.
Les pilotes “moyens” (c’est relatif) qui risquent leurs peaux sous des voiles extrêmes qu’ils ne maîtrisent pas complètement me rappellent les motards qui roulaient jadis avec la 1000 Vincent, “la faiseuse de veuves”, un engin démoniaque qui poussait du feu de dieu mais qui ne tenait pas la route, ne freinait pas et saucissonnait même en ligne droite. Pour pousser cela poussait… souvent vers le cimetière.
Ceux qui ont piloté la Kawa H2 n’étaient pas souvent au niveau, cet engin poussait encore plus fort que la Vincent, ne freinait pas mieux et tenait juste un peu mieux le parquet en ligne droite. Dans les virages enchaînés c’était de la folie, je me rappelle en avoir suivi une avec ma 450 Honda dans la montée de Val d’Isère, le pilote était à la rue.
Tout le monde avait le droit de s’offrir une H2 et de se faire avec des grosses chaleurs et des grosses gamelles. Ceux qui roulaient avec une H2 la savaient à peu près impilotable et dangereuse, ils n’avaient pas besoin de conseils.
Une pensée pour Gilles Husson, un fêlé qui maîtrisait la H2.
Les voiles du genre R10-R11 sont un peu comme la H2, il faut des pilotes d’élite pour les maîtriser et en exploiter toutes les performances. Comme toujours en compète, performance et sécurité passive sont inconciliables.
Les pilotes de F1 et de GP moto se tuaient dans les années 70, beaucoup moins dans les années 80 et maintenant les accidents mortels sont très rares. Gageons que le parapente suivra une évolution comparable et que dans quelques années nous verrons voler des voiles aussi performantes que la R11 et aussi sûres que la Joy.
D’où la classification qui me semblerait réaliste :
EN A : voile de début peu allongée et lente à grands caissons, qui ne ferme pas à plus de 30% et se réouvre tout de suite.
EN B : voile de progression, un peu plus allongée qu’une A, qui peut fermer à 50% mais sans cravater et qui se réouvre quasiment toute seule, qui communique bien ce qui se passe au pilote.
EN C : voile intermédiaire allongée (4 lignes) à tout faire, qui nécessite d’avoir travaillé en SIV tous les incidents de vol et qui autorise les vols de distance (cross) en permettant d’utiliser efficacement l’accélérateur. Fermetures possibles et gérables, cravates exceptionnelles.
EN D : voile performante très allongée, exigeante en pilotage et trop pointue pour Mme POB, qui vole plus vite et monte encore mieux que sa bonne vieille Artik.
EN E : voile de compétition non homologuée pour pilotes d’exception. Ceux qui voudront voler avec n’ont pas besoin de conseils.
Salut et fraternité*